Présidentielle US : l'élection inestimable
Fox News voit John Kerry vainqueur pour la première fois depuis août (48%/46%) ; Democracy Corps en vient aux dizaines de pourcentage (49,5 pour Kerry contre 48,7% pour Bush, 0,6 pour Nader), Zogby donne un point d'avance à George Bush, Gallup les place à égalité. Selon tous les sondages, le prochain président des Etats-Unis se cache dans les marges d'erreurs de l'instrument. A quelques soubresauts près; John Kerry et George W. Bush sont au coude à coude depuis le début de la campagne.
Le dilemme auquel se heurtent les Américains se résume en quelques questions dans une des dernières enquêtes Ipsos. On fait davantage confiance à Kerry en matière de création d'emplois (54% contre 40% pour George W. Bush). Mais l'emploi n'est pas la première préoccupation des Américains, pour qui la sécurité du pays reste le sujet numéro un. Et sur ce thème, George W. Bush reste plus crédible que son adversaire (51% contre 45% Kerry). Sa détermination plaide en sa faveur, une qualité que la majorité des Américains ne retrouvent pas chez Kerry. Tous les Américains ne sont toutefois pas si velléitaires. Les indécis sont entourés de deux blocs qui se neutralisent : l'Amérique Wasp (propriétaires, hauts revenus, pratiquants, ruraux,...), majoritairement favorable à Bush, face au camp démocrate qui recrute ses soutiens chez les bas revenus, locataires, minorités ethniques ("non blancs"), urbains (cf. sociologie de l'électorat).
50/50 au niveau national, qui se décline localement dans une dizaine d'Etats. Le fléau est à l'équilibre, au sommet de la courbe de Gauss, là où les marges d'erreurs statistiques sont les plus importantes. Pour partager les coûts de l'estimation, les 4 majeurs "networks" (ABC, CBS, NBC et Fox), CNN et AP se sont mis d'accord pour travailler avec un "pool" d'instituts de sondages. Ce pool délivre des données aux experts de chaque média, qui s'escriment alors à trouver dans les listings de chiffres le nom du vainqueur. Et le plus vite possible, la compétition est rude. En 2000, Fox News avaient tiré les premiers, en annonçant la victoire de George W. Bush, avant de se rétracter. Entre temps, "l' information" avait été reprise partout. Finalement, après plusieurs annonces prématurées et contradictoires, sondeurs et analystes avaient abandonné, retranchés derrière le fameux "too close to call", en attendant pendant 36 jours la capitulation démocrate et l'arrêt du recompte des bulletins en Floride. Au total sur les trois dernières élections de 1998, 2000 et 2002, les principaux media se sont trompés de vainqueur à 20 reprises.
A moins d'une victoire nette de Kerry ou Bush dans certains "swing states", la Floride par exemple, hypothèse non mesurée dans les derniers sondages même si la dynamique de fin de campagne lui est favorable, la situation peut se reproduire. D'autant plus que le ¼ du corps électoral a déjà voté, ce qui obligent les sondeurs à mixer sondages sortie des urnes, estimations et sondages classiques, pour essayer de donner le vainqueur. Les marges d'erreurs de ce cocktail sont grandes pour un match qui s'annonce si serré. Les corrections apportées suite aux difficultés de 2000 n'ont pas été probantes en 2002, le système étant à nouveau pris à défaut. On se retrouve aujourd'hui face à un test grandeur nature. Echaudés par leurs dernières prestations, le pool d'estimations et les media joueront alors peut-être alors la prudence. Si c'est le cas, il faudra s'en remettre au décompte officiel, que 20 000 (!) avocats comptent surveiller de près. Les Américains auront-ils un nouveau Président pour Noël ? Officiellement en tous cas ils ont jusqu'à janvier pour le trouver.