Le cas Nutritionist : ou comment transformer une intuition en succès ?
Un cas d'école
Véritable innovation de rupture, Nutritionist a été salué comme un succès par la presse professionnelle et par les consommatrices, et vient de remporter l'Oscar de Cosmétique Magazine pour le Soin Visage en GMS. Cette nouvelle gamme a acquis des parts de marché significatives en moins de quatre mois, en ouvrant un nouveau segment du marché « skin care » avec un positionnement à la charnière des hydratants et de l'anti-âge. Il s'agit aussi d'un cas d'école de la relation entre l'annonceur et son institut d'étude, différentes filiales d'Ipsos ayant été associées dès l'origine au chantier :
- Ipsos Insight avec les études quali pour la mise au point du concept, de la communication et du packaging, et avec les études quanti pour valider les choix réalisés ;
- Puis, Ipsos ASI pour pré-tester et post-tester quantitativement la communication ;
- Et Ipsos Novaction & Vantis pour les prévisions de ventes.
L'intuition de départ est née chez Garnier International du croisement entre les prévisions des études, le marketing, et la R &D. Cette intuition, très vite partagée par les équipes d'Ipsos, a reposé sur l'idée que la peau étant le dernier organe à profiter de l'alimentation, elle développe des carences que la cosmétique peut combler de manière topique.
Britt Christensen, Responsable des Etudes Internationales de Garnier, explique que la problématique était de raconter de nouvelles histoires sur les crèmes hydratantes. Pour cela, l'observation des tendances lourdes de la société, en particulier l'allongement de la durée de vie qui conduit les consommateurs à prêter une attention particulière à leur santé, a été rapprochée du constat, mis en exergue par la R &D, que la peau était le dernier organe à être servi par l'afflux de sang. C'est comme cela que tout a commencé.
De l'intuition à l'idée -> Parler à la citoyenneLe passage de cette intuition à une idée qui fasse sens dans un contexte sociologique donné, et qui puisse donc s'imposer comme une évidence collective, s'est opéré en appuyant le discours sur la nutrition de la peau, qui capitalise sur la tendance majeure de la recherche d'une alimentation plus saine pour une meilleure santé. Cette idée forte et nouvelle s'est incarnée dans la collaboration entre nutritionnistes et dermatologues pour l'élaboration du produit.
De l'idée à l'insight -> Parler à l'individuIl s'est ensuite agit de passer d'une idée universellement vraie à un insight faisant écho au vécu personnel des femmes. Ce que nous avons appris dans les groupes a permis d'exprimer les choses de façon très claire : « La peau ne mange pas assez, alors elle devient plus vulnérable ». Si les femmes ont manifesté beaucoup de résistances face à cette expression inhabituelle, on a en revanche perçu très vite l'impact de l'analogie avec la nourriture pour la cible visée. De la vérité sociologique, nous sommes passés à une vérité individuelle.
De l'insight au bénéfice -> Parler à l'utilisatricePuis, il a fallu passer de l' « insight » s'adressant à l'individu au bénéfice cosmétique promettant un avantage concret pour la peau de l'utilisatrice. Les résultats de nos études ont permis d'identifier la régénération cellulaire grâce à une meilleure alimentation de la peau comme l'élément moteur de l'argumentation. Cette régénération permettant de mieux résister au vieillissement, ce produit charnière entre deux segments (hydratants et anti-âge) pouvait ainsi parler concrètement à l'utilisatrice.
Du bénéfice à la communication -> Parler à la consommatricePour cette étape suivante du passage du bénéfice à la communication, il fallait exprimer le message par une image forte. L'idée a été de faire référence aux agressions : « mieux résister à la pollution, aux nuits blanches, à la fatigue, à ce qui peut faire vieillir ». On a ainsi mis en avant le fait que les agressions extérieures contribuaient à accélérer le vieillissement, pour s'adresser à une cible pour qui nos études montraient que les causes internes du vieillissement n'étaient pas d'une actualité criante.
Du bénéfice au packaging -> Parler à l'acheteuseEnfin, la dernière étape a consisté à passer du bénéfice au packaging en faisant vivre l'innovation dans le linéaire. Le but était de capter le regard de la consommatrice et de lui délivrer le message d'innovation en quelques fractions de seconde. Un nom de marque Nutritionist particulièrement percutant, un diagramme nutritionnel sur le facing, inédit sur ce marché des cosmétiques, des couleurs rupturistes, les codes packaging ont été conçus à la hauteur de l'innovation produit.
Conclusion : un processus d'étude qualitative itératifIl nous a paru essentiel de consolider chaque étape avant de passer à la suivante : l'exploitation optimale de l'intuition de départ était au prix de cette rigueur méthodologique. Cette itération visait à parler successivement à la citoyenne, à l'individu, à l'utilisatrice, à la consommatrice et enfin à l'acheteuse, c'est à dire à rendre au maximum audible le discours Nutritionist en le déclinant de façon pertinente sur toutes les facettes qui constituent les femmes auxquelles nous nous adressons, et que pour notre part nous écoutons tout au long de l'année.
Britt Christensen a conclu que ce processus itératif a permis de rendre les bénéfices plus tangibles. Compte tenu de la saturation du marché skin care, Garnier n'avait pas le droit à l'erreur, et donc toutes les composantes devaient être verrouillées. « Si nous étions partis sur les prémisses de départ, sans doute ce lancement aurait-il été un échec » a-t-elle ajouté pour finir.