Séguin candidat dans le 18ème arrondissement : un pari très risqué
Séguin n'a pas choisi la solution de facilité en se portant candidat dans le 18ème arrondissement. Les résultats des derniers scrutins ne plaident pas en sa faveur : Jean-Louis Debré, alors Ministre de l'Intérieur, avait échoué en 1995 face à Daniel Vaillant (il avait recueilli 43,02% des votes exprimés, contre 46,36% pour le candidat socialiste). Lors des législatives de 1997, M. Stefanini, proche de Jacques Chirac et d'Alain Juppé, avait lui aussi été battu par le candidat socialiste M. Caresche (48,42%, contre 51,58%).Interrogés avant l'annonce officielle de sa candidature, les électeurs du 18ème étaient d'ailleurs partagés sur l'opportunité d'une candidature Séguin en tête de liste : 39% des électeurs estimaient que "si Philippe Séguin décidait d'être tête de liste dans leur arrondissement, il aurait plutôt tort", contre 35% qui pensaient "qu'il aurait plutôt raison", et 26% préférant ne pas se prononcer. Les deux tiers des électeurs proches de la droite parlementaire encourageaient toutefois une telle initiative (65%, contre 23% d'avis contraires).
En se postant en quatrième position sur la liste de droite, Philippe Séguin rend le challenge encore plus difficile. Il ne sera en effet élu conseiller de Paris, et ne pourra envisager d'être maire de Paris, qu'à la condition que la droite emporte l'arrondissement. C'est dire si le député des Vosges joue à quitte ou double. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne part pas aujourd'hui favori. La liste d'union de la gauche, conduite par Daniel Vaillant, le Ministre de l'Intérieur, et Bertrand Delanoé, candidat du Parti socialiste à la Mairie de Paris, et qui compte encore dans ses rangs Claude Estier, président du groupe socialiste au sénat, arrive largement en tête des intentions de vote au premier tour (39%). Elle devancerait de plus de dix points une liste "RPR-UDF-Démocratie Libérale conduite par Philippe Séguin" (27%). Certes, l'enquête Ipsos / Le Point ne mesure pas l'impact de l'annonce de la candidature de Philippe Séguin, et présente ce dernier comme tête de liste. Cette étude confirme cependant la progression de la gauche enregistrée depuis 1995 dans cet arrondissement :
18ème arrondissement -Maire : Daniel Vaillant
| Municipales 95 premier tour % | Législatives 97 premier tour % | Européennes 99 | |
| Extrême gauche | 4,3 | 5,4 | 7,2 |
| Gauche plurielle | 40,9 | 43,5 | 47,2 |
| Droite | 38,9 | 32,4 | 31,3 |
| Extrême droite | 15,9 | 13,9 | 10,1 |
En troisième position de ce premier tour virtuel, les Verts, avec 14% des intentions de vote, pèseront certainement dans les négociations avec la gauche pour le second tour. Ce score confirme également la progression écologiste dans l'arrondissement - aux élections européennes de 1999 ; Daniel Cohn-Bendit avait déjà obtenu un de ses meilleurs scores dans le 18eme, avec 20% des suffrages exprimés.Peut-être plus ennuyeux encore pour Philippe Séguin, l'étude ne permet ni d'exclure la présence d'une liste d'extrême droite au second tour (la liste du Front National conduite par Pierre Brangeon, avec 9% d'intentions de vote, est en effet aujourd'hui très près du seuil des 10% nécessaires pour se maintenir au second tour), ni l'éventualité, qu'en cas d'accord avec le RPF, une liste soutenue par Jean Tibéri arrive à franchir la barre des 10%. Nul doute que les chances de victoire de la droite seraient vraiment très faibles en cas de triangulaire au second tour.
Même si cette hypothèse n'était pas vérifiée, et que le deuxième tour se résumait à un duel entre les listes de la gauche plurielle et de la droite parlementaire, on enregistre pour l'instant un très net avantage à la gauche : 56% des électeurs du 18ème voteraient aujourd'hui pour la liste de gauche, contre 44% d'intentions de vote pour celle de droite.Au second tour, la liste de la gauche plurielle obtient donc un score supérieur de 3 points au cumul des scores enregistrés par les listes PC/PS et Verts au premier tour. Ce résultat s'explique par le très bon report de voix des écologistes sur la liste de la gauche plurielle, mais surtout par le très mauvais report des "Tibéristes" et des sympathisants de l'extrême droite vers la liste d'union de la droite. En effet, à peine la moitié de ceux ayant voté pour la liste soutenue par Jean Tibéri ou la liste du Front National donneraient leur suffrage au second tour à la liste RPR-UDF-Démocratie Libérale.
A cinq mois du scrutin, les choses peuvent encore beaucoup évoluer. Pour autant, les résultats ne sont guère encourageants pour Séguin. La majorité des électeurs du 18ème ne croient d'ailleurs pas à la victoire de la droite dans leur arrondissement, malgré sa présence. Plus de six électeurs sur dix estiment en effet que "la gauche l'emportera si Philippe Séguin était candidat dans leur arrondissement". Symptomatiquement, même la majorité des électeurs proches de la droite parlementaire (44%) sont du même avis, contre seulement 34% qui croient à la victoire de la droite, et 22% qui préfèrent ne pas se risquer à un pronostic.
La partie s'annonce donc serrée pour Philippe Séguin. Même si la droite conservait les 12ème, 13ème et 14ème arrondissement, ce qui théoriquement lui assurerait de conserver la mairie de Paris, une défaite dans le 18ème priverait Séguin du fauteuil de l'hôtel de Ville. Un tel scénario relancerait de fait les candidatures de Françoise de Panafieu, Edouard Balladur, voire Jacques Toubon pour la succession de Jean Tibéri. Mais de son côté, Philippe Séguin est serein, comme l'atteste la fin de son discours de candidature : "(…) je connais les sondages qui vont donner le rapport entre Monsieur Vaillant et moi à 55/45 à mon détriment. Je considère que c'est une excellente base de départ."