Entreprise recherche débutant expérimenté
Les DRH maintiennent leurs objectifs d'embauche
Alors même que la perception d'une généralisation de la crise émerge, les résultats de l'enquête indiquent tout d'abord que les deux tiers des entreprises pensent préserver leur niveau d'embauche en 2003. Cet état d'esprit réunit tous les grands secteurs d'activités interrogés, la distribution envisageant même de revoir ses prévisions à la hausse. Plus positif encore, plus une entreprise a une politique d'embauche importante, plus elle manifeste l'intention de maintenir cette politique pour 2003.
Recrutement : vers une plus grande et de nouvelles formes de sélectivité ?
Les résultats de l'enquête soulignent tout d'abord l'évolution de l'attitude des DRH envers les jeunes diplômés : invités à se prononcer sur leur perception de l'évolution des critères d'embauche, au moins la moitié des DRH estiment qu'ils les prennent davantage en ligne de compte qu'avant la majorité dans le recrutement d'un candidat. Les stages effectués (77%), le bilinguisme français-anglais (74%) et la maîtrise des logiciels de bureautique (70%) figurent au premier rang des éléments davantage intégrés dans le recrutement. Ces évolutions semblent d'une part préfigurer une modification profonde des critères à l'embauche, mais aussi souligner la plus grande sélectivité dont les DRH font preuve à l'analyse d'une candidature. Selon les DRH rencontrés, les profils des jeunes tendent vers une relative homogénéité les astreignant à davantage intégrer les atouts distinctifs des candidats dans leur sélection. Ceci est particulièrement vrai auprès des recruteurs pour lesquels le diplôme perd sa valeur absolue. A ce sujet, un des interviewés souligne : " A un certain niveau, j'ai tendance à penser que les écoles ont tendance à enseigner les mêmes choses, aux mêmes profils d'étudiants. Je pars du principe que quelqu'un qui a envie, qui a une tête à peu près bien faite, et qui montre qu'il a fait des choses à côté, ça compte au delà de ses enseignements théoriques ".
Il faut également décrypter dans cette tendance, la logique de " rentabilité " qui préside au recrutement et conduit désormais à la recherche de profils de candidats immédiatement opérationnels. Les exigences portant sur la réalisation de stages et la maîtrise de la bureautique sont illustratifs de cette demande.
Le diplôme sélectif est une valeur en baisse
Cette évolution est perceptible à travers la moindre prise en compte exclusive du diplôme au moment du recrutement : la sélectivité de l'école ne figure pas parmi les trois critères les plus importants au moment de la sélection d'un candidat et n'est pas que modérément perçue comme étant un atout majeur d'insertion pour le jeune (seuls 20% des DRH s'y accordent). Il s'efface dans les hiérarchies au profit des expériences pratiques, qui apparaissent tout à la fois plus prometteuses de facilité d'insertion (71% des DRH le pensent) et de distinction de la qualité d'une jeune recrue (50% s'y accordent).
Autre indicateur symptomatique du recul de sa prise en compte exclusive : le rôle même du diplôme comme garant de la compétence reçoit une adhésion molle (61% des DRH le pensent contre 38% d'avis contraires, - cette défiance s'élève même à 62% auprès de la grande distribution) et se positionne en large retrait derrière la motivation et l'adaptabilité lorsqu'il s'agit de penser en terme de clés de réussite pour le jeune diplômé.
Il serait toutefois abusif de conclure à la " mort du diplôme " : sa position en retrait est surtout le fait d'une " percée " d'autres critères comme la professionnalisation des jeunes. Le diplôme serait passé du rang de critère de sélection à celui de pré-requis : la majorité des recruteurs s'accorde en effet sur l'idée que son importance est restée stable au fil du temps (56%) et lorsqu'il s'agit de raisonner en terme de rapidité de progression de carrière, les DRH positionnent le niveau de spécialisation du diplôme et la sélectivité de l'école en tête des atouts. Signe de la persistance du corporatisme dans l'entreprise ?
L'apparition d'un nouveau profil de candidat idéal : le pré-actif.
Autre signe majeur de l'évolution de l'attitude des DRH : dès la première embauche, le jeune diplômé doit répondre aux critères de recrutement d'un jeune actif ; en témoigne la prise en compte plus importante des expériences pratiques, de la maîtrise des logiciels et la recherche de spécialisation des profils. Point commun à ces critères : tous sont également positionnés par les DRH comme les principaux facteurs d'insertion d'un jeune dans l'entreprise, ce qui entérine l'idée que le recrutement d'un jeune répond désormais à une recherche d'opérationnalité (rentabilité?).
Les stages et l'alternance sont plébiscités et en tête de tous les classements, qu'il s'agisse des critères actuels, de ceux qui ont pris de l'importance récemment ou de ceux qui expliquent la facilité d'insertion dans l'entreprise. Les grandes entreprises, les entreprises tournées vers l'étranger et les entreprises les plus recruteuses sont à la pointe de cette évolution.
Le niveau de spécialisation du diplôme, garant de la rapidité d'insertion, fait partie des nouvelles exigences. Significatif pour toutes les entreprises de l'échantillon, cette exigence est particulièrement le fait des plus grandes entreprises et des DRH les plus jeunes.
Autre élément significatif de l'émergence de cette notion de " pré-actif ", l'importance de la maîtrise des logiciels informatiques et le faible rôle des activités extra-universitaires : le DRH cherche aujourd'hui tout ce qui a trait à l'acquisition de compétences professionnelles et peu ce qui témoigne du simple dynamisme. Le mot clef devient le professionnalisme. Ceci, encore une fois, étant particulièrement saillant pour les grandes entreprises, notamment internationales.
Le bilinguisme aujourd'hui un atout distinctif…demain, un pré-requis
Le bilinguisme n'est pas, aujourd'hui, sur l'ensemble de l'échantillon une exigence première (7ème place) et figure plutôt dans le palmarès des critères de distinction d'un candidat (5ème rang). En revanche, il recueille déjà les faveurs des DRH exerçant dans les secteurs les plus mondiaux : conseil (6), communication (6,3), grande consommation (6,2 versus une moyenne d'ensemble de 5,4), dans les sociétés internationales, pour lesquelles il peut accéder au rang de pré-requis : les DRH d'entreprises d'origine étrangère le placent au premier rang des critères de recrutement devant même le niveau de spécialisation du diplôme et les stages. Un DRH exerçant dans le secteur du conseil insiste : " Il y a un critère éliminatoire, c'est l'anglais. Si je vois à la lecture du CV que l'anglais n'est pas maîtrisé, c'est sûr que je le vire. Le candidat qui me met, " anglais : lu écrit parlé ",il ne reste pas. "
Ces secteurs se positionnent sûrement comme précurseurs des exigences de demain : plusieurs indicateurs illustrent en effet le rôle que la maîtrise parfaite de l'anglais aura dans l'avenir. Les trois quarts des DRH interrogés estiment que son importance va crescendo au fil du temps (74%) et c'est après les expériences pratiques, le critère à observer la plus importante évolution dans l'analyse d'un CV (3ème place contre 7ème dans la hiérarchie des critères pris en compte au moment du recrutement). D'autre part, cette évolution est particulièrement soulignée par les jeunes DRH, qui se substitueront au fil du temps à l'ancienne "garde" ( 78% contre 68% de citations auprès des DRH les plus âgés), par les entreprises ouvertes sur l'étranger (90%) et surtout par les entreprises recrutant le plus de jeunes (81%).
Il en va de même pour l'ensemble des qualités linguistiques d'un candidat (réalisation d'un cursus à l'étranger, maîtrise de plusieurs langues), qui enregistrent une forte progression notamment auprès des secteurs de la communication et de la grande consommation.
Il y a ainsi fort à penser que dans le futur, il en sera de même pour les langues que pour les stages aujourd'hui : hier, valeur ajoutée ; aujourd'hui, les stages figurent en tête des conditions de sélection.
Des exigences variables d'un secteur à l'autre
Enfin, l'étude souligne l'hétérogénéité des grands secteurs d'activité devant le recrutement.
La Grande Consommation est archétypale des tendances de marché et les représente à la moyenne, quoique accordant une relative importance à la maîtrise des langues étrangères. La Distribution est la plus en pointe sur la défiance du diplôme et la recherche systématique d'un profil de " pré-actif ". C'est le secteur valorisant le plus les stages et l'alternance. En revanche, elle ne manifeste aucune attente en matière de sélectivité d'école. Le Conseil et la Communication, assez proches l'un de l'autre, préfigurent les exigences de demain en matière de cursus à l'étranger, de bilinguisme. La Banque-Finance a une lecture un peu différente du pré-actif : la spécialisation du diplôme compte autant que la pratique des stages. C'est pour ce secteur, le critère dont l'importance a le plus augmenté récemment.
Plus que de réelles différences, c'est une lecture différente de ce qu'est un pré-actif qui explique les écarts observés entre les secteurs : tous ont en commun cette recherche de l'efficacité du pré-actif, mais l'expriment diversement.
Fiche technique :
- Etude effectuée pour l'ESLSCA du 18 au 22 Novembre 2002
- Echantillon représentatif de 300 entreprises françaises de plus de 100 salariés évoluant dans les secteurs de la Grande Consommation, de la Distribution, de la Banque / Finance/ Assurance, du Conseil et de la Communication.
- L'échantillon a été raisonné de façon à sur-représenter les grandes entreprises puis les résultats ont été redressés conformément à la structure réelle des entreprises françaises.
- Les interviews ont été conduites par téléphone sur le lieu de travail auprès des personnes décisionnaires en matière de recrutement dans l'entreprise.
- En appui, les données ont été illustrées par des interviews individuelles réalisées auprès de DRH de groupes représentant chacun des cinq secteurs investigués.