Vers la fin des triangulaires

Une étude circonscription par circonscription menée par Ipsos met en lumière les effets majeurs de la division de l'extrême-droite. Cet événement devrait réduire considérablement le nombre de triangulaires de second tour et favoriser de ce fait la droite

A deux ans du double scrutin législatif et présidentiel, la première enquête pré-électorale approfondie conduite par Ipsos pour le Point confirme l'étroitesse du rapport de forces entre la gauche plurielle et la droite. Les intentions de vote législatives recueillies sur la base des noms des députés sortants et de leurs principaux rivaux de 1997 dans plus de 400 des 577 circonscriptions de la France métropolitaine traduisent une certaine stabilité électorale et l'hypothèse d'intentions de vote de second tour entre la majorité et l'opposition présente une situation d'égalité parfaite. L'équilibre est également de mise en ce qui concerne le scrutin présidentiel. 

Le président et le Premier ministre dominent pour l'instant le débat politique et sont crédités logiquement d'un niveau de potentiel électoral élevé et équivalent. La conjonction de l'épisode israélien et du patinage gouvernemental dans le domaine économique et financier explique pour une bonne part la nouvelle performance chiraquienne alors que ces derniers mois plusieurs enquêtes révélaient l'avance de Lionel Jospin. Bien sûr la double campagne électorale est encore très éloignée des préoccupations de Français. 

Mais l'incertitude que révèlent ces chiffres met d'autant plus en valeur l'inconnue représentée par les conséquences électorales de la scission du Front National. La situation d'une extrême-droite divisée modifie la donne des prochaines élections législatives. Avec 15,2% des suffrages exprimés au premier tour, le Front national était, en 1997, présent dans 131 circonscriptions au second tour : 31 duels contre la droite, tous remportés par l'UDF ou le RPR, 25 duels contre la gauche, dont un gagné à Toulon par Jean-Marie Le Chevallier, 75 triangulaires dont 46 remportées par la gauche et 29 par la droite. Ipsos a examiné les conséquences hypothétiques d'une double candidature du FN et du MNR en 2002. 

Dans cette analyse, le score réel obtenu par le FN au premier tour en 1997 dans chaque circonscription a été réparti entre deux candidats "virtuels", l'un FN et l'autre MNR, en tenant compte du rapport de force constaté circonscription par circonscription entre les listes de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret lors des dernières élections européennes de juin 1999. Rappelons que, pour être présent au second tour des élections législatives, 12,5% des inscrits au premier tour sont nécessaires si le candidat n'arrive pas en première et seconde position à l'issue du premier tour. Si elle avait été divisée en 1997, l'extrême droite aurait été en mesure de se maintenir dans 14 circonscriptions au lieu de 131. L'examen des 71 circonscriptions où le FN s'était maintenu en 1997 et où la gauche l'avait emporté laisse apparaître que dans 65 d'entre elles, la scission du FN aurait pu provoquer un duel gauche/droite. Dans les 6 autres circonscriptions le score élevé de l'extrême droite lui permet de maintenir un candidat au second tour. 

L'analyse du rapport de force gauche/droite dans ces circonscriptions lors des différents élections organisées depuis la présidentielle de 1995 a permis d'identifier 39 cas où l'issue du second tour pourrait être plus incertaine pour la gauche du fait de l'absence supposée du FN ou du MNR. Si la droite l'emportait dans la majorité des cas, elle est en mesure, en terme de sièges, de rattraper potentiellement son retard sur la majorité sortante. Bien évidemment, cette analyse a été conduite "toutes choses égales par ailleurs". L'ensemble des autres paramètres en vigueur lors du scrutin de 1997 demeures pour l'instant inchangé : les scores des différentes formations et notamment les 15,2% de l'extrême droite "unie", le taux de participation, la configuration de l'offre à droite (présence de primaires), la configuration de l'offre à gauche (union de la gauche plurielle dans certaines circonscriptions). Cette analyse n'est donc en aucun cas une simulation en sièges des prochaines élections législatives. Aucune donnée d'intentions de vote issue de sondages pré-électoraux n'est prise en compte et on ne peut mesurer aujourd'hui ni les effets induits de la présence éventuelle de candidats du RPF de Charles Pasqua ni l'évolution du rapport de forces entre le FN et le MNR. En tout état de cause, la recomposition de la droite de l'échiquier politique constituera un facteur crucial de la configuration du prochain rendez-vous électoral. La fin de "l'ère des triangulaires" est à l'ordre du jour.

Auteur(s)

  • Stéphane Zumsteeg - Directeur Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
    Stéphane Zumsteeg
    Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

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