Quartiers sensibles : les trois quarts des habitants souhaitent déménager
L'enquête Ipsos-Logica Business Consulting réalisée pour France Bleu dresse un état des lieux de la situation dans les quartiers sensibles, selon un échantillon représentatif des Français, mais aussi selon les habitants de ces quartiers. Les deux points de vues ne se superposent pas toujours, sur le constat comme sur la hiérarchie des solutions préconisées pour améliorer les choses.
Vidéo : Voir l'analyse vidéo de Jean-François Doridot
Cinq ans et demi après les émeutes de 2005 et malgré la mise en place du Plan espoir banlieues en 2008, la situation des quartiers sensibles ne change pas, voire se détériore. 43% des Français ont le sentiment que les conditions de vie (logement, sécurité, emploi) dans les quartiers sensibles se sont dégradées ces dernières années, contre 11% qui estiment au contraire que la situation s’est améliorée, et 42% qui pensent qu’elle n’a pas vraiment changé. Les jugements sont un peu plus nuancés chez les habitants de ces quartiers, où le sentiment du statuquo prédomine (43%). Un habitant sur trois a tout de même l'impression que la situation se dégrade (32%), contre 18% d'avis contraires.
Quoi qu'il en soit, le malaise est tel que les trois quarts (76%) des habitants souhaitent déménager ; 58% avouent même y songer souvent. Il faut dire que plus d'une personne sur deux (54%) déclare ne pas se sentir en sécurité dans son quartier (c’est même « souvent » le cas pour 29% d’entre eux), et 45% se sentent mis à l’écart ou rejeté en raison de leur quartier de résidence. Ce mal-être s’atténue un peu lorsque l’on s’éloigne du cœur des quartiers sensibles, avec un sentiment d’insécurité qui reste assez fort chez les personnes vivant à proximité immédiate d’un quartier sensible (47%), mais un sentiment moins présent d'être mis à l’écart (24%). La volonté de déménager est aussi légèrement moins forte, même si elle concerne tout de même près d'une personne sur deux (46%).
Les leviers d’amélioration de la situation dans les quartiers sensibles : l’emploi, l’éducation et la présence policière
Lorsque l’on demande aux Français quelles mesures devraient selon eux être mises en place en priorité pour améliorer les choses dans les quartiers sensibles, deux pistes se dégagent assez nettement : favoriser l’installation d’entreprises qui embauchent dans ces quartiers (44% de citations) et améliorer le système éducatif (36%). Le renforcement de la présence policière (27%), l’accroissement des moyens financiers alloués aux éducateurs et aux associations (24%) et le renforcement de la présence des Services Publics et des équipements collectifs sportifs et culturels (22%) sont aussi souvent évoqués, tandis que le développement de la mixité sociale (15%), la rénovation et l’embellissement des logements (12%) et le renforcement de la présence des commerces de proximité (9%) ferment la marche. Les mesures préconisées varient sensiblement en fonction de la sensibilité politique des sondés : le renforcement de la présence policière par exemple est davantage mis en avant par les sympathisants de droite (33%) que ceux de gauche (17%). A l'inverse, le développement de la mixité sociale (cité par 21% des sympathisants de gauche contre 11% des sympathisants de droite) ou l’augmentation des moyens financiers des associations (28% contre 19%) comptent davantage d’adeptes à gauche qu’à droite.
Indépendamment de la sensibilité politique, les habitants des quartiers sensibles ne proposent pas tout à fait la même hiérarchie de mesures pour améliorer la situation. Comme l'ensemble des Français, ils jugent primordial de favoriser l’installation d’entreprises qui embauchent (46%). Mais ils sont ensuite plus nombreux que la moyenne nationale à demander le renforcement de la présence policière (38%), cité plus fréquemment que l’amélioration du système éducatif (31%) ou que le renforcement des moyens financiers des associations (29%). Notons également que 20% des habitants des quartiers sensibles, un sur cinq, jugent prioritaire de rénover et d’embellir les logements (contre 12% à l’échelle nationale).
Une forte circonspection quant à la capacité des politiques à améliorer la situation dans les quartiers sensibles
Invités à désigner le parti politique qui leur semble le plus à même "d’agir efficacement en faveur des quartiers sensibles", les sondés livrent une réponse sans appel : un Français sur quatre (23%), un sur trois dans les quartiers sensibles (35%) renvoient toutes les formations politiques dos à dos (aucune / ne se prononcent pas). Ensuite, un tiers des Français (36%) considèrent que la gauche parlementaire est la plus apte à améliorer la situation, 15% désignent l'UMP et 13% le Front National. Le FN a encore meilleure audience dans les quartiers, cité par 21% des habitants comme étant le parti le plus apte à faire bouger les choses, presque au niveau de la gauche parlementaire (25%) et loin devant l'UMP (7%).
Fiche technique :
Ipsos et France Bleu ont interrogé 1014 personnes, constituant un échantillon représentatif de la population âgée de 15 ans et plus pour connaître leur perception de la situation dans les quartiers sensibles. Echantillon interrogé par téléphone les 25 et 26 mars 2001, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille, région et catégorie d’agglomération).