1er tour présidentielle 2017 : comprendre le vote des français

Vote d’adhésion ou vote utile, moment du choix, motivations et enjeux du vote… : l’enquête Ipsos/Sopra Steria révèle dans quel état d’esprit les Français se sont rendus aux urnes. Elle permet aussi de tirer un premier bilan d’une campagne qui s’est révélée plutôt décevante pour la majorité des électeurs.

On a beaucoup parlé de vote utile dans la campagne mais au final, seulement 15% des électeurs ont voté « pour empêcher qu’un candidat soit présent au second tour ». Un sur deux (53%) s’est d’abord rendu aux urnes « pour soutenir le candidat qui lui convenait », et un sur trois (32%) « par devoir civique, bien qu’aucun des candidats ne lui plaisait vraiment ». Le vote d’adhésion a été particulièrement fort dans l’électorat de Marine Le Pen (67%), de François Fillon (66%) et de Jean-Luc Mélenchon (61%), un peu moins dans l’électorat d’Emmanuel Macron (43%).


On a aussi beaucoup parlé d’indécision, qui aura en fait surtout concerné les électeurs de gauche. La majorité des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (54%), de Benoît Hamon (50%) voire d’Emmanuel Macron (52%) ne se sont effectivement décidés que dans les dernières semaines, mais près des deux tiers (62%) des électeurs de François Fillon, des trois quarts des électeurs de Marine Le Pen (73%) avaient arrêté leur choix « il y a plusieurs mois ».

Les différences entre électorats sont également très nettes en ce qui concerne les motivations et les enjeux du vote. Lorsqu’on demande aux électeurs les principales raisons pour lesquelles ils ont choisi leur candidat, le « bon projet » a été souligné par la majorité des électeurs de François Fillon (59% de citations), de Nicolas Dupont-Aignan (56%), de Benoît Hamon (55%), alors que c’est plutôt l’incarnation du « changement » qui a été appréciée dans l’électorat d’Emmanuel Macron (64% de citations) et de Marine Le Pen (65%). Ceux qui ont choisi Jean-Luc Mélenchon sont partagés entre la qualité du projet (40% de citations), l’incarnation du changement (39%), mais aussi « sa proximité avec les gens » (35% de citations). La « stature présidentielle » a également été soulignée dans l’électorat de François Fillon (72% de citations) comme, à un degré moindre « l’honnêteté » chez les partisans de Benoît Hamon (53%).

Au-delà des qualités de chaque candidat, les électeurs ont fait leur choix en réfléchissant aux questions de « pouvoir d’achat » (27% de citations), « d’immigration » (26%), de « chômage » (25%), de « terrorisme » (24%), par rapport aux « impôts et aux taxes » (21%), aux « inégalités sociales » (20%), à « l’insécurité » (19%), aux « retraites » (18%), au « système de santé » (18%), aux « questions européennes » (18%), à « la place et la durée du travail en France » (16%), au « fonctionnement de la vie politique » (15%)… L’éclatement des thèmes de campagne restera comme une caractéristique du cru 2017 de l’élection Présidentielle. A chacune des éditions précédentes, un ou deux thèmes s’étaient en effet imposés dans la campagne : l’insécurité en 2002 (cité à l’époque comme thème principal par 58% des votants), le chômage et le pouvoir d’achat en 2007 (qui recueillaient chacun plus de 40% de citations), le pouvoir d’achat et la crise économique et financière en 2012 (respectivement 46 et 42% de citations). En 2017 les enjeux du vote ont été multiples, propres à chaque électorat. Les électeurs de Marine le Pen auront voté en pensant à l’immigration (69% de citations), au terrorisme (46%) et à l’insécurité (42%), les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ou de Benoît Hamon auront d’abord pensé inégalités sociales (respectivement 42% et 45% de citations) et pouvoir d’achat (35% et 28%). Les thématiques qui auront compté pour les électeurs d’Emmanuel Macron sont plus dispersées entre chômage (32% de citations), pouvoir d’achat (30%), mais aussi questions européennes (25%) ou système de santé (24%). Aucun thème ne sort vraiment du lot, à plus 40% de citations. C’est aussi le cas dans l’électorat de François Fillon, où l’on a voté en pensant à l’immigration (33%), au terrorisme (28%), aux impôts et aux taxes (27%), au chômage (27%). A noter que le thème de l’environnement n’aura pas beaucoup pesé dans le choix des électeurs, cité par à peine 10% d’entre eux (32% chez ceux qui ont choisi Benoît Hamon).

Si aucun thème n’a véritablement émergé, c’est peut-être aussi parce que les deux tiers des Français qui se sont pourtant rendus aux urnes n’ont pas jugé la campagne « intéressante » (64%, pour 36% d’avis contraire). Le constat est partagé par une majorité absolue d’électeurs de chaque candidat, avec une intensité variant de 54% chez Jean-Luc Mélenchon à 71% chez Nicolas Dupont-Aignan. Les principaux candidats inquiètent tous plus qu’ils ne rassurent, que ce soit par rapport à leur programme ou même leur personnalité. Et quel que soit le prochain Président de la République, moins d’un Français sur quatre pense que la situation de la France s’améliorera dans les années qui viennent. Si c’était Marine Le Pen, 58% des Français pensent que la situation se dégradera (pour 22% qu’elle s’améliorera et 20% « ni l’un ni l’autre »). Emmanuel Macron s’en sort le mieux sur cette question, avec une majorité de Français qui anticipent un statu quo (« ni l’un ni l’autre », 39%, pour 37% qui pensent que la situation se dégradera et 14% qu’elle s’améliorera). Une proportion à rapprocher des 56% d’électeurs qui jugent in fine que la politique proposée par le leader d’En Marche n’est pas très différente de celle menée par François Hollande ces cinq dernières années. Ce constat est nettement majoritaire partout, à l’exception des électeurs de Benoît Hamon, partagés sur la question, et des électeurs d’Emmanuel Macron, qui pensent massivement que la politique de leur candidat sera bien différente.

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué, Ipsos bva (@BriceTeinturier)

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