Etudiants en sciences : quelles motivations ? Quel avenir ?
Afin d’alimenter les débats de la 6ème édition du forum Science, Recherche et Société qui se déroulera le 22 mai 2014, La Recherche, Le Monde et le Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ont souhaité mettre en place une enquête auprès des étudiants en filières scientifiques. Leur objectif ? Décrypter les motivations de ces étudiants et avoir un meilleur aperçu de leurs projets professionnels.
INTERET ET PRAGMATISME
La filière scientifique, choisie avant tout pour parvenir au métier souhaité
Le choix de poursuivre des études scientifiques est avant tout motivé par l’intérêt personnel pour la filière scientifique : pour 73% des étudiants interrogés, elle est celle qui leur permet de faire le métier qu’ils souhaitent exercer. Les étudiants post-bac, pour qui le scientifique est un choix plus déterminant pour la suite de leur carrière que leurs camarades encore au lycée, se prononcent de manière encore plus marquée dans ce sens (75% contre 65% des lycéens). 95% des étudiants interrogés sont par ailleurs d’accord sur le fait qu’ils font des études scientifiques car elles mènent à des métiers intéressants et épanouissants. Cet intérêt pour le domaine se confirme par la suite : pour 56% d’entre eux, les matières qui y sont enseignées sont celles qui les intéressent le plus et 88% sont d’accord sur le fait qu’ils font des études scientifiques car ils sont particulièrement intéressés par la science et les métiers scientifiques.
Le choix de la raison et le pragmatisme viennent ensuite
52% évoquent les débouchés professionnels qu’offre la filière et 39% le fait qu’ils étaient bons dans les matières scientifiques. 93% sont par ailleurs d’accord sur le fait qu’ils font des études scientifiques car elles offrent des débouchés nombreux et variés. Les étudiants choisissent donc non seulement cette filière parce qu’elle les intéresse, mais aussi parce qu’ils y ont des facilités et qu’elle leur ouvre des portes pour l’avenir. La reconnaissance des diplômes à l’international (24%) et le prestige de la filière (20%) comme éléments de choix restent relativement marginaux.
Les études scientifiques n’ont pas été l’objet d’un vrai choix pour un nombre non négligeable d’étudiants de la filière
64% des étudiants en filière scientifique pensent qu’il est juste de dire qu’ils ont choisi de faire des études scientifiques car il vaut mieux faire ce choix plutôt que des études littéraires pour trouver du travail. 20% sont même tout à fait d’accord avec cette idée. Une part importante des étudiants scientifiques aurait donc choisi la filière non pas par défaut, car ils sont tout de même intéressés, mais au moins par raison.
Enfin, 42% de l’ensemble – 39% des étudiants post-bac et 54% des lycéens – disent n’avoir pas vraiment choisi de faire des études scientifiques : c’est un choix qui s’est imposé de lui-même. De nouveau, sans être un choix par défaut, les études scientifiques ne sont pas nécessairement le fruit d’une vraie réflexion pour ces étudiants, qui peuvent avoir été influencés par des éléments externes : leurs parents ? Une aisance, des capacités dans ce domaine ?
Seuls 3 étudiants sur 10 ont été motivés par un modèle : une science désincarnée ?
Comme on a pu l’observer, le choix des étudiants scientifiques est plutôt rationnel : l’intérêt et les débouchés priment avant tout. Cette idée est corroborée par le fait que seulement 31% d’entre eux disent avoir été motivés par une ou plusieurs personnes qu’ils admiraient au sein du monde scientifique : une ou plusieurs personnalités connues du monde scientifique pour 7%, une ou plusieurs personnalités de leur entourage pour 24%. Le domaine scientifique, contrairement à d’autres domaines dans lesquels des personnalités émergent, reste relativement désincarné, même auprès des jeunes qui s’y destinent.
Faire une partie de ses études à l’étranger est jugé important voire indispensable par 69% des étudiants scientifiques
L’ouverture à l’international durant ses études est totalement intégrée par les étudiants en filière scientifique : faire une partie de ses études à l’étranger est en effet jugé indispensable par 14% et « important mais pas indispensable » par 55%. Seuls 25% estiment que cela est secondaire, et 6% inutile. Les lycéens semblent y être encore plus sensibilisés : 12% pensent que c’est indispensable, 60% « important mais pas indispensable », 22% secondaire et 6% inutile. Les étudiants estiment probablement que cette ouverture internationale est bénéfique mais surtout essentielle aujourd’hui, notamment comme élément valorisable dans un contexte professionnel.
Nouvelles technologies, informatique et matières plus « classiques » sont appréciés des étudiants scientifiques
Les nouvelles technologies et l’informatique sont les domaines qui intéressent le plus les étudiants scientifiques, qu’ils soient lycéens ou étudiants post-bac. Les nouvelles technologies intéressent en effet 80% d’entre eux, dont 34% qui se disent « vraiment » intéressés. L’informatique attire 75% d’entre eux, dont 29% qui sont « vraiment » intéressés.
Dans le détail, les lycéens préfèrent l’informatique (76%) aux nouvelles technologies (74%), tandis que les étudiants post-bac préfèrent ces dernières (82%) à l’informatique (74%). À noter que cet engouement est plus marqué encore chez les garçons.
Cet intérêt pour les NTIC ne s’accompagne pour autant pas d’un rejet des matières plus « classiques »
Une majorité d’étudiants, lycéens et post-bac confondus, disent en effet s’intéresser aux mathématiques (62%), à la biologie (62%, et même 67% des lycéens), à la physique (59%) et à la chimie (56%). Sans surprise, les domaines les moins connus – notamment parce qu’ils ne sont pas toujours enseignés dans l’enseignement secondaire général – suscitent moins d’intérêt : c’est le cas de l’électronique et des télécommunications (46%), de l’économie et des finances (37%), de l’automatique et de l’électricité (33%), du génie civil (32%), de la mécanique et de la productique (29%) et de l’agronomie (27%).
CONCILIER INTERET ET PRAGMATISME : TEL EST L’ENJEU POUR LES ETUDIANTS SCIENTIFIQUES
Une idée précise du métier qu’ils souhaitent exercer : un métier non scientifique pour la moitié d’entre eux
Les étudiants en filière scientifique ont les idées relativement claires sur le métier qu’ils veulent exercer après leurs études : 69% en ont une idée précise, dont 28% une idée très précise. Au contraire, 31% n’en ont pas d’idée précise, dont 6% ne savent pas du tout ce qu’ils veulent faire. Logiquement, les étudiants post-bac, plus avancés dans leur parcours, ont une idée légèrement plus précise de leur futur métier que les lycéens : 70% contre 66%.
En revanche, les étudiants de la filière scientifique ne se projettent pas nécessairement dans un métier scientifique : 51% d’entre eux souhaitent exercer plutôt un métier à dominante non scientifique mais dans lequel ils pourront utiliser leurs compétences acquises durant leurs études, et seulement 49% un métier plutôt à dominante scientifique. Sans surprise, les lycéens, pour qui le choix de la filière scientifique n’est encore que peu déterminant, sont moins nombreux à se projeter dans un métier scientifique (41% contre 59% non scientifique), mais même parmi les étudiants engagés dans cette filière, la moitié envisage un métier non scientifique.
La rémunération, de loin l’élément le plus déterminant dans le choix de leur futur métier
Interrogés sur les éléments qui seront les plus déterminants au moment de choisir leur premier métier, les étudiants en filière scientifique font preuve, à nouveau, d’un certain pragmatisme : la rémunération arrive en tête des priorités, à 69%, et de manière encore plus forte chez les lycéens (73% contre 68% des étudiants post-bac). Les étudiants regarderont ensuite les perspectives d’évolution (53%) et la facilité pour trouver du travail (51%). Sur ce dernier élément, on observe une vraie différence entre lycéens (40%), sûrement moins conscients des réalités économiques du marché du travail, et étudiants post-bac (53%). Viennent ensuite la sécurité et la stabilité de l’emploi (44%), les conditions de travail (41%) et la possibilité de concilier vie professionnelle et vie privée (38%). Les éléments moins pragmatiques sont les moins cités : le lien avec la formation initiale comptera pour 31% des étudiants, l’utilité pour la société pour 29%, l’ouverture internationale pour 24% et le prestige pour 20%.
Ingénieur, le métier le plus plébiscité par les étudiants en science
Dans ce contexte, le métier d’ingénieur reste celui qui correspond le plus aux attentes des étudiants et se place donc en tête des métiers qu’ils jugent les plus attirants : conciliant à la fois leur intérêt pour des domaines scientifiques variés et des perspectives de carrières sûres et valorisantes, 43% auraient plutôt envie de l’exercer et 37% le trouve attirant même s’ils n’auraient pas vraiment envie de l’exercer.
Le métier de chercheur suscite également un certain engouement de la part des étudiants, même si une proportion moins importante d’entre eux auraient plutôt envie de l’exercer (33%, tandis que 43% le trouve attirant mais n’auraient pas vraiment envie de l’exercer), que ce soit dans le public ou le privé.
Globalement, seuls quatre métiers souffrent d’une image relativement dégradée auprès des étudiants en sciences : infirmier, jugé attirant par seulement 48% dont 17% qui auraient plutôt envie de l’exercer, enseignant dans le secondaire (45% dont 12%), directeur financier d’une entreprise (40% dont 12%) et analyste financier (34% dont 9%).
En termes de souhait véritable d’exercer un métier, étant donné la diversité des disciplines scientifiques étudiées par nos répondants, il est assez compréhensible que les résultats soient aussi éclatés.
Chercheur : un métier jugé trop difficile et n’offrant pas suffisamment de débouchés
Alors que 74% des étudiants en filière scientifique déclarent ne vouloir être chercheurs ni dans le public ni dans le privé, ces derniers se justifient par la difficulté du métier et les faibles perspectives d’emploi : pour 36%, ex aequo, cela nécessite des compétences trop pointues, il est difficile de trouver un emploi en France et le parcours pour y arriver est trop difficile.
Les lycéens se prononcent davantage sur les compétences trop pointues du métier (44% contre 34% des étudiants post-bac) et sur la difficulté du parcours pour y arriver (44% contre 35% des étudiants post-bac) tandis que les étudiants post-bac, toujours plus pragmatiques, se justifient plus par la difficulté à trouver un emploi en France (38% contre 29% des lycéens) et par le fait que le métier n’est pas assez bien payé (19% contre 9% des lycéens).
CONFIANTS DANS LA PLUPART DES DOMAINES SCIENTIFIQUES, MAIS SCEPTIQUES SUR L’INDEPENDANCE DES SCIENTIFIQUES
Les innovations scientifiques et technologiques, jugées encore plus positives par les étudiants en sciences que par le grand public
De manière encore plus prononcée que le grand public*, les étudiants scientifiques estiment que les innovations scientifiques et technologiques des 20 dernières années ont eu un impact positif pour eux personnellement (92% contre 90% du grand public) et pour la société française en général (87% contre 84%). Les étudiants post-bac sont plus nombreux que les lycéens à se prononcer positivement sur l’impact pour eux, personnellement : 93% contre 86%.
Des étudiants en science qui restent sceptiques sur des sujets comme les OGM ou le nucléaire...
Les étudiants de la filière scientifique sont, sans surprise, plus confiants que le grand public sur la capacité des scientifiques à dire la vérité sur les résultats et les conséquences de leurs travaux dans un grand nombre de domaines de recherche : les énergies nouvelles (80% de confiance contre 71% pour le grand public), les neurosciences (75% contre 57%), les nanotechnologies (71% contre 54%) ou encore les cellules souches (70% contre 61%). Ils partagent toutefois avec le grand public ses craintes sur le nucléaire (seulement 46% de confiance contre 39% pour le grand public) et les OGM (37% contre 25%). De manière moins prononcée, ils sont également partagés sur la transparence des scientifiques quant au réchauffement climatique (56% de confiance contre 54% pour le grand public).
...et sur l’indépendance des scientifiques par rapport aux intérêts privés
Enfin, malgré leur intérêt pour un domaine dont une partie d’entre eux fera son futur métier, les étudiants en science sont encore plus sceptiques que le grand public sur l’indépendance des scientifiques : pour 57% d’entre eux, les scientifiques défendent souvent des intérêts privés (contre 46% du grand public). 40%, plus confiants, pensent au contraire que, quand les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux sur un même sujet, c’est souvent parce que la recherche ne permet pas de trancher (48% du grand public). En revanche, même s’ils doutent de la transparence des scientifiques, les étudiants de cette filière ne remettent pas en cause leurs capacités : pour 79% d’entre eux, contre 73% du grand public, les scientifiques ne se trompent pas plus depuis ces dix dernières années, ce phénomène ne s’est pas aggravé. Seuls 19% ont l’impression que les scientifiques se trompent de plus en plus (19% également du grand public).
* Résultats de l’enquête Science et vérité réalisé en Avril 2013 par Ipsos pour La Recherche et Le Monde
Fiche technique :
Ipsos / Steria réalisé cette enquête pour La Recherche, Le Monde et le Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du 14 au 22 avril 2014 par Internet via l’Access Panel d’Ipsos auprès d’un échantillon de 606 étudiants en filière scientifique, scolarisés au lycée, en classes préparatoires, en BTS ou DUT, en écoles d’ingénieur, en PACES (médecine, sages-femmes, pharmacie...) ou à l’Université (licence, master, thèse ou doctorat).