Bilan des élections régionales à la Réunion
Philippe Fabing, consultant-politologue, a décrypté les élections régionales à la Réunion, à l'issu des deux scrutins : "Le Président sortant l’emporte, avec une plateforme d’union des droites et du centre droit, contre une coalition des gauches et du modem".
DIDIER ROBERT A PREPARE DE LONGUE DATE CES ELECTIONS REGIONALES : IL EN A CO-ECRIT LE SCENARIO, DEPUIS DEJA TROIS ANS
Il n’avait pas hésité, en 2010, à faire sans les barons de la droite locale. Pari gagnant, à la faveur d’une triangulaire.
Rien de tel, cette fois-ci, bien au contraire : entouré de tous les ténors des droites et de l’UDI, il remporte, sans coup férir, un duel de second tour, qui l’oppose à la quasi-totalité de ses opposants, réunis contre lui.
Pourtant, il sera passé bien près de perdre ces élections, et devra finalement son salut au vote des milieux populaires et de condition modeste, nombreux dans une île où plus de 40% de la population vit encore, officiellement, sous le seuil de pauvreté national.
Après l’échec aux élections départementales de 2011 et la déroute aux élections présidentielles et législatives de 2012, Didier Robert comprend que son mandat sera difficile à renouveler, s’il ne parvient pas à élargir significativement son assise politique.
Michel Fontaine, le sénateur-maire de St Pierre, patron de l’UMP local, et lui, vont préparer les conditions d’un rapprochement avec Nassimah Dindar (UDI), la populaire présidente du Conseil Général, et la convaincre de rejoindre sa famille politique d’origine (dont elle avait été écartée, conservant alors sa Présidence par une alliance avec le Modem, le PS et le PCR).
Pari gagnant. St Paul, St André, St Louis – entre autres - repassent à droite aux municipales de 2014 et, l’année suivante, Nassimah Dindar renouvelle son bail de présidente du Département, avec une nouvelle majorité, de droite cette fois-ci.
Avec un ancrage communal renforcé et un large rassemblement autour de lui, Didier Robert attaque en position de force les élections régionales de 2015.
En face de lui, le PS, plombé par le contexte national et miné par ses dissensions internes locales entre la fédération et Progrès, est loin de l’euphorie de 2012.
Le PCR n’en finit plus de disparaitre, électoralement, alors que le PLR d’Huguette Bello a du mal à transformer dans les urnes la popularité de sa dirigeante, et a vu sa base communale réduite à la ville du Port, après la perte de st Paul et St André.
Pendant plusieurs mois, Thierry Robert, député maire Modem de St Leu, leader d’un mouvement local le LPA, force montante du paysage politique local, apparaît comme le principal adversaire du Président de Région. Mais, privé de son alliance avec Nassimah Dindar, Thierry Robert ne peut plus compter sur la grande liste des Centres dont il a rêvé.
LA SUITE DE L’HISTOIRE EST CONNUE
Un temps très en difficultés, dans notre baromètre de souhaits de victoire, en octobre, alors que plus d’une dizaine de perquisitions sont menées autour des marchés de la Nouvelle Route du Littoral, le projet phare de sa première mandature, Didier Robert rebondit en novembre, porté par un vote populaire qui lui sait gré de ses actions en faveur du pouvoir d’achat. Dans nos études, les électeurs parlent en particulier du POP, le Plan Ordinateur Portable, qui fournit un ordinateur à chaque lycéen de l’île, et de la Continuité Territoriale, un dispositif où la région offre une subvention de 300 € pour l’achat d’un billet d’avion vers la métropole.
Dans notre étude d’intentions de votes entre-deux tour, Didier Robert construit principalement son avance par le vote des femmes(57%), celui des jeunes de 18 à 24 ans (69%) et des 40 ans et plus (57%), des employés (61%) et des personnes sans emploi (59%).
Fort d’une stratégie politique aux antipodes de celle de 2010, qui lui a naturellement demandé des compromis, il a vu l’influence des autres leaders de la droite locale s’accroitre significativement dans la nouvelle majorité régionale.
Fort surtout du soutien des catégories les plus modestes, il lui faudra désormais conjuguer sa politique sociale, très populaire, à des enjeux de développement économique plus durable.
La Réunion, qui connaît un déficit terrible d’emplois marchands, est à la recherche de nouvelles filières de production qui seront ses relais de croissance pour l’avenir et pourront pourvoir en emplois les jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail.
La création annuelle d’emplois marchands est passée de plus de 5 000 en moyenne 2001-2007, à moins de 400 en moyenne 2008-2013 (Cerom, sept.2015).
Après 30 ans de croissance forte et ininterrompue, c’est bien là le principal défi auquel est actuellement confrontée la société réunionnaise…
Synthèse des estimations vs. résultats du deuxième scrutin
Intentions de vote Ipsos sur 618 inscrits, publiées vendredi 11/12 | Estimation Ipsos dimanche 13/12 18h52 | Estimation Ipsos dimanche 13/12 19h25 | Résultats officiels | |
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Didier Robert | 53,5 | 52,4 | 52,2 | 52,7 |
Huguette Bello | 46,5 | 47,6 | 47,8 | 47,3 |
CONTACT : Armelle Garnier
Directrice Générale Océan Indien, Ipsos
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