En crise directe
Economic Crisis Monitor, le tout nouvel observatoire Ipsos de la crise et de la consommation livre ses premiers résultats. La vague 1 confirme la montée de l’inquiétude des consommateurs face à une crise perçue comme profonde et durable partout en Europe et aux Etats-Unis. Un niveau de pessimisme général jamais vu, d’après Joachim Soëtard, directeur du Département Corporate et Stratégies d’Entreprise, Ipsos Public Affairs et Thomas Tougard Directeur Général, Ipsos Marketing.
Avant d’évoquer les résultats de la première vague, pouvez-vous repréciser en deux mots ce qu’est Crisis Monitor ?
Joachim Soëtard : Une étude en souscription menée chaque mois dans six pays (France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis), pour mieux comprendre et anticiper les effets de la crise actuelle sur les attitudes et comportements des consommateurs. Nous posons des questions à la fois rétrospectives sur les trois derniers mois et projectives sur les trois prochains.
Que nous enseigne donc cette première mesure mensuelle en termes de perception et de comportement des consommateurs ?
J.S : Notre enquête montre que la crise date au moins de juin 2008 dans la réalité des comportements et des appréciations. Nous constatons surtout l’extrême pessimisme des consommateurs face à la crise. D’après nos résultats, nous ne nous inscrivons pas dans une perspective de sortie de crise avant la fin du deuxième semestre 2009 voire du premier semestre 2010. Dans chacun des six pays, il se trouve même 50 % de gens environ pour estimer que la crise va durer plusieurs années !
Une crise perçue comme durable
Quels sont les pays où le moral est au plus bas ?
J.S : La France et l’Italie confirment les niveaux d’appréciation et de perception du climat qui historiquement sont sensiblement plus mauvais que la moyenne. La nouveauté, c’est que des pays habituellement dynamiques dans l’appréciation de l’évolution économique, comme l’Espagne, la Grande-Bretagne et l’Allemagne d’une manière spectaculaire, basculent dans ce côté sombre européen. Ils affichent désormais les mêmes niveaux d’inquiétude que la France et l’Italie. Nous atteignons aujourd’hui un niveau de pessimisme assez comparable sur l’ensemble du territoire européen.
Et aux Etats-Unis ?
J.S : On ressent depuis quelques mois outre Atlantique l’influence d’un effet Obama. Il s’y est créé une dynamique positive même si l’opinion reste majoritairement pessimiste. Nous verrons si cet élan va se confirmer et comment il peut se traduire à l’avenir…
Une sur-dramatisation dans la perception de la crise n’est-elle pas à redouter ?
J.S : Quand un individu nous dit que la crise va durer, il faut y voir ainsi la retranscription qu’il fait du discours ambiant. Mais il est toujours difficile de départager l’influence des éléments de contexte du vécu individuel. Certains indicateurs nous inquiètent cependant. Le fait, par exemple, qu’en France et en Italie, pour la première fois depuis très longtemps, nous enregistrons un niveau de bonheur déclaré qui perd entre 10 et 12 points par rapport à juin dernier. Nous demandons aux gens s’ils sont heureux ou pas ; habituellement, nous obtenons des scores situés autour de 80 %. La digue qui existe entre la perception du climat économique et le sentiment personnel intime est peut-être en train de céder.
Bonheur écorné et arbitrage redoublé
Cette crise est-elle en train de faire de nous des consommateurs timorés ?
Thomas Tougard : Pas timorés mais tactiques. C’était déjà vrai. Le phénomène s’amplifie. Chaque produit est remis en question. Son utilité est rediscutée. Son actualité est questionnée. D’où la nécessité pour les entreprises ou les promoteurs de produits de re-légitimer le produit et de re-légitimer ses occurrences de consommation.
Certains secteurs peuvent-ils ne pas survivre à la crise ?
T.T. : La thématique n’est pas tant celle de la privation que de l’attente dans le renouvellement de certains produits. Etant entendu que le consommateur privilégie les circuits de vente qui lui garantissent les prix les plus bas. C’est l’un des points forts de Crisis Monitor que de permettre d’isoler de manière précise quels sont les produits, les services et les circuits d’achat qui sont aujourd’hui en situation de danger économique ou au contraire porteurs d’opportunités.