Simulation : les perdants de la réforme du mode de scrutin européen
La réforme du mode de scrutin européen avantagerait à la fois les grandes formations nationales et les petits partis régionaux. Mais elle lèserait le PCF, les écologistes et le FN.
La réforme du mode de scrutin européen divise la majorité. Communistes et écologistes accusent les socialistes de vouloir changer la règle du jeu électoral en fonction de leurs propres intérêts. Dominique Voynet, ministre Verte de l'Environnement, a même accusé Lionel Jospin, dimanche 17 mai au "Grand jury RTL-le Monde-LCI", de se comporter comme le "relais des préoccupations électorales du PS".
Les simulations auxquelles nous nous sommes livrés à partir du résultat des élections européennes de 1995 (voir tableau) montre, il est vrai, que les partenaires du principal parti de la majorité actuelle risquent de souffrir de la réforme envisagée par le gouvernement. Il s'agirait de découper l'actuelle circonscription unique que représente la France pour élire les députés européens au scrutin proportionnel en sept circonscriptions métropolitaines (voir carte) et d'une d'outre-mer.
Chacune de ces nouvelles circonscriptions regrouperait de une à cinq régions et élirait, toujours à la représentation proportionnelle, entre 6 et 16 députés européens. Le motif invoqué en faveur d'une telle réforme est la nécessité de rapprocher l'électeur de l'élu. Actuellement, le député européen - qui doit son siège à une bonne place sur une liste nationale - n'est le représentant d'aucune fraction du territoire. Demain, si cette réforme aboutissait, il serait l'élu d'une "méga-région". Mais la taille même de ces nouvelles circonscriptions renforcerait sans doute bien peu le lien entre les élus au Parlement de Strasbourg et le terrain électoral.
Simulation des élections européennes avec la réforme électorale
Nombre de |
(Chas-
seurs)
ssamy
(Dom-Tom)
De Villiers
(MPF)
Le Pen
(FN)
Wurtz
(PCF)
Baudis
(UDF-
RPR)
Tapie
(MRG)
Rocard
(PS)
Nord-Normandie
0
0
2
2
1
4
2
2
Grand-Est
0
0
2
2
0
4
2
2
Ile-de-France
0
0
2
2
1
6
2
3
Centre-Massif Central
0
0
1
0
0
3
1
1
Grand-Ouest
0
0
3
1
0
4
1
2
Grand Sud-Ouest
1
0
1
1
1
4
1
2
Grand Sud-Est
0
0
2
3
1
5
2
2
Dom-Tom
0
1
0
0
0
1
1
0
REPARTITION AVEC
LA REFORME
ELECTORALE
1
1
13
11
4
31
12
14
REPARTITION
AVEC LA LOI
ACTUELLE
0
0
13
13
7
28
11
15
LA REFORME
1
1
0
-2
-3
3
1
-1
La division de la France en sept circonscriptions aurait néanmoins pour conséquence de rendre la tâche plus délicate à certaines formations d'audience relativement modeste. C'est tout particulièrement le cas des communistes. Avec la régle du jeu actuel, il leur suffit de dépasser le seuil fatidique des 5% de suffrages exprimés, au plan national, pour obtenir une juste représentation selon la règle de la proportionnelle à la plus forte moyenne. Avec la réforme, leurs voix seraient perdues, en termes de sièges, dans toutes les régions où leur influence est faible. Par un effet de seuil mathématique, il faudrait dépasser les 7 à 10% des voix pour décrocher un siège dans la majorité des nouvelles circonscriptions. Avec le même nombre de voix, le PCF n'aurait plus que 4 élus européens au lieu de 7. Les écologistes subiraient le même handicap: celui-ci n'est pas visible dans notre simulation car ce courant s'était divisé en deux en 1994, aucune de ses listes ne franchissant la barre des 5% au plan national.
Le Front national souffrait, lui aussi, d'un changement des règles du jeu: 11 élus au lieu de 13. Celui-ci avantagerait, a contrario, la formation arrivée en tête, comme ce fut le cas pour la liste Baudis (UDF-RPR) en 1994: celle-ci obtiendrait 31 sièges contre 28 avec le système actuel.
Notons cependant que certaines petites listes trouveraient intérêt à ce fractionnement du scrutin européen. C'est le cas de celles qui sont incapables de recueillir plus de 5% des voix au plan national mais dont l'influence est concentrée sur une partie du territoire. La liste "Chasse, pêche, nature et tradition" - bien implantée dans le Sud-Ouest - pourrait plus facilement entrer au Parlement européen, de même qu'une liste de défense des DOM-TOM. La réforme envisagée avantagerait à la fois les grandes formations nationales et les petits courants régionaux.
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