Des Européens acquis à l’Europe mais pas convertis à l’euro
Les prémisses d’un sentiment européen
L’étude conduite par Ipsos pour l’Observatoire Thalys International dans sept pays de l’Union indique que le sentiment d’appartenance à l’Europe est déjà une réalité pour 14% des interviewés, même si le sentiment national se mêle massivement à celui "d’européanité" : 51% des Européens se sentent surtout de leur nationalité et dans une seconde mesure européens et 6% "tout à fait européens". Les Allemands (11%) et les Belges (10%) sont les plus nombreux à se sentir strictement européens ou à faire primer sentiment européen puis national (16% des Allemands). Ces deux nationalités devancent les Français (63%), les Espagnols (59%) et les Italiens (58%) qui se positionnent un cran en dessous, en se définissant d’abord par leur identité nationale puis européenne.
Toutefois, un tiers des Européens interviewés se définirait uniquement par sa nationalité (32%), sentiment particulièrement marqué au Royaume Uni où cette proportion s’établit à 48% et aux Pays Bas (42%).
L’avenir de l’Europe
D’une manière plus générale, le contexte international troublé dans lequel s’est déroulée l’étude peut avoir pesé sur la question de l’avenir de l’Europe : une majorité d’Européens souhaitent en effet une "fédération d’états qui resteraient indépendants dans un certain nombre de domaines" (51%). Cette position s’oppose assez franchement à l’idée d’Europe à géométrie variable, dans laquelle "les Etats seraient réunis par différents niveaux d’appartenance, tels que les pays leaders, les pays de la zone euro, les pays rattachés" (14%). Les Européens semblent donc avoir tranché en faveur d’une confédération plutôt qu’un morcellement de communautés d’intérêts qui risquerait de marginaliser certains membres.
En revanche, on notera qu’il existe autant d’Européens à souhaiter une Europe fédérale "dirigée par un gouvernement unique élu par les Européens" (13%) qu’un retour aux souverainetés nationales par le biais "d’une suppression de l’Europe" (12%). Il n’est en effet guère qu’au Royaume-Uni où cette opinion réunit un assez fort nombre de répondants (28%) ; ceux-ci s’opposent en ce sens largement aux Espagnols et aux Italiens dont près d’un cinquième (18%) plébisciterait un Etat unique.
Ainsi, si les Européens manifestent les prémisses d’un sentiment d’appartenance, la conscience nationale reste dominante et le choix d’une Europe respectant les souverainetés nationales au moins sur certains points domine, y compris auprès de ceux qui se sentent les plus exclusivement européens. Ceci entérine les différentes thèses consistant à ne pas opposer sentiments national et européen, mais plutôt à considérer que l’élaboration du second s’appuie sur la force du premier.
La difficulté des Européens à "penser" en euro
Cette étude est également l’occasion de faire un point sur le niveau de familiarisation des Européens avec ce qui apparaît comme la matérialisation concrète de l’Europe au quotidien : l’euro. On peut considérer que la présence du sentiment européen dans l’esprit des interviewés est d’autant plus encourageante que ceux-ci se sont assez mal approprié l’euro : en dépit d’une adoption rapide au moment de sa mise en place, une très large majorité d’Européens (84%) confie sa difficulté à penser dans la nouvelle monnaie.
55% convertissent encore l’euro dans leur monnaie nationale pour les dépenses courantes et 29%, pour les gros montants.
Ainsi, les Européens qui "pensent" en euro sont plutôt minoritaires, quoique plus représentés chez les Espagnols (24%) et les Italiens (25%). En revanche, de tous les pays interrogés, l’Allemagne et la France sont ceux dans lesquels les habitants sont encore les plus nombreux à recourir à la conversion systématique (64% des Allemands et 57% des Français).
Si des différences existent entre jeunes et plus âgés, elles ne sont pas aussi marquées que ce qu’on pourrait attendre : 77% des moins de 25 ans ont encore le réflexe "monnaie nationale" versus 88% des plus de 65 ans et dans les deux cas, la conversion pour les petits montants domine. Le phénomène analogue peut être observé selon le niveau socio-culturel des interviewés.
Enfin, alors que l’Union parie sur 25 membres, mais aussi où trois pays restent en marge de la monnaie unique, l’Observatoire Thalys International a souhaité savoir comment les Britanniques se positionnent sur le sujet. À en croire la presse locale, les Britanniques ont manifesté des signes d'intérêt pour l’euro dès les premiers jours de sa mise en circulation ; mais les points de vue favorables ont depuis observé un recul , vraisemblablement en raison du ralentissement économique, des grands débats sur les critères à respecter dans le cadre du pacte de stabilité, et peut-être plus récemment en raison de la position diplomatique britannique sur la question irakienne. Toujours est-il qu’aujourd’hui, les deux tiers des Britanniques s’y opposent encore (64% dont 46% "ne le souhaitant pas du tout"). Ce refus reste au niveau observé en septembre 2002 par l’Observatoire Thalys International (58% s’y opposaient dont 41% "ne le souhaitant pas du tout"), quoiqu’il tende sensiblement à se durcir (sans différence statistiquement significative). La prééminence du sentiment national y fait beaucoup car 83% des Britanniques qui se définissent uniquement par leur nationalité refusent l’euro… et ils représentent tout de même la moitié des Anglais (48%).