70% des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France

L'état de la France vu par les Français en 2023: alors que six Français sur dix restent optimistes pour leur propre avenir, leur vision de l'avenir du pays est plutôt pessimiste, selon une enquête Ipsos pour le CESE. Les principales préoccupations personnelles des français concernent le pouvoir d'achat, la santé, l'environnement et les inégalités mais les incivilités et la délinquance sont leur principale source d’inquiétude pour le pays. Découvrez les résultats complets de ce sondage, dont l'objectif est d'apporter des éclairages sur l'état d'esprit des Français ainsi que leur perception de l'avenir.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
  • Alice Tétaz Directrice d'études, Public Affairs
  • Laurène Boisson Chef de groupe, Public Affairs
  • Alexandre Leray Chargé d'études senior
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Les principaux enseignements :

  • Si les Français sont plutôt optimistes quand ils pensent à leur propre avenir, ils sont au contraire plutôt pessimistes quand ils pensent à l’avenir de leurs enfants, et le sont encore davantage quand ils pensent à l’avenir de la France ou de la planète.

  • Les principales préoccupations personnelles des Français concernent le pouvoir d’achat et la santé… mais également l’environnement et les incivilités. Quand ils pensent à la France, ce sont avant tout les incivilités qui les inquiètent.
  • Les inégalités en France sont perçues comme importantes et nombreuses (lieu de résidence, origine culturelle, couleur de peau, genre) et leurs conséquences particulièrement négatives notamment en matière d’accès à l’emploi, à l’enseignement supérieur, à la santé et aux services publics. Pour lutter contre les inégalités, les Françaises et les Français citent en priorité la nécessité de sensibiliser (25%) et les efforts à réaliser sur l’éducation (17%), loin devant le changement de politique migratoire (5%).
  • Le niveau personnel de bien-être des Français est globalement satisfaisant, bien que cette satisfaction soit peu prononcée. Le bien-être des Français est freiné par un manque d’argent, de temps, et par l’eco anxiété.
  • Les Français actifs en emploi ont un rapport ambivalent à leur travail : ils le trouvent intéressant et stimulant… mais sont moins enthousiastes concernant leur salaire et leurs perspectives d’évolution.
  • Enfin, on note une grande inquiétude par rapport au dérèglement climatique… mais la volonté de s’engager.

     

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Les Français vivent une période complexe, et émettent des doutes quant à l’avenir

Lorsque les Français pensent à l’avenir de la France, ils ont tendance à être pessimistes (29% sont optimistes, 70% sont pessimistes, 1% ne se sont pas prononcés). Ce résultat confirme ce qui est observé dans le baromètre mondial What Worries the World d’Ipsos où, en juin, seuls 19% des Français avaient le sentiment que leur pays allait dans la bonne direction.

Si l’on observe de plus près la situation personnelle des Français, ces derniers sont légèrement plus optimistes lorsqu’ils pensent à leur propre avenir : 61% d’entre eux partagent cette opinion, et notamment les plus jeunes (69%), indiquant que la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas si résignée s’agissant de sa propre situation. Dans le détail, le pessimisme des Français au global (38%) est davantage marqué auprès des personnes dont les principaux sujets de préoccupation personnels sont l’accès aux services publics (48%), l’avenir du système des retraites (44%), et le pouvoir d’achat (43%). Notons par ailleurs que les personnes pessimistes quand elles pensent à leur propre avenir sont plus nombreuses que la moyenne à être pessimistes à l’égard de l’avenir de leurs enfants (pour rappel, 59% des Français ayant des enfants sont pessimistes quand ils pensent à l’avenir de leurs enfants ; un chiffre qui monte à 90% auprès des personnes pessimistes pour leur propre avenir). Même constat au sujet de l’avenir de la France (70% des Français sont pessimistes, contre 92% chez les personnes pessimistes pour leur propre avenir). Améliorer le niveau d’optimisme des Français au sujet de leur propre avenir est donc plus qu’important, il s’agit d’une nécessité. Dès lors, quels seraient les leviers à actionner ? Quels sont les principaux sujets de préoccupation des Français ?

Au quotidien, les personnes sondées ont de nombreuses préoccupations… mais sont surtout inquiètes vis-à-vis de leur pouvoir d’achat, la santé, l’environnement, et les incivilités

Les personnes interrogées indiquent que leurs principaux sujets de préoccupation personnelle sont le pouvoir d’achat (40%, et notamment pour les familles monoparentales à hauteur de 58%), devant leur santé et celle de leurs proches (37%), puis l’environnement ainsi que les incivilités, la délinquance (32% respectivement). Des thématiques citées dans les mêmes proportions par l’ensemble de la population, à l’exception du pouvoir d’achat qui est bien plus mentionné par les catégories professionnelles populaires (52% loin devant d’autres domaines).

A noter : si l’emploi et le chômage sont cités à hauteur de 13% en 10e position sur 13, il s’agit du 4e sujet de préoccupation personnelle dans les DROM avec 36% de mentions, à égalité avec la situation économique et financière du pays (derrière le pouvoir d’achat, la santé, et les inégalités sociales).

Concernant les sujets qui préoccupent le plus les Français aujourd’hui pour la France, la hiérarchie est légèrement différente puisque les incivilités et la délinquance occupent la première place devant le pouvoir d’achat (38% et 34%). Fait notable de cette enquête, les tensions et mouvements sociaux en France sont une source de préoccupation pour la France pour 13% des sondés au global, mais pour presque un habitant de Paris et sa banlieue sur cinq (19%). Un résultat à interpréter au regard des émeutes ayant eu lieu en juillet 2023. Quant à l’environnement (dans le top 3 des préoccupations personnelles), il s’agit de la troisième source de préoccupation pour la France (29%, et 21% auprès des catégories professionnelles populaires… mais 41% auprès des cadres), juste devant les inégalités sociales à égalité avec la situation économique et financière (26%).

Les inégalités en France sont perçues comme importantes et nombreuses et leurs conséquences particulièrement négatives notamment en matière d’accès à l’emploi, à l’enseignement supérieur, à la santé et aux services publics.

Les inégalités sociales comme sujet de préoccupation pour la France ne sont pas en reste, puisqu’elles occupent la 4e position d’un classement regroupant 13 thématiques. Il s’agit d’un score conséquent.

Ces inégalités sont bien visibles aux yeux des personnes interrogées. En effet, entre 60% et 67% des répondants estiment qu’aujourd’hui en France les inégalités liées au lieu de résidence, à l’origine géographique, à la couleur de peau ou bien au genre sont importantes. Des inégalités davantage perçues par les femmes, les cadres, les plus jeunes… et la gauche de l’échiquier politique. Ces résultats sont d’autant plus significatifs que les Français n’ont aucun doute quant aux conséquences de ces inégalités. Elles sont en effet importantes pour une large majorité d’entre eux (entre 61% et 79%), et même « très importantes » pour plus d’un tiers des sondés quand il est question d’accès à l’emploi (43%), d’accès à la santé (42%), d’accès à l’enseignement supérieur (37%) ou bien encore d’accès à l’école (36%) … des domaines pourtant fondateurs de la République.

Les Français ont de nombreuses idées pour lutter contre les inégalités en France. Spontanément, ils parlent de sensibilisation (25% des réponses), de la nécessité de faire un effort particulier sur l’éducation (17%) … mais plusieurs réponses font aussi état d’une mention au travail avec la nécessité de revoir les salaires (11%) ou l’accès à l’emploi et la formation (10%). Notons par ailleurs que dans le cadre du Global Education Monitor d’Ipsos, 42% des Français sont d’accord avec l’idée selon laquelle le système éducatif en France contribue à réduire les inégalités en France, confirmant qu’il est important de travailler sur cette thématique. Un score peu élevé, et même bas lorsqu’il est comparé à celui d’autres pays. Le changement de politique migratoire n’est cité que par 5% des interrogés (avec des visions qui s’opposent : 3% des interrogés appelant à accueillir et mieux intégrer les étrangers, et 2% appelant à limiter, contrôler ou arrêter l’immigration).

Dans ce contexte, le bien-être des Français n’est que peu marqué, et est principalement freiné par un manque de temps, d’argent… et d’éco anxiété

Au global, 78% des personnes interrogées ont déclaré avoir un niveau personnel de bien-être (qu’il soit physique, moral ou social) « satisfaisant ». Dans les faits, il s’agit d’un score relativement honorable. Pourtant, en l’étudiant de plus près, il est important de souligner que seul un Français sur cinq dit se sentir « très bien » ; la satisfaction n’est donc que peu prononcée. Si l’on s’intéresse aux personnes les plus satisfaites, nous retrouvons les retraités (85%) et les cadres (87%). Assez logiquement, les personnes optimistes quand elles pensent à leur propre avenir sont également plus satisfaites que la moyenne (90%, dont 28% de personnes qui se sentent « très bien »). De la même façon, les personnes très satisfaites de leur travail au global sont plus nombreuses que la moyenne à se sentir bien (88%, dont 30% de personnes qui se sentent « très bien »).

A l’inverse, les personnes très insatisfaites de leur travail au global (56%), les familles monoparentales (59%) et les personnes ayant des revenus nets mensuels inférieurs à 2000€ (70%) sont moins satisfaites de leur vie et vont moins bien.

Des profils qui s’expliquent en examinant les freins qui empêchent de se sentir vraiment bien. En effet, lorsque l’on considère l’ensemble des Français, ceux-ci évoquent le manque de temps (35%), d’argent (35%) et l’éco anxiété (32%) comme principales difficultés. Dès lors, rien d’étonnant à ce que les retraités, qui ont davantage de temps libre, et les cadres, qui ont un niveau de vie plus élevé, soient une proportion plus importante à se sentir bien. En observant les personnes qui estiment avoir un niveau personnel de bien-être « pas satisfaisant », les résultats et la hiérarchie sont légèrement différents. Le manque d’argent (51%) devance ainsi très largement les autres freins comme les problèmes de santé (38%) et le manque de temps (30%). L’anxiété vis-à-vis du climat n’est citée qu’à hauteur de 25%.

Un pouvoir d’achat en berne et un rapport au travail ambivalent sont deux des principaux défis auxquels les Français doivent faire face chaque jour

Pour se sentir bien, les Français indiquent que les dimensions les plus essentielles à leur bien-être sont les relations avec leurs famille (57%) et leur santé (51%) loin devant leur logement (30%), les relations avec leurs amis (29%) ou bien le pouvoir d’achat (29%). Des dimensions qui sont citées dans les mêmes mesures par les personnes se sentant bien. Dans les faits, le pouvoir d’achat n’est que la 5e dimension la plus essentielle au bien-être pour les Français. Pourtant, il est important de se rappeler qu’il s’agit également de la première préoccupation personnelle des Français, et que le manque d’argent est la raison principale avancée comme entrave au bien-être par les personnes ne se sentant pas bien. Par ailleurs, quand le pouvoir d’achat n’est pas mis en concurrence avec d’autres notions et qu’il est étudié « seul », il est nécessaire de souligner qu’il s’agit d’une composante essentielle dans le « bien vivre » des Français. En effet, moins de 6 Français sur 10 (58%) considèrent que leur pouvoir d’achat leur permet de vivre à leur aise ou de répondre à leurs besoins essentiels tout en leur permettant de se faire plaisir de temps en temps. Plus inquiétant, pour deux tiers des personnes interrogées (68%), leur pouvoir d’achat a baissé au cours des douze derniers mois – un score qui monte à 75% au sein des familles avec au moins un enfant. Un tiers des répondants (37%) déclare même que leur pouvoir d’achat a « beaucoup » baissé, et même 54% auprès des personnes qui mentionnent le manque d’argent comme l’un des principaux freins à leur bien-être. Des résultats qui sont en phase avec ce qui a été présenté dans le Baromètre français de la pauvreté et la précarité Ipsos/Secours populaire où 58% des Français ont indiqué avoir déjà eu la sensation, à un moment de leur vie, qu’ils étaient « sur le point de connaître une situation de pauvreté » … dont 38% qui l’ont effectivement connue.

Manque de temps, manque d’argent… deux problématiques en partie liées au travail. Alors, que pensent les Français de leur emploi ? Ils ont un rapport ambivalent à celui-ci. L’immense majorité des actifs en emploi disent de leur travail qu’il est utile (87%) et intéressant (81%). Plus des trois quarts d’entre eux estiment par ailleurs qu’il est en phase avec leurs valeurs (78%). Bref, les Français actifs en emploi semblent plutôt satisfaits de leur métier (au-delà de leur travail) : à peine 30% souhaiteraient en changer. Si l’on s’intéresse plus particulièrement à la question du temps et de l’argent, le tableau ne semble pas si noir au premier abord : en effet, pour 71% des actifs en emploi, leur travail leur permet de trouver un bon équilibre vie privée – vie professionnelle. Cependant dès que l’on parle d’argent, les résultats sont bien plus divisés. Seule une courte majorité des répondants est satisfaite de sa rémunération (53% ; 67% auprès des cadres mais 40% auprès des ouvriers), et une personne sur deux considère qu’elle a des perspectives d’évolution (50%, 61% chez les cadres). Au final un actif sur deux déclare que son travail est principalement alimentaire [ils] le font pour vivre : [s’ils pouvaient] arrêter, [ils arrêteraient] »). Un score élevé. Une nouvelle fois, ce résultat est principalement lié au type d’emploi : les catégories socio-professionnelles supérieures sont moins nombreuses que la moyenne à partager cette opinion, à l’inverse les catégories socio-professionnelles populaires sont plus nombreuses. En parallèle, 70% des personnes jugeant leur niveau de bien-être « pas satisfaisant » jugent leur travail comme un travail alimentaire (contre 52% au global).

Plus largement, les personnes qui sont très satisfaites de leur travail sont surtout des personnes optimistes pour leur avenir et celui de la France, qui ont un niveau de bien-être très satisfaisant, et qui estiment que leur pouvoir d’achat leur permet de vivre à leur aise. De l’autre côté du spectre, les personnes qui sont très insatisfaites de leur travail sont très pessimistes concernant l’avenir (peu importe qu’il s’agisse de l’avenir de la France, du leur, ou de celui de leurs enfants), qui sont moins nombreuses que la moyenne à se sentir bien ou alors qui citent le travail comme principal frein à leur bien-être.

Aujourd’hui, un autre défi de taille se profile pour l’ensemble des Français : l’éco anxiété et la question de l’environnement

Enseignement majeur de ce sondage : les données se rapportant à l’environnement méritent d’être mises en avant. En effet, l’éco-anxiété devient un véritable sujet de société. L’immense majorité des Français se dit inquiète des conséquences du dérèglement climatique sur le monde (80%), la France (74%) … mais également sur eux et leur famille (64%). La problématique de l’environnement, auparavant si lointaine, ne l’est plus tant que ça. Preuve s’il en est : l’environnement est, pour rappel, la troisième préoccupation personnelle des Français (32%). Par ailleurs l’éco anxiété est citée comme le troisième frein au sentiment de bien-être (32%) quasiment au même niveau que le manque de temps et d’argent (35%). Auprès des seniors de 70 ans et plus, c’est même le premier thème cité (39%) devant leurs problèmes de santé (35%).

Dans ce contexte, l’avenir ne semble pas vraiment radieux : seul un quart des Français (25%) est optimiste au sujet de l’avenir de la planète et de la nature. C’est même le domaine étudié où les sondés sont le plus pessimistes (74%, 1% ne se sont pas prononcés). Un pessimisme encore plus marqué auprès des personnes inquiètes des conséquences du dérèglement climatique pour eux et leur famille (83%), la France (82%) ou le monde (81%).

Alors, que faire ? Interrogés sur leur propre impact sur l’environnement, 80% des Français ont indiqué que minimiser leur impact personnel sur l’environnement était une préoccupation importante. Il s’agit même d’une préoccupation très importante pour un tiers d’entre eux (33%). Il y a donc une réelle volonté d’agir. Dans les faits, les personnes interrogées sont volontaires pour entreprendre de nombreuses actions, notamment celles qui demandent un faible investissement financier. Notons que peu de différences sont à noter selon l’âge (les personnes âgées se sentent tout aussi concernées que les jeunes !) ou le statut, tandis que les femmes sont un peu plus éco-actives. Les répondants ont notamment déjà fait les choses suivantes : 79% ont déjà adopté des gestes de l’économie circulaire (recyclage, seconde main), 71% ont baissé la température de leur logement en hiver, 68% ont modifié leurs habitudes de consommation en général… Les actions qui demandent un investissement plus important comme la modification des modes de déplacement ou les travaux de rénovation thermique ont été moins entrepris (respectivement 49% et 46%). Dans ce débat, la dimension financière est clé : les personnes qui n’ont pas entrepris ces différentes actions et ne comptent pas le faire citent principalement le manque de moyens pour le justifier. 37% indiquent ne pas avoir les moyens financiers de le faire et notamment les plus jeunes ou les personnes ayant des revenus limités. Une information peu étonnante, lorsque l’on se remémore à quel point la question du pouvoir d’achat était centrale dans la vie des Français.

Pour les personnes interrogées, il s’agit surtout de fournir plus d’efforts (85% de citations spontanées) que ce soit au travers de la mobilité, d’un changement de consommation (alimentaire, énergie…), ou bien d’un meilleur respect de la nature. En outre, il est rappelé que l’ensemble de la planète est concerné, ainsi que le gouvernement et les grandes entreprises. Certes, il s’agit d’un effort collectif, mais les grands acteurs sont véritablement attendus sur ce défi.

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A propos du Conseil économique, social et environnemental :

Troisième assemblée constitutionnelle de la République, le CESE conseille le Gouvernement et le Parlement et participe à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques dans ses champs de compétences. Il regroupe 175 membres, femmes et hommes de terrain, désignés par les corps intermédiaires : associations, syndicats de salariées et salariés, organisations patronales… Le CESE est le lieu privilégié d’expression de la participation citoyenne. Thierry Beaudet est président du CESE depuis mai 2021.


 A propos de cette enquête

Enquête menée par téléphone du 1er au 14 septembre 2023 auprès de 1256 personnes de 18 ans et plus constituant un échantillon national représentatif de la population française métropolitaine et ultra-marine âgée de 18 ans et plus.

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