Présidentielle : la volonté d'élimination l'emporte
La dernière vague du baromètre Présidentielle Ipsos-Le Figaro-Europe 1 confirme la progression de Lionel Jospin, qui rejoint Jacques Chirac dans les intentions de vote second tour. Mais, en l'absence de dynamique positive en faveur des deux hommes, la volonté d'éliminer l'autre candidat l'emporte dans chaque électorat. Dans l'interview réalisée pour le Figaro que nous reproduisons, Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos, souligne encore la probabilté d'une abstention record au premier tour.
Que constate-t-on depuis les déclarations de candidatures du Président de la République et du premier ministre ?
Même si les mouvements sont limités, l’évolution est incontestablement favorable à Lionel Jospin. Néanmoins, il n'y a pas encore de dynamique positive et solide. Le fait marquant est là : avant que Chirac et Jospin ne déclarent leur candidature, la quasi-totalité des instituts de sondages donnaient un avantage à Jacques Chirac au second tour ; depuis une semaine, plus aucun sondage ne le donne gagnant.
Comment expliquez-vous la remontée de Jospin au deuxième tour ?
Il semble davantage profiter d’une dynamique par défaut. Cela apparaît nettement dans la perception qu'ont les Français de la campagne de Jospin, comme de celle de Chirac, toutes deux jugées très sévèrement. Tout se passe comme si la volonté d’élimination l’emportait sur la motivation d’un choix positif. On choisit plus souvent Chirac pour rejeter Jospin, et inversement. La progression de Jospin s’explique encore par une plus grande détermination de ses soutiens traditionnels que ce n’est le cas pour le Président sortant. Il faut néanmoins considérer ces évolutions avec précaution et se souvenir notamment des Municipales. Au delà des sondages, le rapport de force électoral en France reste depuis 1997 extrêmement équilibré, et il n’est pas défavorable à la droite.
Quel est le risque issu de cette situation d’équilibre pour Jacques Chirac ?
Le risque pour Chirac est que s'installe dans l'électorat de droite un doute sur sa capacité à incarner le leadership de son camp naturel et sur sa détermination à assumer cette position. On note aujourd’hui à droite une plus grande indécision à l’égard du Président. Le soutien du "peuple de gauche" à l’égard du Premier Ministre semble aujourd’hui plus net. Le doute à gauche concerne moins la personnalité du Premier Ministre mais plutôt l’identité politique future de la gauche de gouvernement.
Il reste qu’à droite personne ne semble pouvoir profiter de cette fragilité…
Après Toulouse, François Bayrou parvient à nouveau à mieux mobiliser l’électorat de l’UDF. Il enregistre pour la première fois un score d’intentions de vote au sein de son électorat supérieur à ceux dont sont crédités Jacques Chirac et Jean-Pierre Chevènement.
Arlette Laguiller enregistre une progression de son niveau d’intentions de vote. Comment l’expliquer ?
Pour bon nombre d’électeurs de gauche, la tentation Laguiller est un vote de contre-pouvoir. Celui qui exprime le mieux l’inquiétude face au recentrage éventuel de la gauche de gouvernement. Si Laguiller enregistre un tel niveau d’intentions de vote, c’est aussi parce qu’elle parvient momentanément à prospérer sur les terres socialistes (10% d’intentions de vote chez les sympathisants PS) et communistes (20% chez les sympathisants du PC). On ne peut pas exclure que le premier tour devienne à gauche comme à droite le réceptacle de toutes les expressions de contestations à l’égard du système politique ?
Finalement, comment caractériseriez-vous la campagne actuellement ?
Face à l’insatisfaction provoquée par une campagne de premier tour sans enjeux réels pour une majorité de Français, le risque majeur est de réunir toutes les conditions d’un record d’abstention pour un premier tour d’élection présidentielle. La réserve de mobilisation ainsi constituée pour le second tour rendrait encore un peu plus aléatoire l’issue finale du scrutin.