Immigration, intégration, Islam : la France inquiète et divisée
L'enquête Ipsos-Le Point-LCI présente une opinion publique française crispée sur les questions d'immigration. Craignant l'aggravation des problèmes, les Français souhaitent majoritairement plus de contrôles ; en ce sens, ils adhèrent assez massivement aux propositions du projet de loi Sarkozy. Ce sondage sera commenté par Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos, lors de l'émission "100% citoyen" diffusée ce vendredi à 18h30 sur LCI, en présence du Ministre de l'Intérieur.
L’immigration inquiète les Français. Près de la moitié d’entre eux (47%) pense que d’ici à 10 ans, les problèmes liés à l’immigration seront en France plus graves qu’aujourd’hui, contre 9% seulement qui pensent qu’ils seront moins graves et 42% qui estiment qu’ils seront ni plus ni moins graves. On observe sur cette question un clivage politique assez marqué : si 48% des sympathisants de la droite parlementaire et 82% des sympathisants de l’extrême-droite pensent que les problèmes liés à l’immigration vont empirer, une majorité (50%) des sympathisants de la gauche parlementaire ne s’inquiète pas particulièrement et estime qu’ils ne seront ni plus ni moins graves. Les Français ont par ailleurs majoritairement le sentiment que les valeurs de l’Islam ne sont pas compatibles avec les valeurs de la République française (62%), quelle que soit leur sympathie politique même si ce sentiment apparaît un peu moins prononcé à gauche (50% des sympathisants de la gauche parlementaire, 70% des sympathisants de la droite parlementaire et 95% des sympathisants de l’extrême-droite). Les Français musulmans ont pour la plupart (78%), au contraire, le sentiment que leurs valeurs sont compatibles avec celles de la République française (sondage réalisé par Ipsos pour Le Figaro du 1er au 3 avril 2003 auprès de Français musulmans âgés de 18 ans et plus).
Les Français ne sont pourtant pas hostiles à toute forme d’immigration et d’intégration d’étrangers. Ainsi, une majorité d’entre eux (61%) se déclare plutôt favorable au "droit de vote aux élections municipales pour les étrangers hors Union européenne séjournant en France depuis au moins 10 ans". Si ce chiffre s’élève à 79% chez les sympathisants de la gauche parlementaire, il est un peu plus faible chez les sympathisants de la droite parlementaire (55%). 84% des sympathisants de l’extrême-droite sont au contraire plutôt opposés à cette mesure. On observe une évolution de l’opinion sur cette question : en 2000, 50% des Français seulement étaient favorables à cette mesure (selon un sondage réalisé par Ipsos pour Le Figaro en mai 2000). Les Français se montrent par ailleurs assez partagés en ce qui concerne la construction de mosquées dans les grandes villes françaises : si 49% y sont plutôt favorables, 47% s’y déclarent opposés. On observe une fois encore des clivages politiques marqués. On note par ailleurs également une évolution sur cette question : en 2000, une majorité des Français (50%) y était opposée et 43% seulement favorables.
58% des personnes interrogées se déclarent en revanche favorables à l’interdiction du port du voile à l’école (35% y étant même « tout à fait favorables »), prenant ainsi la défense de la laïcité. Cette opinion est partagée aussi bien par les sympathisants de gauche (55%) que de droite (62%) ou d’extrême-droite (67%). Une majorité des Français (57%) se montre par ailleurs opposée à la régularisation de tous les sans-papiers. Seuls les sympathisants de la gauche parlementaire y sont majoritairement favorables (55%). Enfin, 59% des Français se déclarent favorables à la mise en place dans les années à venir de quotas d’immigration. Cette possibilité suscite un enthousiasme plus marqué chez les sympathisants de la droite parlementaire (72%) que chez les sympathisants d’extrême-droite (61%) et les sympathisants de la gauche parlementaire (50%).
Quoi qu’il en soit, les Français accueillent de façon plutôt favorable la création récente du Conseil Français du Culte Musulman. 55% d’entre eux estiment que « cela va permettre de faciliter l’intégration de l’Islam en France et de réduire les risques de montée du fanatisme islamique » (62% des sympathisants de la gauche parlementaire et 58% des sympathisants de la droite parlementaire). Un tiers (33%) juge au contraire que « cela va contribuer à renforcer le poids de l’Islam en France et à favoriser les risques de montée du fanatisme islamique » (opinion répandue chez 69% des sympathisants de l’extrême-droite).
Dans ce contexte mitigé, les Français portent un regard plutôt positif sur l’action de Nicolas Sarkozy en tant que Ministre de l’Intérieur sur les questions liées à l’immigration. 70% d’entre eux déclarent en effet lui faire confiance pour « contrôler dans les années qui viennent l’immigration clandestine », quelle que soit leur sympathie politique (un quart lui faisant même « tout à fait confiance »). Les deux-tiers des personnes interrogées (66%) lui font par ailleurs confiance pour « lutter efficacement contre le racisme et la xénophobie », sentiment de confiance un peu moins prononcé chez les sympathisants de la gauche parlementaire (50% toutefois). Enfin, 55% des sondés déclarent lui faire confiance pour « permettre l’intégration de l’Islam au sein de la République » contre 37% qui ne lui font pas confiance. Les sympathisants de la gauche parlementaire (47%) et d’extrême-droite (50%) sont plus nombreux à ne pas lui faire confiance sur ce point.
Les Français accueillent par ailleurs favorablement la quasi-totalité des propositions du projet de loi sur l’immigration présenté récemment par Nicolas Sarkozy. Une large majorité (78%) approuve « la saisie d’empreintes digitales sur les visas délivrés pour les étrangers » (92% des sympathisants d’extrême-droite). Près du quart (73%) approuve « les mesures destinées à lutter contre les mariages blancs » et 72% approuvent « le contrôle renforcé des attestations nécessaires pour disposer d’un certificat d’hébergement de moins de 3 mois ». Plus des deux tiers des personnes interrogées (68%) approuvent « l’assouplissement des conditions d’application de la double peine qui prévoit l’expulsion des étrangers condamnés en France après avoir purgé leur peine ». 56% approuvent « l’allongement de 12 à 32 jours du délai de rétention des étrangers en passe d’être reconduits à la frontière ». On observe pour l’ensemble de ces mesures que les sympathisants de la gauche parlementaire, bien que favorables, se montrent globalement plus réservés. Si 53% des Français disent approuver « l’allongement de 3 à 5 ans du délai nécessaire pour obtenir une carte de résident pour les personnes déjà en possession d’une carte de séjour temporaire », une majorité des sympathisants de la gauche parlementaire (54%) s’y montre opposée. Enfin, 47% des personnes interrogées désapprouvent « la restriction du droit au regroupement familial » contre 40% seulement qui l’approuvent. Mais là encore, on observe un clivage politique net : si 56% des sympathisants de la gauche parlementaire désapprouvent cette proposition, 50% des sympathisants de la droite parlementaire et 55% des sympathisants d’extrême-droite l’approuvent au contraire.