Baromètre Covid-19 : les Français jugent sévèrement la gestion de l'épidémie
Le baromètre COVID19 livre les résultats de sa 6ème vague hebdomadaire. Réalisée par Ipsos pour l’association Datacovid auprès de 5 000 Français âgés de 18 ans et plus du 12 au 19 mai, cette vaste enquête a pour ambition de proposer des données anonymes et en open data aux scientifiques, aux acteurs publics et à tous les citoyens qui combattent l’épidémie. Il s’agit de leur délivrer des informations leur permettant de comprendre la dynamique de l’épidémie de Covid-19, ses déterminants et ses impacts sanitaires, économiques et sociaux.
Les thèmes de cette semaine
Avec le déconfinement, les Français continuent-ils de se relâcher dans l’application des gestes barrière ? Alors que les déplacements sont beaucoup plus libres, quelle proportion d’entre eux porte aujourd’hui le masque ? Estiment-ils que le déconfinement va réussir ou pensent-ils que la situation va s’aggraver ? Pensent-ils qu’une seconde vague est inéducable ou pas ? Considèrent-ils que les médecins, les infirmières et les structures de santé pourraient faire face à une seconde vague d’épidémie ? Comment supporteraient-ils une décision de reconfinement si elle survenait ? Quels en seraient les impacts physiques, psychologiques, financiers, etc. ? Comment jugent-ils l’action des pouvoirs publics dans la lutte contre l’épidémie par rapport aux autres grands pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, etc.) ? Quel jugement portent-ils sur l’ensemble des mesures prises pour lutter contre l’épidémie ? A quel point les considèrent-ils comme attentatoires à leurs libertés ?
Avec le déconfinement, le relâchement dans l’application des gestes barrières s’est stabilisé, le port du masque est désormais très majoritaire au sein de la population
Depuis le déconfinement, l’application des gestes barrières qui ne cessait de s’éroder semaine après semaine, s’est renforcée : ne pas serrer la main, ni embrasser (94% des Français le font tout le temps ou souvent, +2 pts depuis la semaine dernière), se laver les mains plusieurs fois par jour (93%, +1 pt) ou encore tousser et éternuer dans son coude ou un mouchoir (82%, +3 pts). L’utilisation fréquente du gel hydroalcoolique progresse encore (67%, + 6 pts en une semaine).
Par ailleurs, 64% des Français disent désormais porter le masque (tout le temps ou souvent), une progression de 17 pts en une semaine (la plus forte jamais enregistrée), due probablement à l’arrivée de stocks importants quelques jours avant le déconfinement. Comme on le verra, cette longue attente de l’arrivée des masques est probablement ce qui a rendu les Français si critiques à l’égard de la gestion de la crise par le gouvernement, plus qu’à l’égard d’autres pays qui ont pourtant enregistré un nombre de décès significativement plus important.
Enfin, dernier facteur rassurant, la proportion de personnes déclarant avoir eu les symptômes du coronavirus reste extrêmement stable ces dernières semaines (toujours oscillant autour de 7% et 8%).
Dans ce contexte, une tendance appelle à la vigilance, c’est la réduction de la distanciation sociale avec le déconfinement. Le nombre de contacts proche à moins d’un mètre au cours des dernières 24 h a encore augmenté cette semaine (7,5 personnes en moyenne contre 4,2 lors de la 1ère vague d’enquête). En outre, le temps passé dehors par les répondants dans les dernières 24 heures est passé de 105 à 178 min entre la 5e et la 6e vague (+ 73 min). Le risque épidémique reste néanmoins contenu comme le suggère une estimation du “R zéro” conduite à partir des données du baromètre.
Les Français estiment qu’une détérioration de la situation sanitaire à l’issue du déconfinement est probable mais ont confiance dans nos capacités à y faire face
Pour la majorité des Français, le message du gouvernement et des autorités de santé est passé. Ce n’est pas parce qu’il y a déconfinement, que l’épidémie est vaincue. La grande majorité d’entre eux anticipent même comme certain ou probable de nouvelles décisions de confinement au niveau local (79%), une 2ème vague d’épidémie mais moins forte (74%), voire un nombre de décès important dans les prochains mois (65%). Ils sont en revanche plus dubitatifs sur la probabilité d’un nouveau confinement national (60%) ou sur la possibilité d’une 2ème vague aussi forte que la première (59%).
D’ailleurs, ils sont aussi assez confiants sur la capacité de l’ensemble des acteurs concernés à faire face à une possible 2ème vague : les professionnels de santé (77% estiment qu’ils pourraient y faire face), eux-mêmes (72%) ou encore les structures hospitalières (70%).
Suivre l’évolution hebdomadaire du risque épidémique avec le Baromètre Covid-19Découvrez en parallèle de cette sixième vague du Baromètre Covid-19 une analyse de l'évolution du risque épidémique par Mathieu Moslonka-Lefebvre , PhD en épidémiologie mathématique et président de DataCovid. |
Une confiance dans l’avenir qui n’occulte pas un jugement sévère de la gestion de l’épidémie et l’idée que la France aurait fait moins bien que l’Espagne, la Chine, l’Italie, voire la Grande-Bretagne et les Etats-Unis
En effet, si près de six Français sur dix estiment que les pouvoirs publics seraient capables de gérer une seconde vague si elle survenait (59%), il n’en demeure pas moins vrai que ceux-ci critiquent la gestion de l’épidémie, et ce malgré le bilan plus lourd dans certains autres pays comme l’Espagne, l’Italie ou encore les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Une majorité relative considère que la France a moins bien géré l’épidémie que l’Espagne (45% contre 35% qui estiment qu’elle l’a mieux géré et 17% ni mieux, ni moins bien) ou l’Italie (45% contre 36% qui disent qu’elle a fait mieux et 16% ni mieux, ni moins bien). Le fait que certains pays aient enregistré un nombre de victimes bien plus élevé ne change pas grand-chose à l’affaire, les Français se montrent plus partagés. 44% considèrent que la France a moins bien géré la situation que les Etats-Unis (contre 46% qui soutiennent l’opinion inverse) et 41% estiment que la Grande-Bretagne a fait mieux que nous (contre 44% qui pensent que ce n’est pas le cas).
Ces critiques très fortes pourraient trouver une explication dans l’affaire des stocks insuffisants de masques. L’arrivée tardive de très grandes quantités de masques quelques jours avant le 11 mai a pu aussi jouer un rôle de réactivation du sentiment que ces derniers en ont manqué pendant longtemps et notamment au moment du pic de l’épidémie.
Pour beaucoup, une décision de reconfinement aurait des impacts importants : psychologiques, physiques, financiers et sanitaires
Si les Français ne semblent pas prendre le déconfinement à la légère, c’est non seulement parce que la possibilité d’une reprise de l’épidémie est présente dans les esprits mais aussi parce que pour beaucoup, les conséquences d’une décision de reconfinement seraient mal vécues. La majorité des interviewés estime que cela aurait des effets importants sur leur bien être psychologique (57%). Ce sentiment est encore plus fort chez les femmes (63% contre 52% pour les hommes), les plus jeunes (63% des 18-24 ans contre 51% des 65 ans et plus). Il est aussi beaucoup plus ressenti en Ile-de-France (62%). Par ailleurs, plus d’un Français sur deux estime que les impacts sur leur bien-être physique seraient importants (51%).
Les conséquences sur les finances seraient aussi très fortes de l’aveu de nombreux interviewés (44%) et notamment pour les moins de 35 ans (54% contre 24% pour les 65 ans et plus). Les salariés estiment aussi plus souvent qu’un reconfinement aurait des effets financiers importants pour eux (51%). C’est encore plus le cas des personnes travaillant à leur compte (70%) et de celles actuellement en chômage partiel (70%).
Plus d’un Français sur trois craint aussi une détérioration de son état de santé (36%). Les personnes déclarant une maladie chronique sont logiquement un peu plus nombreuses à faire ce constat (40%).
Ainsi donc, s’ils ont confiance dans les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de santé pour gérer une éventuelle 2ème vague d’épidémie, l’enquête montre aussi que bon nombre de Français pourrait pâtir d’une décision de reconfinement qui aurait des impacts forts sur leur équilibre psychologique.
La majorité des Français ne perçoit pas les mesures de lutte contre l’épidémie comme des atteintes à leur liberté
Dernier enseignement fort de cette 6ème vague d’enquête, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et les mesures mises en place pour accompagner le déconfinement ne sont pas aujourd’hui un souci de préoccupation majeure de nos concitoyens. Les mesures déjà prises ou qui pourraient être envisagées par les pouvoirs publics ne suscitent pas de fortes objections ou résistances. Surtout, beaucoup ne les perçoivent pas aujourd’hui comme des atteintes à leur liberté.
Ainsi, sur une échelle de 0 à 10 leur permettant de noter à quel point chaque mesure est une atteinte à leur liberté, la plupart des mesures reçoivent une note moyenne inférieure à 5 : le déconfinement plus tardif ou l’isolement imposé pour les personnes testées positives (3,2/10), l’obligation de porter un masque à l’extérieur et de maintenir une distance de plus d’un mètre (3,2/10), l’interdiction de voyager à l’étranger (3,7/10). Il en est de même pour l’identification par des brigades sanitaires des contacts avec une personne infectée (3,9/10) qui a pourtant fait l’objet de très fortes critiques ou encore la non-réouverture de certains commerces et lieux de spectacles (4,1/10). La limitation des déplacements en France (5/10) et même le traçage des personnes infectées grâce à une application (5,3/10) sont aussi assez peu perçues comme des atteintes à la liberté.
Et même chez ceux qui les considèrent comme les plus attentatoires à la liberté, la critique à l’égard de ces mesures reste très modérée, sauf pour le traçage des personnes infectées (69%).
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Publié en exclusivité par Le Monde :