Une courte majorité de Français s'oppose à la réduction du nombre de fonctionnaires

L’enquête réalisée par Ipsos pour la Gazette des Communes confirme l’attrait des Français pour la fonction publique et le souhait majoritaire (52%) de voir remplacer tous les fonctionnaires ou presque partant à la retraite, par crainte d'une dégradation de la qualité de service. Dans ce contexte, moins d’un tiers des Français jugent prioritaire une réforme de la fonction publique ; ils se montrent quand même sensibles à l’idée d’instaurer un service public minimum en cas de grève.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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Une fonction publique toujours aussi attrayante, en particulier pour les femmes et les catégories les plus modestes

Si l’attrait des Français pour la fonction publique diminue légèrement en un an, il se situe toujours à un niveau très élevé : plus de trois Français sur quatre (77%) encourageraient leur enfant à devenir fonctionnaire si celui-ci le souhaitait et la moitié des actifs (50%) opterait pour le secteur public si leur choix de carrière était à refaire.
Certes, par rapport à février 2006, la proportion de Français qui encourageraient leur enfant à devenir fonctionnaire est en légère baisse (- 5 points), tout comme la part d’actifs qui choisiraient le secteur public « si c'était à refaire » (- 4 points). Mais cette baisse est à relativiser, d’abord parce que le contexte dans lequel avait été réalisé la dernière enquête tendait plutôt à réduire l’attrait du secteur privé (crainte d’une précarisation après l’annonce de la création du CPE, niveau de chômage très élevé…), ensuite parce que le désir de voir son enfant intégrer la fonction publique ne fait que retrouver son niveau de 1998 (77%).
A noter que la fonction publique cristallise les désirs de mobilité sociale et de sécurité professionnelle. En effet, le souhait de voir son enfant devenir fonctionnaire est d’autant plus fort que le niveau social du répondant est bas : à 67% chez les CSP + (indépendants, cadres et professions intellectuelles supérieures), il monte à 73% chez les CSP intermédiaires (professions intermédiaires) et à 83% chez les CSP – (ouvriers,  employés). De même pour ce qui est de travailler dans le secteur public si le choix était à refaire : seuls 29% des CSP + feraient ce choix alors qu’ils sont 45% chez les CSP intermédiaires et 61% chez les CSP -.
Mais cette préférence pour le secteur public active d’autres clivages. Etant donné le degré de féminisation de la fonction publique, il y a de fortes différences entre les sexes : près des deux tiers des femmes (63%) choisiraient le secteur public « si c'était à refaire » alors que les hommes ne seraient que deux sur cinq à faire de même (39%). L’âge joue quant à lui un rôle moins net mais les jeunes se distinguent par leur proportion à encourager leur enfant à devenir fonctionnaire (84% chez les moins de 35 ans, 74% chez les plus de 35 ans). Le clivage Public / Privé apparaît aussi naturellement même s’il faut noter la part importante de salariés du secteur privé (40%) qui opteraient pour le public s’ils le pouvaient. Enfin, la préférence pour le secteur public varie beaucoup en fonction de la proximité politique : à 58% des sympathisants de gauche, elle tombe à 39% chez les sympathisants de droite.

Des services publics qui paraissent meilleurs que dans les autres pays de l’Union européenne

Loin d’être critiques à l’égard de leurs services publics, les Français (52%) ont en majorité le sentiment que la qualité de service de la fonction publique et des fonctionnaires en France est « plutôt meilleure que dans les autres pays de l’Union européenne ». Seul un quart des répondants (25%) la juge « moins bonne » tandis que pour 5% d’entre eux, elle n’est « ni meilleure, ni moins bonne ».

Dans le détail de l’enquête, il est intéressant de noter que ce sentiment d’une meilleure qualité des services publics français est d’autant plus fort que le niveau social du répondant est élevé : à 50% chez les ouvriers et à 52% chez les employés, il monte à 57% chez les professions intermédiaires et à 60% chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. Inversement, il tend à diminuer légèrement avec l’âge : à 53% chez les 18-34 ans, il passe à 52% chez les 35-59 ans et à 49% chez les plus de 60 ans.

Le scepticisme sur la qualité des services publics français croît plus le positionnement du répondant est à droite. En effet, alors que seuls 21% des sympathisants de gauche critiquent la qualité des services publics français, ils sont 30% chez les électeurs de la droite parlementaire et 42% chez ceux du FN.

Des Français majoritairement opposés à la réduction du nombre de fonctionnaires

Considérant qu’une réduction du nombre de fonctionnaires aurait tendance à porter atteinte à la qualité de service de la fonction publique, la majorité des Français (52%) souhaite le remplacement de tous ou presque tous les fonctionnaires partant à la retraite. Cependant, leurs réponses sur ce sujet révèlent des clivages profonds.

Interrogés sur l’effet qu’aurait une réduction du nombre de fonctionnaires sur la qualité de service dans la fonction publique, les Français sont une majorité à penser qu’il serait négatif (51%), un tiers pensant que la qualité resterait la même (34%) et 13% qu’elle s’améliorerait. Et cette crainte d’une dégradation de la qualité des services publics est d’autant plus forte que le répondant à un faible niveau d’études (43% chez les diplômés du supérieur, 50% chez les bacheliers, 54% chez ceux ayant un niveau d’études inférieur au bac) et un faible niveau social (46% chez les CSP +, 53% chez les CSP intermédiaires et 59% chez les CSP -). Le positionnement sur l’axe gauche / droite influe aussi beaucoup sur cette crainte partagée par deux fois plus de sympathisants de gauche (68%) que de sympathisants de droite (30%).

Dans ce cadre, l’idée prônée par Nicolas Sarkozy en la matière – à  savoir ne remplacer qu’une partie des fonctionnaires partant à la retraite – a beau être largement soutenue par les sympathisants de droite (63%), elle est minoritaire dans l’opinion (46%). Une majorité de Français (52%), notamment les sympathisants de gauche (63%), préfère qu’ils soient tous ou presque remplacés. En revanche, le clivage Public / Privé est moins net. Alors qu’une très large majorité des salariés du secteur public (69% contre 30%) souhaite un remplacement de tous les fonctionnaires, les salariés du secteur privé sont très partagés avec des répondants aussi nombreux à souhaiter un remplacement partiel (49% ; - 3 points en un an) qu’un remplacement total (50% ; - 6 points) des fonctionnaires partant à la retraite.

Mais cette idée cristallise de nombreux clivages sociodémographiques. Le sexe joue par exemple un rôle important : une majorité de femmes souhaitant qu’on les remplace tous (à 58%) alors que la majorité des hommes préfère qu’on en remplace qu’une partie (à 52%). L’âge aussi influe sur les réponses avec une majorité des moins de 60 ans qui souhaitent qu’on les remplace tous alors que la majorité des plus de 60 ans est favorable à ce qu’on en remplace qu’une partie. Recoupant les différences liées à l’obtention ou non d’un diplôme du supérieur, les réponses varient aussi beaucoup en fonction du niveau social du répondant : la majorité des CSP – (à 62%) et des CSP intermédiaires (à 57%) souhaitant qu’on remplace tous les fonctionnaires, la majorité des CSP + (à 57%) souhaitant qu’on en remplace qu’une partie.

La réforme de la fonction publique ne paraît pas une priorité aux Français mais ils sont assez sensibles à l’idée d’un service public minimum

Portant plutôt une bonne opinion sur leur fonction publique, les Français ne considèrent donc pas sa réforme comme un sujet à traiter de manière prioritaire par le prochain Président de la République : moins de trois sur dix jugent ce sujet « prioritaire » (29%) contre la moitié (50%) qui le trouve « important mais pas prioritaire » et 20% qui l’estiment « secondaire ». Dans le détail des résultats, ceux qui souhaitent le plus une réforme sont les répondants les plus âgés (43% des plus de 60 ans le sont contre 24% des moins de 60 ans,) et les plus diplômés (34% des diplômés du supérieur le sont contre 29% en moyenne). Mais les différences entre sympathisants de gauche (24%) et sympathisants de droite (35%) existent aussi sur ce plan-là.

Par ailleurs, les Français paraissent très partagés sur les réformes à mettre en œuvre. Plus portée par les sympathisants de droite (59%) que de gauche (40%), l’idée d’instaurer un service public minimum en cas de grève est la seule à paraître indispensable à près de la moitié des Français (48%). Les autres peinent à paraître indispensables. C'est notamment le cas de l’idée d’une revalorisation salariale (32%) même si elle recueille un écho plus favorable chez les salariés du secteur public (62%) et les sympathisants de gauche (42%). C'est aussi le cas de l’idée d’une plus grande mobilité des fonctionnaires d’une administration à l’autre (30%), idée moins clivée politiquement mais plus importante aux yeux des CSP + (40%) qu’à ceux des CSP - (26%). Pour le reste, notons que les idées chères aux sympathisants de droite – comme l’instauration de la rémunération au mérite (25%), l’obligation d’un vote à bulletin secret au bout de 8 jours de grèves (21%) ou le remplacement que d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite (15%) – sont loin d’apparaître comme des priorités. Mais c'est aussi le cas de la protection du statut de la fonction publique (19%), idée pourtant chère aux salariés du secteur public (30%) et aux sympathisants de gauche (28%).

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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