Un luxe de détails…
L’expertise d’Ipsos sur les thèmes liés au luxe est multiple. Pour nous en parler, Rémy Oudghiri, Directeur du département tendances & prospective, Ipsos Marketing et Jean-Charles Grout, Directeur Conseil en charge du marketing et de la communication, Ipsos Media. Le premier a disséqué tous les aspects du luxe dans le cadre de World Luxury Tracking, la première étude mondiale visant à donner aux acteurs de ce marché une vision claire et objective des clientèles du luxe et de leurs attitudes. Le second s’est penché sur les résultats de 2007 de la France des Hauts Revenus, une étude média-marchés bisannuelle, effectuée depuis 1991 auprès des Français les plus riches, une population stratégique pour le marketing et la communication des marques. Ces deux connaisseurs de l’univers du luxe et des hauts revenus partagent leurs expériences, croisent leurs points de vue pour Ipsos Actus.
Pourquoi le luxe et les hauts revenus intéressent-ils de plus en plus Ipsos ?
Rémy Oudghiri : « D’abord parce qu’il y a une demande de nos clients liée à l’accroissement du nombre de personnes riches. Le club des millionnaires s’agrandit chaque année poussant certaines enseignes à se demander, par exemple, si elles ne doivent pas monter en gamme. Un autre phénomène nous a beaucoup intéressés dans le cadre de World Luxury Tracking, il s’agit de la démocratisation du luxe, impulsée en partie par de grands groupes de luxe. Le luxe n’est plus un domaine à part, confiné. »
Jean-Charles Grout : « En terme de consommation, comme le souligne Rémy, il y a effectivement un désir plus fort de consommer du luxe. Le niveau du pouvoir d’achat y contribue certes, mais c’est aussi un état d’esprit. Acheter du luxe constitue de plus en plus une sorte d’échappatoire. On cherche à se faire plaisir en mixant, par exemple, des vêtements petit-prix et une superbe paire de lunettes ou un sac de luxe. Si la consommation « tout-luxe » existe pour les personnes les plus riches, on est beaucoup dans l’arbitrage y compris pour des revenus confortables.»
Rémy Oudghiri : « C’est moins vrai dans notre étude qui montre que le client régulier de produits et de services de luxe s’intéresse à de nombreuses catégories de produits, évidemment très haut de gamme. Á l’inverse de ceux que nous appelons « les rêveurs du luxe » qui, faute de moyens, vont se concentrer sur des produits comme le parfum, les cosmétiques, le champagne... »
Vous suivez de près le rôle d’Internet, et maintenant du Web 2.0. Que pouvez-vous nous dire sur la manière dont ce tournant technologique influe sur la consommation du luxe ?
R.O. : « Très clairement, l’achat de luxe en ligne est un phénomène émergeant. Il prend même une certaine ampleur, notamment dans les pays anglo-saxons où l’on éprouve de moins en moins de réserve à acheter un produit de luxe sur Internet. La pratique reste cependant minoritaire. Le magasin, la boutique, demeurent le cœur de l’expérience du luxe. Pour combien de temps ? Il est clair que cela va changer dans les prochaines années même si certains pays, comme la France, font de la résistance. »
J-C.G. : « L’acquisition de produits de luxe via le web se développe et va suivre la tendance générale des achats on line des autres produits, de plus grande de consommation. Cependant l’achat de luxe en France, reste un engagement. Acquérir un objet à 5000 euros en cliquant n’implique pas suffisamment l’acheteur. Consommer du luxe, c’est toute une démarche : le temps, la réflexion, le choix, le plaisir de découvrir, d’acheter. »
Comment la France, qui est le seul territoire commun à vos investigations, se distingue-t-elle dans vos résultats d’études ?
R.O. : « Dans les 7 pays où nous avons mené notre enquête en 2007 (6 supplémentaires en 2008), les marques françaises sont citées spontanément comme étant des grandes marques de luxe. La France demeure donc une référence dans le monde pour ce type de produits. En matière de consommation, le modèle français est très spécifique. Le luxe anglo-saxon est davantage un luxe déculpabilisé, individualiste, où l’on valorise l’expérience, le plaisir, avant de mettre en avant le produit. On est dans le sacre du présent. A contrario, les Français entretiennent un rapport plus patrimonial au luxe. »
J-C.G. : « C’est aussi ce qui ressort dans notre étude. Quand nous cherchons à savoir ce qui caractérise les grandes marques, on nous répond : un style unique, le prestige, le savoir-faire… »
R.O. : « C’est ce que nous désignons par « luxe patrimonial ». De ce point de vue là, nous remarquons que la France converge avec le Japon, un pays fortement consommateur de luxe.»
En quoi vos travaux, même s’ils diffèrent au fond, sont complémentaires ?
R.O. : « Très schématiquement, je dirais que l’étude sur la France des Hauts Revenus se situe plus dans le registre descriptif. Avec le World Luxury Tracking, nous sommes davantage dans l’interprétation des valeurs fondamentales du luxe, qui plus est à l’échelle mondiale, c’est une première. »
J-C.G. : « Nous proposons en effet une photographie de la consommation. Dans la FHR, notre objet n’est pas de répondre au pourquoi et au comment du luxe mais de délivrer des informations descriptives sur la consommation et le style de vie des Hauts Revenus, et, qui serviront à définir les orientations budgétaires en termes de communication et de choix média. Dans ce contexte, l’univers du luxe, à la demande de nos clients, fait l’objet d'une investigation toujours plus importante dans l’étude. En 2007, nous avons introduit un volet dédié à l’image de 14 marques emblématiques du luxe comme Kenzo, Gucci, Prada...»