Crédit et réseaux sociaux : comment réinventer le prêt aux particuliers à l’ère du Web 2.0 et de la finance éthique ?
Comme le montrent les études du pôle Banque Finance assurances et services du département qualitatif d'Ipsos Marketing sur le crédit aux particuliers, de plus en plus de consommateurs expriment leur préférence pour de nouvelles formes directes d’échanges financiers. Alors que la crise économique a accru les besoins de liquidités des ménages, les Français découvrent ainsi que les réseaux sociaux ouvrent de nouveaux horizons en réinventant le prêt entre particuliers.
La sollicitation du réseau de proximité (famille, amis) offre depuis toujours une alternative aux prêts des organismes bancaires et de crédit souvent jugés chers et difficiles d’accès. On connaissait, par exemple, des modèles traditionnels de finance solidaire tels que les prêts de gré à gré ou la tontine. Désormais, le développement du Web, notamment des plateformes de réseaux sociaux, est en passe de réinventer ces modèles. La finance participative en ligne, appelée peer-to-peer lending dans les pays anglo-saxons, arrive en Europe.
Un financement alternatif facilité par la révolution numérique
Le principe général du P2P lending est simple : Des sites Web proposent de servir d’intermédiaire pour des prêts en bonne et due forme, en mettant en contact les emprunteurs et les prêteurs. Les deux parties tombent d'accord sur le montant, la durée et le taux d'intérêt. Tout se fait en ligne. Le site leur fournit ensuite une reconnaissance de dette à signer ainsi qu’un échéancier des paiements. Sur certaines plateformes, un rappel à mensualité peut être envoyé. Les coûts de service sont généralement modiques, quelques dizaines de dollars ou d’euros maximum. Dans la mouvance du Web 2.0 et de la finance éthique, ces plateformes communautaires répondent à des motivations encore peu prises en compte par les opérateurs financiers traditionnels, notamment basées sur des critères de développement durable, d’éthique voire de pure philanthropie. Les logiques sociales et financières ne sont pas antinomiques puisqu’un un lien direct est établi entre le financement accordé et le projet financé. Côté emprunteurs, le P2P lending permet à des publics mis en difficulté par le scoring des établissements financiers, de disposer de sources de financement plus aisées et moins coûteuses pour réaliser leur projet. Sont surtout concernés les jeunes en contrat CDD, les intérimaires, les seniors, les indépendants, les auto-entrepreneurs. Côté prêteurs, il offre à des épargnants-citoyens l’opportunité de choisir leurs investissements sur des critères non exclusivement financiers, ce qui n’exclut pas d’obtenir un bon rendement.
Des motivations à la fois sociales et financières
Cette nouvelle tendance de prêts entre particuliers, sans l’intermédiaire d’organismes bancaires et de crédit, apparue voilà moins de 10 ans, constituerait aujourd’hui un marché de près d’un milliard de dollars dans le monde, financé exclusivement par des plates formes « citoyennes » de P2P lending. C’est le cas de Lending Club, une plateforme américaine d’emprunt entre particuliers lancée en 2007 (15 M$ prêts/mois) ou de Prosper qui comptabilise 500 000 utilisateurs aux Etats-Unis et plus de 130 M$ de prêts. En Grande-Bretagne, Zopa compte environ 200 000 membres pour 45 M$ de prêts. Autre exemple, en Suède, avec la JAK Bank qui pratique un système de financement entre particuliers basé sur l'équilibre entre prêts et épargnes. L'emprunteur est tenu d'acheter l'équivalent de 6% de son prêt en participation à la banque. Ce « dépôt d'équité » lui est reversé à la fin du remboursement et permet de garantir la solvabilité de l'organisme et la viabilité du système.
Une nouvelle approche de la confiance et de la gestion du risque
Le P2P lending se décline en trois modèles. Le premier propose uniquement un cadre juridique via des plateformes encadrantes qui s'adressent à des gens plutôt habitués à l'emprunt entre proches, dans la famille ou entre amis. Autre type de plateformes, celles dont la vocation est de trouver des financements pour des projets sélectionnés par des institutions de micro finance. Ici, c’est la dimension solidaire qui est privilégiée, contrairement aux plateformes à vocation financière. Là le prêteur se voit proposer des placements à des taux attractifs avec un degré de risque calculé. Pour l’emprunteur, c’est le gage d’un taux intéressant et d’un prêt plus facile à obtenir qu’en passant par un organisme financier classique. La gestion du risque de non remboursement des prêts est bien sûr au centre des préoccupations des plateformes de P2P lending. Le principe de confiance envers les acteurs est lui même primordial. De ce point de vue aussi, les sites de prêts entre particuliers développent une nouvelle approche. Ainsi outre les dispositifs de mutualisation des risques et les indicateurs de garanties classiques (ratio dette/revenu, demandes de crédits antérieures…), il sera tenu compte de l’e-réputation de l’emprunteur. L’interaction avec des sites et réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou encore Viadeo, permettent de se faire recommander par des amis ou de générer des financements au sein du réseau.
Redonner sens et visibilité au financement
Dans les études bancaires que les experts du pôle Banque Finance assurances et services du département qualitatif d'Ipsos Marketing mènent régulièrement sur le crédit aux particuliers, un nombre croissant de consommateurs expriment leur préférence pour de nouvelles formes directes d’échanges financiers. Quant aux personnes déjà familières du P2P, elles restituent une expérience riche de lien social où le projet de vie à l’origine du besoin de prêt retrouve tout son sens dans l’acte de financement. Les consommateurs de plus en plus méfiants envers le système bancaire, voient dans ces plateformes de prêts entre particuliers la possibilité de s’affranchir d’un modèle de financement strictement transactionnel pour un modèle relationnel s’inspirant des réseaux sociaux. L’intérêt de l’emprunteur autant que du prêteur réside aussi bien sûr dans les nouvelles opportunités financières, notamment la liberté de fixer dans les limites légales le taux d'intérêt entre les deux parties.
Quel avenir pour le P2P lending en France ?
Les plateformes de P2P lending se multiplient en France depuis quelques années grâce à une modification de la législation. L’enjeu est de taille sur un marché potentiel des prêts entre particuliers estimé à près de 2 milliards d’euros ! FriendsClear qui se définit comme « une communauté de projets entre entrepreneurs et investisseurs », a ainsi accompagné la réalisation de 350 000 euros de prêts pour un montant moyen de 4 000 euros, à un taux d’intérêt généralement inférieur à celui proposé par les organismes bancaires et de crédit. Un accord commercial a récemment été conclu avec le Crédit Agricole. De son côté, le site P2PCrédit propose de financer des montants de 10 000 à 25 000 euros en « diversifiant le risque » grâce à la mutualisation de petites sommes prêtées par un grand nombre de bailleurs. Ciblant la création d’entreprise, le réseau social de levée de fonds CapAngel se propose quant à lui d’aider de jeunes entrepreneurs à collecter des fonds, de 5 000 à 100 000 euros auprès de leur réseau privé et professionnel.
Quel avenir pour le P2P lending en France ? Peut-il constituer une niche market mass sur le marché du financement ? Bien qu’encore très minoritaire comparé aux 142 milliards d’euros d’encours de crédit des prêts personnels distribués par les banques et les organismes spécialisés de crédit, le marché du social lending a tout d’une alternative intéressante. S’il se heurte chez nous à différents obstacles (réglementation, incompréhension, méfiance…), une chose est sûre, le Web et ses possibilités d’automatisation permettent une plus grande démocratisation de ces nouveaux modèles de financement. Chez Ipsos quali, nous intégrons désormais l’évolution des plateformes de prêt entre particuliers dans les signaux à suivre en terme de changement des attitudes et des mentalités des ménages en matière de nouveaux modes de consommations financières.