World Connections
Juliette Delfaud, directrice du développement d’Ipsos MediaCT, revient sur les résultats de « Connections », la première enquête comparative internationale consacrée aux pratiques légales/illégales de consommation des contenus (TV, films, sport, musique, jeux). D’où il ressort notamment que le pirate de contenus sur Internet n’est pas toujours celui qu’on croit…
Où le « téléchargeur » illégal sévit-il le plus ?
Juliette Delfaud : La Chine apparaît, devant l’Espagne pour l’Europe, comme le pays où cette pratique est la plus développée : plus de la moitié des jeunes internautes chinois déclare en effet télécharger illégalement des jeux vidéo. Ce taux dépasse même 70% pour les contenus vidéo (TV, films, sport) et la musique !
Téléchargement illégal : la Chine loin devant la France
Où se situe l’internaute français ?
J.D. : La France est un pays où le téléchargement, légal comme illégal, demeure encore relativement peu répandu. Un internaute français sur six âgé de 16 à 34 ans déclare ainsi télécharger régulièrement des contenus vidéo (TV, films, sport) ou musicaux de manière illégale. Entre 15 et 20% des jeunes Français connectés disent pirater des contenus vidéo ou musicaux. Ce taux tombe à 6% pour les jeux vidéo. Parmi les contenus vidéo (TV, film, sport), le téléchargement illégal est néanmoins trois fois plus répandu que le téléchargement légal (14% contre 5%). Cette proportion s’inverse sur le marché des jeux vidéo (6% contre 17%). D’une manière générale, la pratique du téléchargement illégal est inversement proportionnelle à la pénétration de l’Internet : En Chine, en Russie, ou en Inde par exemple, le téléchargement illégal est massivement pratiqué par les « early users », alors que la pénétration d’Internet est relativement moins importante que dans les pays occidentaux où les internautes à l’inverse déclarent moins pirater les contenus.
Quel est le profil du « téléchargeur » pirate ?
J.D. : Il n’y a pas d’un côté le pirate et de l’autre le non-pirate. On peut d’ailleurs souligner que le plus souvent, les mêmes individus combinent des pratiques légales et illégales.
Á la fois gros acheteur et grand pirate
Vous voulez dire qu’à en croire les déclarations des internautes, le piratage ne se substitue pas exclusivement au fait d’avoir acheté un CD ou d’avoir vu un film en salle ?
J.D. : En effet, un fichier piraté en ligne ne se traduit pas forcément par un CD non acheté dans la réalité. Nous observons même une parfaite corrélation entre ceux qui achètent le plus et ceux qui piratent le plus !. Par ailleurs, le piratage crée de nouvelles habitudes d’écoute. Il y a dans tous les pays un pourcentage non négligeable d’internautes qui expliquent que s’ils n’avaient pas consommé tel film ou tel CD de façon non officielle, ils ne l’auraient ni vu ni écouté ! Beaucoup déclarent en outre qu’ils l’auraient emprunté à quelqu’un plutôt que l’acheter. Ce qui est vraiment le cas pour la musique; le jeu vidéo étant quant à lui moins soumis aux pratiques illégales de téléchargement.
Quels sont les autres thèmes étudiés par « Connections » ?
J.D. : Notre enquête montre que le mobile n’est pas encore utilisé de façon massive pour la consommation de musique et de vidéo. En revanche, il commence à se tailler une place très importante au niveau des jeux vidéo puisque la fréquence d’usage des mobiles est équivalente à celle des consoles ! D’une manière globale, notre enquête met en évidence des variations importantes à travers le monde dans les attitudes liées à la consommation des contenus numériques. Nous avons établi une segmentation en plusieurs familles. Il y a d’abord les « non impliqués » qui ne se disent pas concernés par ces activités de consommation légale ou illégale de musique, de jeux et de vidéo. Ils représentent à peu près 28% de la population internaute au global des 12 pays étudiés. Viennent ensuite les 27% d’« indifférents » qui sans être de gros utilisateurs, peuvent utiliser Internet pour acheter des produits physiques. Troisième catégorie, les 16% de modérés (« sensible moderate ») qui valorisent ces pratiques et qui ont plutôt tendance à payer les contenus téléchargés, à l’inverse des « digital divas » (12%) qui sont de gros utilisateurs, notamment de mobile et qui sont moins enclins à payer. Enfin, les « passionnés polyformats » qui représentent 17% des internautes, sont de très gros consommateurs de contenus, quels que soient les formats et les pratiques gratuites ou payantes.
Et concernant la conjoncture ?
J.D. : Les intentions de dépenses sont toutes à la baisse pour 2009 dans les 12 pays. Maintenant si l’on regarde en nature de dépenses, on constate que le domaine évènementiel, comme le fait d’aller au cinéma ou de voir un concert, est moins impacté que l’achat et le téléchargement payant de musique ou de vidéo.
Fiche technique :
Le terrain a été réalisé en janvier et février 2009 auprès de 6521 individus en France, UK, Espagne, Allemagne, Italie, USA, Japon, Chine, Brésil, Emirats Arables Unis, Russie, Inde.
« Connections » étudie l’ensemble des pratiques de consommation de la musique, de la vidéo (programmes TV, événements sportifs, films) et des jeux vidéo : achat et /ou location de supports physiques en ligne et/ou en magasin ; téléchargements et/ou streaming payants et/ou gratuits sur des sites officiels ; téléchargement et/ou streaming gratuits sur des sites non officiels.