Référendum sur la constitution européenne : l'expression d'une angoisse

Dans une interview publiée dans le Figaro que nous reproduisons, Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos, commente la dernière intention de vote pour le référendum sur la constitution européenne. Selon lui, ce sondage "met définitivement fin à une campagne du oui tranquille".

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
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En quinze jours, le non a progressé de 12 points dans l'opinion. Comment l'expliquez-vous ?

Pierre GIACOMETTI. - La situation économique et sociale mais aussi un pouvoir impopulaire et une Europe sans visibilité ont produit des effets aussi violents qu'en période de campagne électorale. C'est un cocktail de mouvements lycéens et étudiants, qui montrent une inquiétude générationnelle, de la directive Bolkestein, qui donne l'impression que l'Europe ne contrôle plus rien, de la publication des profits records des entreprises du CAC 40, alors que le chômage est remonté à 10%. Il y a aussi un milieu politique, qui semble à côté de toutes les difficultés, et puis l'affaire Gaymard... Cette dynamique du non est l'illustration du très haut niveau d'inquiétude économique et sociale des Français. Dans de nombreuses catégories sociales, on mesure même la peur et l'angoisse de voir s'installer l'appauvrissement chronique de leur situation.

Cette montée du non va-t-elle contribuer à mobiliser les partisans du oui ?

Curieusement, c'est l'inverse qui se produit. Mais la droite est plus mobilisée que la gauche. Les électeurs les moins mobilisés sont les socialistes et les Verts. Le non devient majoritaire à gauche, toutes gauches confondues, comme s'il y avait une dynamique de vote sanction à l'égard du pouvoir, et il divise profondément l'électorat socialiste, où le oui baisse de sept points en quinze jours. Le non devient majoritaire chez les salariés, singulièrement ceux du secteur public, où il progresse de seize points, et il est en progression chez les Français aux revenus les plus modestes, les employés, les ouvriers et les cadres. Le non progresse dans une moindre mesure à droite, et quasiment exclusivement à l'UDF. On a l'impression que le seul électorat où le oui tient le choc, c'est celui de l'UMP.

Malgré cette dynamique générale du non, pensez-vous que le oui puisse l'emporter le 29 mai ?

La campagne électorale, qui n'a pas encore commencé, va faire bouger les lignes, et il y a encore deux mois de débats. Entre nos deux enquêtes, il y a toujours un niveau de non-décision qui concerne un tiers des Français. La montée du non va-t-elle conduire les partisans du oui à changer de stratégie et à entrer plus rapidement que prévu en campagne pour expliquer aux Français le contenu de la Constitution européenne ? C'est une question clé, car pour certains électeurs, l'Europe ne produit que de l'angoisse et de l'inquiétude. Ils se demandent pourquoi voter en faveur d'une Constitution qui n'apporte aucune solution à leurs problèmes. En tout cas, cette enquête met définitivement fin à une campagne du oui tranquille.

Propos recueillis par Sophie Huet pour Le Figaro

> L'interview de Pierre Giacometti sur Europe 1

INTENTIONS DE VOTE POUR LE REFERENDUM SUR LA CONSTITUTION EUROPEENNE

Un référendum sur la future Constitution européenne sera organisé en France le 29 mai 2005. Si ce référendum avait lieu dimanche prochain, voteriez-vous oui à ce projet de Constitution ou non à ce projet de Constitution européenne ?

  Certains d’aller voter, exprimés** Sympathisants
Gauche
parlementaire
%
Dont 
PS
%
Droite
parlementaire
%
Dont UMP
%
FN-MNR*
%
Oui 48 45 55 67 70 14
Rappel 4-5 mars 2005 60 54 62 72 67 48
Non 52 55 45 33 30 86
Rappel 4-5 mars 2005 40 46 38 28 33 52
  100 100 100 100 100 100

* Résultats à interpréter avec prudence compte tenu de la faiblesse des effectifs
** 24 % des personnes interrogées, certaines d'aller voter, n'ont pas exprimé d'intention de vote


Fiche technique :

SONDAGE EFFECTUE POUR : LE FIGARO ET EUROPE 1
DATES DU TERRAIN : Les 18 et 19 mars 2005.
ECHANTILLON : 860 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française inscrite sur les listes électorales.
METHODE : Echantillon interrogé par téléphone
Méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, catégorie d’agglomération et région.

Les résultats de l’intention de vote ne constituent pas un élément de prévision du résultat électoral. Ils donnent une indication significative de l’état du rapport de forces actuel entre le oui et le non à l’échelle nationale. Ils sont calculés sur la base des personnes se déclarant certaines d’aller voter.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

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