« Des ados heureux de vivre… »
« Peur de l’avenir, incertitude, angoisse, mal-être… C’est ça l’adolescence ? Heureusement, non. » Á l’instar d’Aline Périault sur le site sante.nouvelobs.com, la presse se réjouit de constater la bonne santé morale des ados, « loin de cette image dans laquelle les cantonnent parfois les adultes ». C’est la « bonne nouvelle » annoncée par les médias citant la dernière étude en date réalisée par Ipsos pour la Fondation Wyeth à l'occasion du 4ème Forum Adolescences organisé en mai à Paris. Deux chiffres reviennent : les 18 % d’ados qui s’estiment mal dans leur peau opposés aux deux tiers de professeurs qui pensent, au contraire, que le mal-être affecte les jeunes. Or non seulement 4 jeunes sur 5 disent aller bien mais en plus, ils ont « plein d'idées pour améliorer leurs rapports avec les parents, leur santé, l'école... Etonnant », pointe Florence Deguen du Parisien ! Mais à propos, de quels jeunes parle-t-on ? Ont-ils « 18/25 ans, 25/30 ans ou 30/35 ans ? », comme le demande avec humour un internaute sur le forum du site tempsreel.nouvelobs.com. Non seulement ils sont plus juvéniles que l’inénarrable Tanguy mais ils ne sont pas les seuls à avoir été interrogés, comme ne manque pas de le préciser Catherine Malaval dans Libération : « Prenez 800 ados de 15 à 18 ans, ajoutez 600 profs et 200 infirmières scolaires ; secouez les neurones du département santé d'Ipsos et de l’Inserm, et vous obtenez une jolie photo de classe des jeunes d’aujourd’hui. »
Un certain nombre d’idées reçues
Une photographie, comme le rappelle Elsa Bellanger sur le site magicmaman.com, qui vise à « mieux comprendre les adolescents et donc a mieux prévenir les risques de santé des jeunes ». Or que constate-t-on ? « Les adolescents en difficulté sont ceux qui ont le moins de dialogue avec des adultes ». Combien sont-ils ? L’étude estime à « 6% la frange des adolescents qui rassemble un prisme d'indicateurs négatifs et qui sont à surveiller », d’après Laïla Idtaleb, la directrice de clientèle au département santé, interrogée au micro d’Isabelle Millet sur l’antenne de RTL. Les parents doivent-ils « flipper grave » pour autant ? Sans doute pas. D’autant, poursuit Laïla Idtaleb, que « l’inquiétude (parentale) est souvent perçue par les adolescents comme un manque de confiance dans leur capacité à mener à bien leur projet ». Or comme le souligne Ouest France : « les adultes s'inquiètent trop pour les ados » d’où un malaise dans les relations. Le journal de citer ce résultat de l’étude Ipsos révélant qu’un ado sur deux se sent souvent sous pression. L’école, RTL y a envoyé Henry de Laguerie, un de ses journalistes qui a choisi Saint-Ouen pour interviewer des adolescents. Comment vont-ils ? Ils se disent tous « H-E-U-R-E-U-X » !
Autre point souligné par la presse, l’ambivalence forte des adolescents sur la question de l’autorité parentale ; 70% d'entre eux disant la respecter vs 30% d’irrespectueux. L’autorité exercée par les parents est néanmoins majoritairement jugée comme
« juste ce qu’il faut ». Europe 1 a voulu se faire son idée en envoyant un de ses reporters à la rencontre d’élèves de seconde devant le lycée Jules Ferry dans le 18ème arrondissement de Paris. Alors qu’ils s’accordent à dire que « les cris, les coups, les privations, ça ne marche pas (sur eux) », nos jeunes amis se plaignent d’un « manque d’autorité », en souhaitant « être mieux encadrés, notamment par leurs parents ». Ce qui nous vaut ce commentaire du journaliste d’Europe 1 : « Les ados sont des spécimens décidément bien curieux qui ne sont jamais là où on les attend ». Á rapprocher de cette réflexion d’un bloggueur, vincent-jarousseau.blogspot.com, par ailleurs adjoint au maire du 14ème arrondissement de Paris, chargé de la jeunesse et des sports : « Les résultats de l’enquête Ipsos m'interpellent. Comment interpréter ces chiffres ? Les jeunes vont-ils si bien que cela ? Le rapport Versini laissait apparaître une autre réalité sur la souffrance d'une partie de la jeunesse. Est-ce nous les adultes qui entretenons une perception trop pessimiste des adolescents ? Peut-être... »
« Les ados veulent qu’on les aide à devenir adulte. »
Pas facile donc de bien se comprendre entre ados et adultes. Une difficulté d’appréhension confirmée par les résultats du baromètre montrant, par exemple, que « près de 80% des ados disent parler facilement avec leurs parents alors que seulement 47% des enseignants et 26% des infirmières scolaires pensent que tel est le cas ». Ce qui vaut à Catherine Malaval cette réflexion dans les colonnes de Libération : « Le jeune aimerait qu’on lui parle davantage de son moral (plutôt que réussite ?) et là le problème, c’est qu’il dit manquer d’interlocuteur pour en discuter. » Caroline Thompson, thérapeute familiale à l'hôpital de la Salpétrière à Paris, interrogée par Ouest France, évoque quant à elle un « malaise spécifique de cette période de la vie qui est une période de transition. Ce qui prédomine, ajoute le médecin, c'est le sentiment de flottement et d'incertitude : les adolescents ont souvent du mal à choisir une voie et à s'engager ». Eh bien puisqu’ils comptent sur les adultes pour y voir plus clair, Le Parisien lance aux ados :
« Chiche, faites-nous des propositions ! » Ils n’en ont pas manqué le 21 mai dernier lors du Forum adolescences qui a rassemblé 300 adolescents et autant de professionnels adultes, journalistes et experts lorsqu’ils ont échangé leur point de vue avec des experts comme François Dubet, Boris Cyrulnik, ou encore Philippe Jeammet.
Retrouver toutes les données de l’étude et les actes du Forum sur http://www.fondation-wyeth.org/
*Echantillon national représentatif de 847 adolescents de 15 à 18 ans interrogés en face-à-face (sortie d’établissements scolaires et domicile) du 14 au 27 mars 2008 par des enquêteurs d’Ipsos.