Fractures françaises 2025
Un contexte social marqué par une montée du pessimisme
Les Français expriment toujours de fortes inquiétudes sur les enjeux économiques et sociaux. Le pouvoir d'achat demeure leur première préoccupation, citée par 36% d'entre eux, dépassant largement les autres sujets comme la délinquance (22%), l’immigration (22%), l’environnement (18%) ou le système de santé (18%. Cet enjeu lié au coût de la vie est le seul à être véritablement transverse : il ne tombe sous la barre des 20% dans aucune catégorie de la population – hormis chez les sympathisants Renaissance (19%).
A ces difficultés économiques s’ajoute le sentiment de déclassement. Les Français se montrent pessimistes sur leur avenir au sein de la société, plus d’un tiers estimant que leur position sociale va se dégrader à l’avenir. De même, 66% des Français estiment ne pas recevoir le respect qu’ils méritent.
Dans ce contexte, le sentiment d'un déclin du pays continue à s’intensifier : 90% des Français pensent que le pays est en déclin, soit un chiffre en hausse de 3 points par rapport à l'an dernier et un niveau record depuis le lancement du dispositif en 2014. Un tiers des répondants (32%) déclarent même que ce déclin est irréversible.
Une nostalgie croissante face à un avenir incertain
Cette perception négative nourrit une forte nostalgie : 75% des Français considèrent « qu’en France, c’était mieux avant » et 71% déclarent s’inspirer de plus en plus des valeurs du passé dans leur vie. En revanche, quand ils pensent à la France dans les années à venir, seuls 36% des Français estiment que leur avenir est plein d’opportunités et de nouvelles possibilités – soit une chute de 4 points en un an et, au total, de 10 points depuis septembre 2022.
Seuls 41% des moins de 35 ans considèrent que leur avenir est plein d’opportunités et de nouvelles possibilités – un résultat qui révèle des fractures générationnelles non-négligeables. Ainsi, près de quatre Français sur dix estiment que les générations précédentes ont bénéficié de meilleures conditions d’existence que les jeunes actuels (dont 49% des moins de 35 ans contre 27% des 60 ans et plus).
L'instabilité politique conduit une nette majorité de Français à souhaiter une dissolution de l’Assemblée nationale, voire une démission du président de la République
Près de six Français sur dix se montrent préoccupés – à des degrés divers - par la crise politique actuelle. Le souhait d’une dissolution est en forte hausse cette année (43%, +12 points depuis 2024) – un souhait surtout porté par les sympathisants RN (64%) et LFI/PCF (54%). La part de Français souhaitant la démission d’Emmanuel Macron est quant à elle désormais nettement majoritaire, avec une hausse importante cette année (58%, +6 points depuis 2024). Ce souhait est majoritaire parmi les sympathisants LFI/PCF (78%), EELV (54%) et du RN (86%).
Après une année marquée par l’instabilité à l’Assemblée nationale, les Français se montrent toujours partagés sur la situation la plus adéquate, entre majorité relative ou absolue : on constate néanmoins qu’une courte majorité continue de favoriser les situations de majorité relative (53%).
La défiance envers les dirigeants politiques progresse nettement
Dans ce contexte, les Français estiment de plus en plus massivement que le personnel politique ne les représente plus :
- 87% pensent que les hommes et les femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts (+4 points depuis 2024, +16 points depuis 2022)
- 81% ont l’impression que le système démocratique fonctionne mal et que leurs idées ne sont pas représentées (+3 points depuis 2024, +13 points depuis 2022). Les sympathisants Renaissance restent les seuls à ne pas juger majoritairement que le système démocratique dysfonctionne - toutefois, ils sont désormais 42% à partager cette opinion.
- Enfin, 66% des Français estiment que la plupart des politiques sont corrompus (+3 points depuis 2024, + 6 points depuis 2022). Ce sentiment de corruption généralisée est désormais largement majoritaire auprès des sympathisants de gauche et de ceux du Rassemblement National.
Un effondrement de la confiance dans les institutions
Dans un contexte de crise politique, la confiance envers les députés et les partis politiques est à nouveau en recul : 20% des Français font confiance aux députés (-2 points depuis 2024, -16 points depuis 2022) et 20% font confiance à l’Assemblée nationale (-6 points depuis 2024). Les partis politiques continuent de susciter une méfiance générale : seuls 10% leur font confiance (-4 points depuis 2024, -8 points depuis 2022). A quelques mois des élections municipales, seuls les maires bénéficient encore d’une réelle confiance (68%) parmi les acteurs politiques.
Quant à la confiance envers la Présidence de la République, elle atteint son plus bas niveau (22%, -4 points depuis 2024, -22 points depuis 2017). Le terrain d’enquête a en partie coïncidé avec la démission de Sébastien Lecornu : la défiance envers la plupart des institutions politiques a progressé après cet épisode.
En revanche, la stabilité est de mise sur les autres institutions et organisations testées :
- Pour ce qui est des acteurs économiques, la confiance entre les PME reste très forte (82%, stable); celle envers les grandes entreprises (47%, -1 point) ou envers les banques (46%, stable) est plus limitée, mais elle est aussi stable par rapport à l’an dernier.
- Les institutions régaliennes comme l’armée (79%, -1 point) ou la police (74%, -1 point) bénéficient aussi d’une forte confiance de la population, laquelle est plus partagée envers la justice (44%, -1 point).
- L’école est une institution qui bénéficie d’une forte confiance de la part des Français : 70%, stable.
- A noter enfin la légère dégradation de la confiance dans les syndicats (36%, -3 points), à laquelle répond une légère amélioration pour les médias (34%, +2 points).
L’image des partis : déclin de Renaissance, progression du Rassemblement National
La défiance à l’égard du parti présidentiel augmente nettement dans cette vague. Seuls 21% des Français estiment que Renaissance est “proche de leurs préoccupations” (-4 points) et 30% jugent que ce parti est “capable de gouverner le pays” (-7 points, et -21 points depuis 2022). Renaissance est même perçu comme le troisième parti le plus “dangereux pour la démocratie” (40%) après le Rassemblement national (49%) et La France Insoumise (64%).
En parallèle, l'image du Rassemblement National (RN) s'améliore légèrement sur certaines dimensions importantes. Désormais, 47% des Français estiment que le RN est “capable de gouverner le pays” (+3 points depuis 2024), et les Français pensent que le RN est le parti le plus proche de leurs préoccupations (42%). Le nombre de personnes percevant le RN comme dangereux pour la démocratie continue de diminuer (49%, - 1 point depuis 2024, -12 points depuis 2020) et seuls 47% des Français estiment encore qu’il s’agit d’un parti xénophobe (-2 points depuis 2024, -11 points depuis 2020). Dans le même temps, 66 % qualifient néanmoins encore le RN de « parti d’extrême-droite ».
Rapport complet
À propos de cette enquête
Enquête Ipsos bva-CESI École d'ingénieurs pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l'Institut Montaigne, menée du 1er au 9 octobre 2025 auprès de 3 000 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthodologie complète disponible dans le rapport d'étude.