Sombre rentrée pour la classe politique
Le temps tourne à l'orage pour une bonne partie de la classe politique française. Les trois quarts des personnalités testées enregistrent ce mois-ci une baisse de popularité dans l'opinion. La chute la plus spectaculaire concerne Lionel Jospin, qui, en moins d'un mois, perd douze points d'opinions favorables.
La chute est sévère pour le Premier ministre. Moins douze points d'opinions favorables, plus quinze points d'opinions défavorables, soit une détérioration en termes de solde de vingt sept points en un mois. La popularité de Lionel Jospin chute quelle que soit la catégorie de personnes considérée : elle baisse chez les sympathisants de la gauche plurielle comme chez les proches de la droite, chez les hauts-revenus comme chez les plus défavorisés, chez les moins de 35 ans et chez les plus âgés. C'est dans les catégories sociales traditionnellement les plus conservatrices - agriculteurs, artisans, commerçants - que la baisse est la plus sensible. Mais un mouvement de déception supérieur à la moyenne est également enregistré dans la tranche de revenus la moins élevée. Paradoxalement, entermes de catégorie socioprofessionnelle, la structure de popularité de Jospin est aujourd'hui centrée sur les cadres supérieurs, où ses performances sont maximales, avec, en second rang, les professions intermédiaires.
Incontestablement, les Français ont lancé un signal fort au chef du gouvernement. Il serait cependant prématuré d'en tirer des conclusions sur l'avenir politique du Premier ministre. Un certain nombre d'éléments laissent à penser que l'effondrement de sa popularité tient plus du choc conjoncturel que de la lame de fond. La baisse est inquiétante, pas dramatique. Pour mémoire, en février 1998, secoué par un mouvement de chômeurs à fort retentissement, Jospin ne comptait plus que 48% d'opinions favorables, contre 43% d'opinions défavorables. Mais il avait spectaculairement rebondi le mois suivant, à la faveur du climat d'union nationale créé par la crise irakienne. Plus près de nous encore, en avril dernier, la popularité du Premier ministre était tombée à 51% d'opinions favorables, suite à la vague de conflits sociaux dans l'enseignement et chez les agents des impôts. Il bénéficiait de 60% d'opinions favorables le mois suivant, et 66% en juillet…
Aujourd'hui, le chef du gouvernement est encore largement soutenu dans son propre camp. Même si les avis favorables auprès des sympathisants de gauche baissent de sept points, Jospin recueille encore 70% de bonnes opinions auprès des proches de l'extrême gauche, du PC et du PS réunis. Son socle électoral est fragilisé, mais toujours en place.
Interrogés en plein conflit sur les prix des carburants, les Français ont certainement voulu s'associer aux revendications des transporteurs routiers. Le Premier ministre a en fait subit le contre-coup de la juxtaposition des débats de rentrée, sur les tarifs pétroliers, les impôts, ou le statut de la Corse.
Sur ce dernier point, l'opinion semble plutôt s'être rangée du côté de Jean-Pierre Chevènement. L'ex-ministre de l'intérieur est en effet l'une des rares personnalités à voir sa popularité augmenter. Il passe de 51 à 57% d'opinions favorables, soit un gain en termes de solde d'image de 8 points. Il grimpe en troisième position du palmarès des personnalités politiques, derrière Bernard Kouchner et Jack Lang. Plus surprenant, Jean-Pierre Chevènement réussit même le tour de force de se hisser en tête du palmarès si l'on ne retient que l'avis des sympathisants de droite : avec 65% d'opinions favorables (+11), il ravit à droite la première place à Philippe Séguin (63%.)
En revanche, la baisse d'impôts annoncée par Laurent Fabius ne se traduit pas en gain de popularité. Le ministre de l'Economie et des Finances limite toutefois la chute à deux points, de 47 à 45% d'opinions favorables. L'appel à "l'abstention active" pour le référendum sur le quinquennat, pourtant a priori en phase avec une bonne partie de l'opinion, ne profite pas non plus à Robert Hue. Bien au contraire, le secrétaire général du Parti Communiste enregistre, de tous les leaders politiques testés, exception faite du Premier ministre, la baisse de popularité la plus forte. Son solde d'opinion est aujourd'hui assez largement négatif (34% d'avis favorables, -7, contre 49% d'avis défavorables, +7.)
Vu la tendance générale de ce baromètre, le Président de la République ne s'en sort finalement pas si mal. Si Lionel Jospin ne plaît plus beaucoup à droite, Jacques Chirac profite toujours de la bienveillance de la gauche. Une majorité d'électeurs socialistes et verts juge toujours favorablement le président de la cohabitation. Certes, sa cote se tasse de deux points, mais avec 62% d'avis favorables contre 29% d'opinions défavorables, il peut se flatter d'une popularité toujours très élevée. Surtout, le chef de l'Etat distance désormais Lionel Jospin, en termes de solde d'opinion, de 27 points (+32 pour Jacques Chirac, +5 pour Lionel Jospin), alors que jusqu'à présent, les courbes de popularité des deux têtes de l'exécutif étaient généralement liées.