21% des collégiennes ne prennent pas systématiquement de petit-déjeuner en semaine
La Fondation Lactel a souhaité comprendre pourquoi les collégiennes perdaient progressivement l’habitude de prendre un petit-déjeuner le matin, comme l’avait démontré une précédente étude réalisée en 2022. En 2022, une étude a démontré que les collégiens perdent progressivement l'habitude de prendre un petit-déjeuner. Mais pourquoi ? Pour répondre à cette question Ipsos a réalisé pour la Fondation Lactel une étude auprès des jeunes filles et de leurs parents.
Une opposition entre théorie et pratique : les collégiennes savent ce qu’il faut faire… mais ne le font pas toujours
Parmi les collégiennes interrogées, qui sont, rappelons-le, des collégiennes qui ne prennent pas systématiquement leur petit-déjeuner en semaine, les 3/4 déclarent savoir ce qu’est un petit-déjeuner équilibré. Elles se montrent sensibilisées à la nécessité de limiter le gras et le sucre et également de manger en quantité suffisante pour « tenir » jusqu'au déjeuner.
« Il faut qu'il soit équilibré comme du laitage, des fruits, des féculents du pain des céréales. Les mauvaises habitudes sont de manger trop sucré ou pas assez. Je le sais car je l'ai entendu à la télé. » - An, 13 ans
« On le voit dans les pubs à la télé et également sur Internet et les adultes le rabâchent souvent » - Em, 15 ans
Certaines vont jusqu’à échanger sur les réseaux sociaux et chercher des informations pour composer un régime alimentaire et un petit-déjeuner sain : 17% se tiennent informées sur les réseaux sociaux des tendances sur le petit-déjeuner et 16% y partagent même ce qu’elles mangent.
« Merci pour la recette 🤩 pour ma part je n’avais plus de banane donc j’ai mis de la compote de pomme et 1 demi pomme morceaux une tuerie 😍 » TikTok
« Moi j’y ajoute une banane écrasée et parfois de la framboise, sa donne du goût. idem je n’aimais pas du tout les flocons d’avoine, maintenant je kife » TikTok
On constate toutefois un décalage certain entre la théorie et la pratique car moins d’une sur deux (49%) déclarent avoir une alimentation saine, et seules deux sur cinq (40%) considèrent que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée.
De fait, le petit-déjeuner n’est pas vraiment ancré dans leur routine, elles vont souvent choisir de le sacrifier au profit d’autres activités, liées à la préparation de soi.
Elles expliquent :
- prioriser le sommeil : fatiguées, elles préfèrent rester quelques précieuses minutes de plus au lit plutôt que de prendre ce temps pour manger.
- prioriser la préparation de soi : à une étape de vie où l’apparence compte, les jeunes filles construisent des routines et des rituels bien spécifiques autour des soins, beauté, maquillage coiffure, habillage ne leur laissant que trop peu de temps pour l’étape petit-déjeuner
En effet, à un âge où l’apparence compte énormément (71% déclarent faire attention au regard des autres), nombreuses sont celles qui vont prendre du temps pour s’habiller (82%), se coiffer (73%), se laver le visage (64%) mais moins nombreuses sont celles qui vont prendre leur petit-déjeuner de façon routinière (54%).
« jprend bien 2h a m’habiller et a me lisser les cheveux perso🤣 » TikTok
« pas le temps de dej le matin et je peux même pas goûter l'aprem car je rentre à 18h45 » TikTok
D’ailleurs, on note que la routine n’est vraiment suivie à la lettre que pour 26% des collégiennes interrogées, quand 20% déclarent n’avoir pas du tout de routine (et d’autant plus que l’on avance en âge), et 54% une routine qui fluctue, quand bien même elles semblent avoir un emploi du temps assez contraint le matin, avec des horaires de départ minutés :
« Je dois partir de chez moi à 6:56 donc laisse tomber » TikTok
« Tu peux faire 6h30 7h30 (c important pour moi, puisque je dois prendre le train pour aller à mon collège) » TikTok
« 7h50 et je pars à 8h35 ta une routine a me proposer sans petit déjeuner ? » TikTok
Quelle est la place du petit-déjeuner dans les habitudes des collégiennes ? Rapide et non systématique en semaine, plus fréquent, convivial et agréable le week-end.
Si elles ne sont pas totalement éloignées du petit-déjeuner, puisque près de la moitié (49%) en prend tout de même la plupart du temps, et seule une toute petite minorité n’en prend que rarement (13%) ou jamais (6%), les jeunes filles sont loin d’en faire leur priorité.
Celles qui en prennent vont lui consacrer assez peu de temps (80% petit-déjeunent en moins de 10 minutes la semaine), largement contraintes par les horaires de transport et de cours ainsi qu’un stress assez présent : horaires stricts de bus ou de car scolaire, retard et/ou stress des parents, cours et contrôles au collège, peines d’amitié ou relations sociales compliquées, les sources de stress sont multiples pour les collégiennes et réduisent la place du plaisir dans la prise de petit-déjeuner et la sensation de faim.
« Mdr je manges jamais de petit déjeuné tellement je suis stressé à cause des cours » TikTok
« Les jours de contrôle je peux pas manger le matin c'est mort » TikTok
C’est un moment rapide, peu convivial (même si seulement 39% des collégiennes le prennent seules). Les parents interviennent finalement assez peu dans sa préparation : deux tiers des collégiennes le préparent seules, et davantage encore lorsque l’âge avance (trois quarts en classe de 3è).
Elles vont privilégier les ingrédients faciles et rapide à manger : le bol de céréales avec du lait est le menu le plus répandu avec 49% des collégiennes qui déclarent en consommer le matin en semaine, devant les viennoiseries (43%) et les boissons aux fruits (42%). Le pain (36%) ainsi que le beurre et la confiture (26%) sont moins prisés, de même que les boissons chaudes telles thé, café, chocolat chaud (25%).
Et finalement, elles sont assez fatalistes. Elles ne cherchent pas spécialement à réorganiser leur routine du matin pour y intégrer un petit-déjeuner, et arrivent à tenir jusqu’au déjeuner sans manger. Elles compensent parfois par un encas dans la matinée ou un goûter pour ne pas « sauter de repas ».
Le week-end, le petit-déjeuner retrouve une place plus systématique, avec une dimension plaisir bien plus importante. Ainsi, 21% des collégiennes qui ne prennent pas systématiquement de petit-déjeuner en semaine en prennent systématiquement le week-end, et jusqu’à 28% pendant les vacances.
« Ce qui me donne envie de manger, c'est quand il y n'a pas de cours et que j'ai du temps devant moi. Le meilleur moment pour cela est quand je n'ai rien à faire, ni école ni devoir se lever à 6h du matin. » - Li, 14 ans
« Je déjeune pas parce que j'ai pas le temps le matin, sauf le dimanche où c'est œuf, bacon, viennoiseries et un gâteau » TikTok
Le petit-déjeuner est alors vécu comme un moment de plaisir, chaleureux et convivial, souvent en famille et est pris à une heure plus tardive. Les viennoiseries y prennent une large part (61%) et le pain et la confiture sont plus répandus qu’en semaine (45% et 35%, soit près de 10 points de plus).
La prise de petit-déjeuner est aussi freinée par le rapport compliqué des adolescentes à leur corps qui change … et par le regard des autres
Les collégiennes subissent le développement de leur corps. Certaines cherchent à maigrir, ou à limiter la prise de poids. Ainsi, 18% des sondées ont déclaré être au régime ou avoir déjà fait un régime. Le petit-déjeuner étant un repas qu’elles conçoivent généralement comme sucré, elles choisissent parfois de le sauter.
« J'ai 13ans, je fais 52kg pour 1m70, je suis de base très mince, en tout cas c'est ce que me dit tout mon entourage, mais j'ai quand même décidé de me lancer dans un régime extrême, donc je vous explique : pour le petit déjeuner : 5 dattes + un fruit ou rien. Est ce que vous me conseillez de faire un truc de plus ? Ou est-ce que vous trouvez que mon régime est un peu trop extrême ? En tout cas merci d'avance » Forum
Sur les réseaux sociaux, les jeunes filles expliquent leurs habitudes de régime et partagent leurs conseils (repas, calories, etc.). Elles en expliquent les raisons qui les poussent à s'y mettre : comparaison avec leurs pairs, leurs sœurs, le harcèlement, les moqueries...
« les potes de ma sœur font des régimes et elle se sent obligée de suivre alors qu'elle est archi skinny » TikTok
« je me sens grosse et la classe se moquent de moi car je fait 46 kg 159 cm pour 13 .... [en réponse à un commentaire sur les raisons de faire un régime] » TikTok
« ma meilleure amie elle a tellement un corps parfait... » TikTok
Les cycles menstruels jouent aussi un rôle. Lors d’apparition de symptômes prémenstruels ou lors de la période de règles dans leur cycle, les jeunes filles expérimentent le fait de ne pas avoir faim, d’être dégoûtée par la nourriture, d’avoir des crampes et douleurs à l’estomac … ce qui les empêchent de prendre leur petit-déjeuner.
« J’avais mal au ventre mes règles sont arrivées du coup je me suis contentée d’un bol de céréales chokella avec du lait. J étais fatiguée pas d humeur à discuter ni rien (…) Je sais que ça aurait été mieux de manger un fruit en plus mais là je n étais pas bien à cause de mes règles » - Ka, 13 ans
Freins et motivations : comment redonner du sens au petit-déjeuner ?
Au total, l’absence d’appétit (67% la semaine et 45% le week-end) et la fatigue (33% et 54%) sont les deux premières raisons de non-consommation du petit-déjeuner.
En semaine, lorsque le réveil est (trop) matinal et lorsqu’il y a en général un manque de sommeil, les jeunes filles décrivent un sentiment d’écœurement au réveil mais surtout dans l’heure qui suit ce réveil. Elles expliquent qu’il est nécessaire pour elles d’avoir cette heure « post-réveil » pour « mettre en route » leur corps. Même face à des aliments « plaisir » tels que les croissants, et les céréales… ce sentiment d’écœurement ne les quitte pas. Replacer le petit-déjeuner en fin de routine permettrait sans doute aux adolescentes d’être plus « en appétit » au moment de passer à table.
« Je ne mange pas beaucoup au petit déjeuner car j'ai pas très faim et des fois ça me donne envie de vomir et c'est pour ça que je ne mange qu'un demi pain et du lait... » TikTok
« J'aime pas trop manger dès le réveil je préfère prendre le temps de me réveiller » - Le, 12 ans
Sur les réseaux sociaux, les adolescentes décrivent leurs symptômes, leurs matinées nauséeuses, l’impossibilité de manger un petit-déjeuner. Elles se rassurent en cherchant des personnes aux situations similaires, des conseils auprès de leurs pairs, des plus âgées…
A l’inverse, qu’est-ce qui incitent les adolescentes à prendre un petit-déjeuner ?
Outre la faim, que ce soit en semaine ou le week-end, faire du petit-déjeuner un moment de plaisir le week-end, et l’insistance des parents en semaines sont les raisons principales de prise du petit-déjeuner évoquées par les collégiennes.
On le voit, tout au long de l’étude, le rôle parental est clé dans l’acquisition d’une routine petit-déjeuner, par leur exemplarité mais également par leur pouvoir d’influence, même à un âge où les relations sont parfois conflictuelles.
Les jeunes filles qui prennent le petit-déjeuner avec leurs parents le prennent plus souvent que celles qui le prennent seules, celles dont les parents ne prennent pas systématiquement de petit-déjeuner sont bien plus nombreuses à ne pas en prendre systématiquement non plus, et par ailleurs, en déclaratif, elles nous évoquent l’insistance de leurs parents comme étant le 2è facteur qui les incite à prendre un petit-déjeuner en semaine.
Enfin, la sensibilisation à l’importance du repas petit-déjeuner, et les conseils sur sa composition restent primordiaux. Seule une collégienne sur 3 a déjà été sensibilisée sur le petit-déjeuner au collège. Or celles qui ont été sensibilisées – à l’alimentation en général ou au petit-déjeuner plus spécifiquement – sont plus nombreuses à déclarer avoir une alimentation saine (54% vs 49% de l’ensemble) et à considérer que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée (45% vs 40% de l’ensemble).
Les réseaux sociaux sont aussi une source d’information, elles vont y puiser de nombreux conseils sur les routines et la composition des petits-déjeuners, ainsi qu’un endroit où partager leurs expériences.
Il semble donc qu’il faille jouer sur ces 3 leviers : influence des parents, sensibilisation plus formelle, et présence sur les réseaux sociaux pour communiquer aux adolescentes les bonnes habitudes à adopter en matière de petit-déjeuner malgré le stress du quotidien et les changements corporels/hormonaux auxquelles elles font face.
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A propos de la Fondation Lactel Dans un monde où il est de plus en plus difficile d’y voir clair sur les questions liées à l’alimentation, les familles ont du mal à faire face au défi de l’équilibre alimentaire : manque de temps, d’appétit des enfants, de connaissances… les obstacles sont nombreux au quotidien. Pour les aider, la Fondation d’Entreprise Lactel intervient depuis 2019 auprès des parents et de leurs enfants pour les aider à prendre de bons réflexes. |
A propos de cette étude
Etude menée par Ipsos en France pour la Fondation Lactel grâce à plusieurs outils :
Social listening : avec une requête de mots clefs autour du petit-déjeuner au collège sur les réseaux sociaux, blog, forum... sur les 24 derniers mois (mai 2021 à mai 2023)
Etude qualitative : échantillon de 17 jeunes filles âgées de 12 à 15 ans entre le 14 et le 20 juin 2023 au cours d'une communauté en ligne ainsi qu'un de leurs parents pendant 2 jours. Ces jeunes filles ne prennent pas de petit-déjeuner régulièrement au domicile
Etude quantitative : échantillon représentatif de la population de 451 collégiennes (99 en classe de 5è, 165 en classe de 4è, 187 en classe de 3è) qui ne prennent pas systématiquement voire pas du tout leur petit déjeuner en semaine, interrogées online