Représentation des minorités ethniques: la publicité peut mieux faire
La majorité des Français considère que la représentation des minorités ethniques – Noirs, Asiatiques ou Maghrébins – dans le domaine du sport (75%), des films et des téléfilms (60%) ou des arts et spectacles (60%) est conforme à la part qu'ils représentent dans la population française. Ils sont en revanche plus partagés en ce qui concerne la mode (52% considèrent que les minorités y sont suffisamment présentes) et la publicité (50%).
Sur la pub, les plus jeunes se montrent plus sévères que leurs aînés, avec une majorité qui s'accorde à dénoncer une sous-représentation des minorités (50% chez les moins de 35 ans, contre 45% d'avis contraire). Sur l'ensemble de l'échantillon, la publicité se classe donc 5ème pour sa capacité à offrir aux minorités la place qui leur revient, derrière les domaines précités, mais devant les secteurs "télé/radio" (44%) et "politique" (23%).
En terme d'évolution, les choses progressent lentement. Pour la plupart des interviewés, il n'y a pas eu de bouleversements importants dans ce domaine depuis une dizaine d'années, sauf dans le sport (72% des Français estiment que les minorités ethniques y sont plus représentées et les films (71%). Dans les autres domaines de la vie sociale, on va dans le bons sens mais les progrès semblent moins nets.
L'image des minorités dans la pub semble assez lisse. La majorité des Français juge que leur représentation n'est "ni valorisante, ni dévalorisante" (62%, contre 26% de "plutôt valorisante", 8% "plutôt dévalorisante"). Les Français ne considère pas que la publicité soit raciste, ni qu'elle véhicule une image particulièrement positive des minorités. S'il est d'usage de considérer que la pub a pour habitude d'anticiper les évolutions de la société, voire de les provoquer, l'enquête montre qu'elle ne joue pas un rôle "moteur" dans le domaine.
Les explications données par les personnes les moins satisfaites de la façon dont les minorités sont aujourd'hui représentées sont à ce titre intéressantes. Rares sont celles qui disent avoir vu des films à connotation objectivement raciste. Pour autant, elles ont fréquemment le sentiment que les représentations valorisantes des minorités sont essentiellement, voire presque exclusivement liées au sport. Le fait même que cette représentation "positive" dans le domaine du sport soit quasiment exclusive est pour beaucoup une mauvaise chose qui les stigmatise et qui les réduit à leur corps :
« Les Noirs pour le sport, ils apparaissent là où on les attend »
« On les voit dans des publicités de sport, là, c'est acceptable pour la société »
« On voit les muscles mais pas la tête »
« Ce ne sont plus que des corps, ils sont réduits à leur corps et la puissance physique qu'on leur attribue et pas pour faire autre chose. On les voit parce qu'ils courent vite »
Ils reprochent à la publicité d'être un vecteur de stigmatisation en ne les montrant que par rapport à "leurs origines" et aux stéréotypes qui vont avec.
« Les Asiatiques ont une image liée à certains produits alimentaires, pour les Maghrébins, c'est le couscous et le banania pour les Noirs »
« On leur fait jouer des rôles qui sont liés à leurs origines »
« Dans les pubs sur la banlieue, ils prennent systématiquement des jeunes Maghrébins, ils sont représentés à travers des archétypes. Les banlieusards dans la publicité sont attachés à des comportements sociaux stéréotypés »
« Ce sont souvent des rôles de racailles, la pub YOP où le jeune blanc se fait voler son yaourt par 3 noirs et un maghrébin »
Résultat : ils ont le sentiment que les minorités ethniques ne sont que très rarement montrées "comme les autres". Pour eux, elles ne se voient pas reconnues "de droit à l'indifférence".
« On ne verra pas un jeune noir sortant des grandes écoles, on les voit dans les publicités de sport, là c'est acceptable pour la société…On les représente un peu comme des sous-hommes »
« On ne verra jamais un conseiller financier de couleur ou un assureur »
« Ce sont rarement des gagnants »
« Ils sont jamais très bien habillés, on les voit toujours en train de se bagarrer »
« On ne les valorise pas à un niveau professionnel supérieur »
La majorité de Français souhaite donc aujourd'hui que la publicité fasse un effort pour accorder une meilleure place aux minorités ethniques. On attend une place plus importante et plus valorisante (63%) ; 21% jugent que c'est "indispensable", 42% que c'est "important" contre 25% qui pensent que c'est "secondaire" et 9% "inutile".