Sports et médias

En cette période de Coupe du Monde, quels sont les enjeux des grands évènements sportifs pour les médias ? Réponse de Juliette Delfaud, Directrice du développement, Ipsos MediaCT.

Auteur(s)
  • Christelle Alexandre Directrice de Développement, Ipsos Connect
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Le flop des Bleus à la Coupe du monde de football a-t-il aussi signé celui de l’audimat ?

Juliette Delfaud : Je me souviens d’une conférence à laquelle j’avais assisté il y a quelques années au cours de laquelle le Directeur de l’antenne d’une grande chaîne de télévision résumait ainsi les trois conditions du succès d’une retransmission d’un grand événement sportif : un enjeu, un drapeau et un héros. Quelques jours après l’élimination des Bleus de la Coupe du monde, malgré l’enjeu et la passion des Français pour l’équipe de France, on ne peut que constater qu’il nous a indéniablement manqué « Le » héros ! Heureusement, les Français, eux, étaient au rendez-vous sur TF1 : 15 millions de téléspectateurs pour France-Uruguay (57% de part d’audience), 15,15 millions pour France-Mexique (56% de PdA) et enfin 8,4 millions pour une part d’audience de 73% pour France-Afrique du Sud, véritable record sur cette tranche horaire (le match était diffusé en milieu d’après-midi).

Le foot semble donc faire toujours recette ?

J. D. : Au-delà des évènements très fédérateurs comme la Coupe du monde, différentes études menées par Ipsos MediaCT ont montré que la moitié des Français est intéressée par le sport en général et le football en particulier, pour près de 40% d’entre eux.

Mais les investissements consentis pour acquérir les droits par les médias audiovisuels sont-ils rentables ?

J. D. : Oui et non ! Le groupe TF1 a investi 120 millions d’euros pour acquérir les droits de retransmission de la Coupe du monde et a ensuite revendu 37 des 64 matches à France Télévisions et Canal+. Reste ainsi à sa charge 87 millions d’euros à compenser par des recettes publicitaires. Et même avec des spots qui auraient pu se négocier jusqu’à 200 000 euros si l’équipe de France avait atteint la demi-finale, il aurait été difficile pour la chaîne de rentrer dans ses frais. Mais l’enjeu pour la chaîne est plus global. Il s'agit d'affirmer son statut de leader, de nourrir son image de marque : TF1 est la chaîne de l’équipe de France comme Canal+ est la chaîne de la Ligue 1. Néanmoins, au lendemain de l’élimination des Bleus, l’action cédait 3,7% !

Le foot rend-t-il fou les annonceurs ?

J. D. : Ipsos MediaCT a pu constater, au travers d’études menées tant pour les acteurs des médias que pour les détenteurs de droits sportifs, que l’intérêt pour le football constitue un levier fort pour la souscription à des offres payantes de télévision lorsque l’on compare les taux d’équipement des passionnés de football à la moyenne des Français. Pour une chaîne comme Canal+, l’enjeu n’est pas tant les recettes publicitaires que la progression de sa base d’abonnés, dans un contexte où le cinéma perd de son caractère premium (sous le double effet de la progression de la Vidéo-à-la-demande et du piratage). En investissant 460 millions d’euros en 2008 pour les 4 saisons à venir de la Ligue 1, la chaîne maintient ainsi son nombre d’abonnés dont le portefeuille s’élève au premier trimestre 2010, à 5,2 millions (France-DOM/TOM-Afrique). Orange, de son côté, en investissant plus de 300 millions d’euros dans les contenus (environ 200 millions dans les droits de la L1 et 100 millions dans les droits audiovisuels) a ainsi conquis 720 000 abonnés au premier trimestre 2010 à ses offres de télévision payante, Orange Sport et Orange Cinéma-séries. Néanmoins, les déclarations du nouveau patron du Groupe, Stéphane Richard, laisse à penser que Orange ne renouvellera pas ce niveau d’investissement…

Et les paris sportifs en ligne constituent-ils un nouvel eldorado ?

J. D. : Parmi les 11 opérateurs de jeux agréés par l’Arjel*, 8 proposent des paris sportifs en ligne. Á côté des acteurs historiques FdJ (parionsweb.fr) et PMU, on retrouve des pure players leaders comme BetClik (Groupe Mangas Capital Gaming de Stéphane Courbit) ou l’autrichien Bwin, mais aussi des acteurs des télécommunications (Iliad-Free) et des médias (Sajoo du Groupe ASO, EurosportBet). Tout a été fait par les autorités françaises pour que les agréments soient délivrés en temps et en heure pour la Coupe du monde afin de profiter de l’appétence des Français pour les paris en ligne : selon une étude réalisée par Ipsos MediaCT en mai, plus de 4 millions de Français (14% des internautes) ont déclaré avoir l’intention de jouer ou de parier de l’argent sur Internet au cours des 6 prochains mois. Les paris sportifs sont plébiscités par les internautes ayant l’intention de jouer en ligne (60% des intentionnistes contre 29% qui ont l’intention de jouer au poker). La Coupe du monde constituant l’évènement sportif le plus mobilisateur, loin devant Roland Garros ou le Tour de France, avec plus de 2 millions de Français déclarant avoir l’intention de parier de l’argent en ligne sur les résultats.

Le succès est-il au rendez-vous ?

J. D. : Depuis l’ouverture du Mondial, les opérateurs se déclarent satisfaits du nombre de nouveaux inscrits sur leur plateforme de jeux et des mises engagées. La FdJ** a ainsi enregistré environ 30 millions d’euros de mises (offline et online) depuis le début de la compétition, tandis que le parc de joueurs français double chaque jour sur EurosportBet. Mais bien entendu, tous avaient misé sur un plus beau parcours pour l’équipe de France !

* Arjel : Autorité de Régulation des Jeux en Ligne. ** FdJ : Française des Jeux

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  • Christelle Alexandre Directrice de Développement, Ipsos Connect

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