Innovation en crise. Quels enjeux pour les marques
Stéphane TRUCHI, directeur général d'Ipsos France introduit les débats en relevant l’évolution du rapport à l'innovation qui s'est produit ces dernières années. Jusqu'au début des années 2000, les notions de performance, de standing et de progrès social étaient dominantes, et le consommateur avait confiance dans la marque qui émettait l’innovation. Aujourd'hui les choses sont plus complexes. La majorité des consommateurs considère que l'innovation génère du superflu, d'où une certaine méfiance. In fine, l’innovation doit être utile et surprenante, tout en restant dans les codes de la marque. Elle doit enchanter le quotidien, créer la surprise, bousculer les habitudes et dépasser les attentes.
Ces Open d’Ipsos sont l’occasion pour nous qui sondons des consommateurs et des citoyens partout dans le monde de créer un moment d’échanges à partir des éléments extraits de nos études. Nous avons choisi aujourd'hui le thème de l’innovation qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps et qui permet de proposer de nouvelles solutions d’étude Ipsos.
Nous sommes dans un contexte de forte défiance des consommateurs vis-à-vis de l'Etat, des institutions et des médias. Le progrès technologique et l'hyperconsommation inquiètent, compte tenu de leurs conséquences notamment environnementales. Dans ce cadre, la consommation joue un rôle de compensation. Elle est un espace d'appropriation et de choix, tout en permettant de se doter de signes de reconnaissance sociale. La consommation est aussi vécue comme un facteur de bonheur personnel et d'un idéal de vie. La consommation est un vecteur d'espoir, de longévité, de bien-être et de plaisir.
Le consommateur est aujourd'hui extrêmement pressé, impatient, infidèle et hyperindividualiste. Il bouge, il zappe et on a du mal à le cerner. Mais il est aussi en quête de bonheur. La force de séduction et d'attractivité des marques demeure, même si la loyauté à leur égard décline. C'est par la marque que l'on arrive à attirer le consommateur, au-delà du prix. L'hyperconsommateur va chercher une consommation émotionnelle qui deviendra un voyage. Le bien-être objectif ne suffit plus. Les produits ne peuvent plus se contenter d'être fonctionnels, mais doivent réveiller le plaisir du sens et du désir. C'est par rapport à cette quête de désir et de recherche de polysensorialité, que l'on travaillera sur l'innovation.
Un rapport à l'innovation inversé
Durant les Trente Glorieuses, les notions de performance, de standing et de progrès social étaient dominantes. Le consommateur avait confiance dans celui qui émettait l'innovation. L'accès à la possession était une façon d'acquérir socialement un statut.
Depuis le milieu des années 2000, les consommateurs prennent du recul face aux sollicitations permanentes des marques : 61% d'entre eux considèrent que l'innovation génère du superflu (source Ipsos Insight, Observatoire du Shopper 2005). Ceci génère des réactions de méfiance vis-à-vis des marques mais cependant la marque reste légitime comme vecteur de l'innovation pour 72% des français (source Etude Ipsos Australie 2005).
Qu'attend alors le consommateur de l'innovation ?
Sur 50 000 concepts testés dans la base Ipsos Novaction & Vantis, on a constaté que 67 % des produits lancés avec une différenciation forte avaient été des succès, contre 55 % pour une différenciation moyenne. Le lien entre la pertinence du produit et le succès de l'innovation est également très corrélé. En effet, 87 % des produits lancés sont des succès s'il existe une forte pertinence. Celle-ci mesure la capacité d'une marque à satisfaire personnellement les besoins des consommateurs.
In fine : l'innovation doit être utile et surprenante , tout en restant dans les codes de la marque. Elle doit enchanter le quotidien, créer la surprise, bousculer les habitudes et dépasser les attentes.
Pour les entreprises, repenser le processus d'innovation
Auparavant, l'innovation était essentiellement basée sur le mimétisme. On importait les succès de l'étranger et les annonceurs se fondaient sur les mêmes sources d'inspiration. Les approches d'observation de la clientèle étaient centrées sur le contexte dans lequel le produit évoluait. Il y avait une perception globale du consommateur. Ceci aboutissait à des produits me-too qui n'ont pas déclenché de la nouveauté. Ainsi, la pertinence du produit n'était pas au rendez-vous, alors que le consommateur revendiquait sa singularité.
Mettre la créativité et le consommateur au cœur du process d'innovation Aujourd'hui, il convient de porter un regard de plus en plus « micro » sur le consommateur. Ce regard doit être de plus en plus en avance et en anticipation. Il faut aller au-delà de ses propres catégories de produits. Le regard doit être dans un rapport de co-création avec le consommateur qui est devenu davantage expert.