Le gouvernement Raffarin séduit les maires "d'en bas";

Cette année, l'enquête réalisée par Ipsos pour Le Courrier des Maires portait plus spécifiquement sur la perception des projets du gouvernement Raffarin par les maires. Ces derniers, et en particuliers les élus des petites communes, font majoritairement confiance au gouvernement pour mener à bien les réformes envisagées.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Maire : une fonction de plus en plus difficile ?

Le constat est quasiment unanime : 94% des maires interrogés ont le sentiment qu'il est plus difficile d'exercer la fonction de maire aujourd'hui qu'il y a quelques années. Les élus qui en sont au moins à leur quatrième mandat sont encore plus nombreux que les autres à éprouver ce sentiment (98%).
Comme lors des précédentes vagues de l'étude (1), c'est "la complexité des réglementations et des normes" (51% de citations) qui est le plus souvent évoquée pour justifier des difficultés croissantes. Cette raison arrive d'ailleurs en tête de liste quelle que soit la taille de la commune considérée. Ensuite, un maire sur trois, plutôt dans les petites communes, s'inquiète de "la disponibilité croissante demandée (plus de réunions, de manifestations etc.)". Les maires de communes de plus de 10.000 habitants sont plus nombreux à regretter "l'attitude consumériste des citoyens par rapport aux services municipaux" (43% de citations dans cette catégorie).
Près d'un tiers des maires qui estiment qu'il est plus difficile d'exercer leur fonction aujourd'hui évoquent encore leur "responsabilité pénale", et ce en dépit de l'adoption de la loi Fauchon sur les délits non intentionnels de juillet 2000. Un sur quatre déplore aussi "le manque de moyens humains et financiers".
On relève enfin la naissance d'un sentiment d'insécurité chez les élus, un peu moins d'un maire sur dix évoquant comme source de difficulté "les agressions physiques ou verbales" dont ils sont parfois victimes. Cette raison est davantage évoquée par les maires de petites communes, peut-être plus exposés aux reproches ou critiques de leurs administrés. Dans l'ensemble, un élu sur cinq déclare aujourd'hui avoir "souvent ou parfois" peur pour sa sécurité en tant que maire. L'actualité de ces derniers mois, et plus spécifiquement la tuerie de Nanterre ou l'agression dont a été victime Bertrand Delanoë, est certainement pour partie responsable de ce sentiment d'insécurité, encore plus fort chez les maires de villes de plus de 10 000 habitants (30% de citations).

Confiance au gouvernement

Les trois-quarts des maires interrogés estiment que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a pris "un bon départ", contre un sur cinq d'avis contraire. Ces résultats traduisent un soutien plus fort chez les élus que sur l'ensemble des Français, dont 59% approuvaient les débuts du gouvernement fin septembre dernier (enquête Ipsos / France 2 / Le Point).
Plusieurs facteurs viennent éclairer ce jugement. Le premier repose sur le rapport de force politique que confirme les résultats des dernières élections municipales : il y a en France davantage de maires de droite que de maires de gauche, en particulier dans les petites communes où les maires qui se déclarent "sans étiquette" sont en réalité bien souvent plus proches de la droite. C'est d'ailleurs dans ces communes que le soutien au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est le plus fort (77%).
La deuxième explication tient à la personnalité même de Jean-Pierre Raffarin. Présenté par les médias comme un élu local, estampillé "proche de la France d'en bas", il tire de cette étiquette territoriale une légitimité particulière pour s'adresser aux maires. Ancien Président de la région Poitou-Charentes, il paraît en outre particulièrement habilité à représenter les maires des communes de France, voire à défendre "les maires d'en bas". Le fait que le Premier ministre ait fait de la décentralisation sa priorité participe encore de sa popularité chez les élus de petites communes. Aujourd'hui, la très large majorité (80%) des maires interrogés font confiance au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour "mener à bien les réformes nécessaires en ce qui concerne le statut des élus locaux".
On observe dans un troisième temps la relative bienveillance des maires de gauche à l'égard du gouvernement : 42% d'entre eux estiment qu'il "a pris un bon départ", contre 51% d'avis contraire. Si l'on est loin de l'unanimité des maires de droite (96% d'approbation), ce taux est tout de même spectaculaire pour des élus de l'opposition.

Décentralisation : entre espoir et attentes

Le chantier de la décentralisation porté par Jean-Pierre Raffarin est pour beaucoup dans ce plébiscite du gouvernement . Les maires ont le sentiment qu'on leur prête attention, qu'on représente leurs intérêts. Concernant ce projet, les trois-quarts d'entre eux déclarent faire "confiance au gouvernement pour mener à bien les réformes nécessaires". Pourtant, seul un bon tiers (37%) des élus interrogés estime que les réformes en matière de décentralisation sont "une bonne chose pour toutes les collectivités locales, quelles qu'elles soient, même si les communes sont moins concernées". La majorité (56%) pensent plutôt que la décentralisation est "avant tout une bonne chose pour les régions et les départements mais pas forcément pour les communes". Tout comme le gouvernement, les maires s'interrogent maintenant sur l'opportunité d'un référendum sur la décentralisation, promis par Jacques Chirac lors de la campagne pour l'élection présidentielle. Si la moitié d'entre eux estiment qu'un "référendum sur la décentralisation est souhaitable si l'on veut que les Français s'intéressent vraiment à ce sujet", 48% jugent qu'un "référendum sur la décentralisation n'est pas souhaitable car il risque de se traduire par une forte abstention".

Sur les autres projets de réforme testés auprès des maires, le bilan est encore positif pour le gouvernement. Une large majorité (71%) fait "confiance au gouvernement pour mener à bien les réformes nécessaires en matière d'intercommunalité". Sur les questions de fiscalité locale, 59% des maires interrogés lui font encore confiance, mais la majorité des maires de gauche et, à un degré moindre, la majorité des élus de communes ou villes de plus de 2000 habitants, restent défiants.
Si un peu plus de la moitié des maires (54%) fait confiance à l'équipe Raffarin pour "mener à bien les réformes nécessaires au maintien des services publics au niveau local", c'est dans ce secteur que le gouvernement obtient son plus mauvais résultat, avec 41% de défiants. Les maires de gauche sont très inquiets (82% d'entre eux ne font pas confiance au gouvernement dans ce domaine), une inquiétude partagée par une plus courte majorité des élus de grandes villes. Plus globalement, sur chacun des thèmes proposés, on constate que les maires "d'en bas" sont nettement plus confiants que les élus des grandes agglomérations.
Concernant enfin la sécurité, environ un maire sur six, plutôt dans les grandes villes, estime que les "mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l'insécurité ont déjà des effets" ; les deux tiers pensent qu'elles auront des effets sur l'insécurité "mais que cela prendra du temps". Au total, ce sont 83% des maires interrogés qui jugent efficaces les mesures prises, contre 16% seulement d'avis contraire.

Adélaïde Zulfikarpasic

(1)
Nov 98 - Les maires souffrent de la complexité de la réglementation
Nov 99 - La majorité des maires hésite à se représenter
Nov 00 - Municipales 2001 : les maires sortants sont confiants
Nov 01 - Les maires veulent rester à l'écart du débat présidentiel

(2) Il est à noter que cette enquête a été réalisée aux trois-quarts avant l'annonce du projet de loi sur la décentralisation. Mais ce projet avait déjà été largement ébruité et commenté dans les médias. Ses principales lignes étaient donc connues des maires au moment de cette enquête.

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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