Fractures françaises : face aux crises qui frappent le pays, un besoin de protection plus fort que jamais

La 8ème vague du baromètre annuel « Fractures françaises » réalisée par Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, le CEVIPOF, La Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne met en évidence les grandes lignes de clivage qui traversent la société française.

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
  • Mathieu Gallard Directeur d'Études, Public Affairs
  • Laurène Boisson Chef de groupe, Public Affairs
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Une France pessimiste qui fait face à quatre sujets de tension majeurs

Le moral des Français reste en berne en cette année 2020 : 78% d’entre eux estiment que « la France est en déclin » (5+ points), le plus haut niveau depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Toutefois, un Français sur deux (51%) estime aussi que ce déclin « n’est pas irréversible », signe que ce pessimisme n’est pas absolu.

Cet état d’esprit sombre s’explique par les crises successives qui ont frappé la société française au cours des dernières années. Crise sanitaire, en premier lieu : 49% des Français citent « l’épidémie de Covid-19 » parmi leurs principaux sujets de préoccupation, l’inquiétude à ce sujet étant particulièrement forte chez les 70 ans et plus (61%). Déjà très forte lors des années passées et encore alimentée par les conséquences du confinement, s’y ajoute la crise économique et surtout sociale : 39% des Français se disent fortement préoccupés par « les difficultés en termes de pouvoir d’achat », 37% par « l’avenir du système social » et 23% par « la montée des inégalités sociales » - des chiffres qui pourraient encore progresser dans les semaines et les mois à venir si l’impact de l’épidémie sur l’activité économique reste fort. En nette progression depuis 2018, les préoccupations écologiques restent importantes et sont citées par 36% des Français, et plus particulièrement par les moins de 35 ans (42%), les sympathisants de gauche (48%) et les catégories moyennes/supérieures (50%). Enfin, les nombreux faits divers de ces derniers mois ont fait émerger une nouvelle préoccupation jusqu’ici relativement mineure aux yeux des Français : il s’agit de la délinquance (36%), un sujet qui inquiète tout particulièrement les 60 ans et plus (52%) ainsi que les sympathisants RN (43%) et LR (53%).

 

Une demande de protection qui va croissant

Pour faire face à ces différentes menaces, les Français demandent de la part de leurs dirigeants une meilleure protection à tous les niveaux :

  • Protection vis-à-vis du monde qui les entoure, qui se cristallise à travers la mondialisation : 60% pensent que ce phénomène est « une menace pour la France », soit le retour aux niveaux enregistrés en 2013-2014. Et plus largement, 65% estiment que « la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui », le niveau le plus élevé recueilli depuis le début de ce baromètre.
  • Protection sociale : 55% estiment que pour relancer la croissance, il est préférable de « renforcer le rôle de l’Etat » plutôt que de laisser davantage de marges de manœuvres aux entreprises, ce chiffre progressant de 7 points en un an.
  • Protection sécuritaire : 88% estiment que « l’autorité est une valeur trop souvent critiquée aujourd’hui », et 55% sont même favorables au rétablissement de la peine de mort, soit le chiffre le plus élevé mesuré depuis 2014.

Mais une défiance toujours forte envers les élites supposées protéger les Français

Pour autant, la confiance des Français dans les élites supposées leur apporter une protection reste très limitée. Ainsi, seuls 12% des personnes interrogées estiment que « les élites prennent le plus souvent des décisions qui vont dans l’intérêt de la majorité de la population », alors qu’un Français sur deux (51%) pense au contraire que « les élites prennent le plus souvent des décisions dont elles savent qu’elles ne vont pas dans l’intérêt de la majorité de la population ».

Dans le détail, si les Français accordent leur confiance aux PME (81%) ainsi qu’aux institutions publiques comme l’armée (80%), l’école (76%) ou la police (71%), ils se montrent plus méfiants vis-à-vis des grandes entreprises (47%) ou des banques (40%), des syndicats (32%) et surtout des médias (24%) et des partis politiques (11%).

Pour faire face à ce rejet des élites traditionnelles, la mise en place de processus de démocratie participative et délibérative est approuvée par une majorité assez nette (57%) des Français. Cette option est particulièrement prisée par les moins de 35 ans (66%) ainsi que par les sympathisants de gauche (68%) et LREM (65%). Mais dans le même temps, les tentations autoritaires sont très vives, 82% des Français étant d’accord avec l’opinion selon laquelle « on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre », toutes les catégories générationnelles, sociales et politiques étant largement en accord avec cette affirmation. La meilleure manière de répondre à cette demande de protection dans un cadre démocratique est donc posé sur la table comme un des principaux enjeux des prochaines années.


Fractures françaises 2020 : le rétrécissement idéologique de la droite française

A l'occasion de la sortie de la 8e vague de Fractures françaises, réalisée par Ipsos/Sopra Steria pour Le monde, la Fondation Jean-Jaurès et l'Institut Montaigne, notre expert Brice Teinturier décrypte la perception des Français face à une scène politique en déclin, dans une tribune pour Le Monde.

Découvrir la tribune de Brice Teinturier


Fiche technique : enquête Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès, l'Institut Montaigne et le CEVIPOF, menée du 1er au 3 septembre 2020 auprès de 1030 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
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  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
  • Mathieu Gallard Directeur d'Études, Public Affairs
  • Laurène Boisson Chef de groupe, Public Affairs

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