L'affaire Pénélope Fillon : quelles conséquences ?

Brice Teinturier a été interviewé par Paris Match dans le cadre de l'affaire Pénélope Fillon et de ses conséquences sur la campagne Présidentielle.

Propos recueillis par Paris Match

« L’affaire Pénélope Fillon nourrit profondément le parti des écoeurés, ceux qui s’éloignent de plus en plus de la politique nationale... »

Match : À qui profite l’affaire Pénélope Fillon ?

Brice Teinturier : Principalement à Marine Le Pen et à Emmanuel Macron. Mais plus généralement, à tous ceux qui se posent comme les plus critiques à l’égard du système de représentation actuel et prétendent incarner une autre façon de faire de la politique, plus en phase avec les aspirations des Français et ce qu’ils ne supportent plus. Plus des trois quarts de nos concitoyens estiment que « la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus ». C’est pourquoi cette affaire nourrit aussi profondément le parti des écoeurés, ceux qui s’éloignent de plus en plus de la politique nationale, s’abstiennent et/ou se reconvertissent dans l’action locale ou associative. 

La droite peut-elle s’en remettre ? Ou bien les électeurs auront-ils oublié cette affaire au moment de voter le 23 avril lors du premier tour de l’élection présidentielle ?

Le retentissement de cette affaire est tel qu’elle ne sera pas oubliée en quelques semaines. Elle va marquer durablement les esprits, peser dans les choix électoraux et affecter le rythme et le contenu de la campagne. C’est d’ailleurs déjà fait : depuis 10 jours, l’agenda médiatique est totalement focalisé sur « l’affaire Pénélope Fillon ». On ne parle plus des grands sujets qui inquiètent les Français, l’emploi, la menace terroriste, les inégalités, etc., ni des réformes à conduire. Or, une présidentielle, c’est le seul vrai moment où le pays écoute et opère des choix déterminants pour l’avenir. Il faudra donc bien revenir aux questions qui taraudent le pays. Enfin, pour la droite, rien n’est joué. Elle pensait la victoire assurée, ce n’est plus tout à fait le cas. Mais elle n’a pas non plus perdu et il reste un socle LR-UDI qui soutient François Fillon. Selon ce que dira la Justice, selon ce que décidera François Fillon ou ce qui lui sera imposé, la situation évoluera.

« La demande de renouvèlement touchait moins la droite mais elle est très forte »

La présidentielle ressemble à chamboule-tout dans lequel les favoris présumés tombent les uns après les autres. Les électeurs semblent vouloir imposer leur casting…

Les Français opèrent dans un système où l’offre électorale leur est imposée et se débrouillent pour se frayer, avec obstination et talent, leur chemin. Ils ne voulaient plus de François Hollande ?  Ils se sont arrangés, via les enquêtes d’opinion, pour le lui faire savoir si nettement qu’il a dû renoncer. Ils ne voulaient plus de Nicolas Sarkozy ? Ils ont sauté sur l’opportunité de la primaire pour l’éliminer. A défaut de François Hollande, Manuel Valls pouvait-il prendre la relève ? Ils ont choisi le frondeur Hamon. La logique, c’est de sortir les sortants et les anciens. Alain Juppé en a aussi fait les frais. Et de se laisser tenter par des candidats nouveaux et/ou hors partis : Emmanuel Macron, Marine Le Pen. En réalité, le pays est exaspéré et gronde. La demande de renouvèlement touchait moins la droite mais elle est très forte.

C’est la victoire des candidats hors-système qu’ils s’appellent Marine Le Pen mais aussi Emmanuel Macron ou Jean-Luc Mélenchon ?

C’est un rejet très fort des partis politiques et d’un monde politique jugé ancien et inadapté à la situation. C’est aussi une exaspération féroce face à une société bloquée et que « le haut », au lieu de débloquer, contribuerait à figer. Il y a enfin une demande colossale d’espérance. Les Français ont besoin de pouvoir à nouveau croire en l’avenir, tout simplement. Les partis et les candidats traditionnels ont du mal à répondre à cette demande.

Cet invraisemblable bazar démocratique est-il la conséquence de l’échec du quinquennat de François Hollande ?

En partie, mais en partie seulement. La crise est profonde, ancienne, et renvoie à de nombreux autres facteurs. Disons qu’un quinquennat où la gauche avait tous les pouvoirs et qui a déçu, succédant à un quinquennat où la droite avait aussi tous les pouvoirs et où elle a également déçu, cela crée un collapsus terrible pour les partis traditionnels et la société française toute entière.

Après la victoire du Brexit et celle de Donald Trump aux USA, Marine Le Pen peut-elle l’emporter en mai ?

Je continue à penser que non. Mais ce à quoi nous assistons est tellement inédit, l’opinion tellement en colère et les mécanismes de décision électorale si bouleversés qu’il va falloir suivre le film de la campagne électorale au jour le jour. Et rien que cela, c’est une révolution.

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué, Ipsos bva (@BriceTeinturier)

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