Le viral va-t-il remplacer les approches medias traditionnelles ?

Développement spectaculaire des blogs sur Internet, généralisation de la presse gratuite... on assiste aujourd’hui à une vaste redistribution des cartes dans le domaine des medias. Avec la popularisation des échanges interpersonnels sur Internet, les individus et particulièrement les jeunes deviennent producteurs d’informations et média, eux mêmes. Ipsos Insight et Lycos se sont penchés sur ce phénomène. Thomas Tougard, Directeur Général d’Ipsos Insight et Benoît Tranzer, Directeur Général d’Ipsos ASI répondent.

Pourquoi cette étude ?

Thomas Tougard:
Développement spectaculaire des blogs sur Internet, généralisation de la presse gratuite... Nous assistons aujourd’hui à une vaste redistribution des cartes dans le domaine des medias. Les jeunes sont de plus en plus friands de nouvelles sources d’information. Avec la popularisation des échanges interpersonnels sur Internet, chaque individu devient lui-même un producteur d’informations et expose son point de vue à tous. Les capacités de diffusion confèrent à ces phénomènes une ampleur inédite. C’est précisément pour tenir compte de ces évolutions rapides que Lycos s’est penché sur les pratiques des jeunes en matière de technologie. Avec l’appui d’Ipsos Insight, une étude spécifique a été conduite sur ce thème à partir de Jeunes Attitudes, l’observatoire des 15-30 ans. La dernière vague de cette enquête en souscription annuelle a été conduite on-line en novembre 2005 auprès d’un échantillon représentatif de 2000 jeunes âgés de 15 à 30 ans, autour des questions suivantes : Quel est leur rapport aux medias et à la publicité ? Quel usage font-ils sur Internet ? Quelles sont les informations qui circulent le plus sur la toile?

Comment se distribuent les rôles auprès des jeunes entre médias traditionnels (publicité à la télévision, affichage, prospectus) et médias interactifs ?

Benoît Tranzer :
Si la découverte des produits et des marques se fait encore principalement par le biais de la publicité « traditionnelle » (publicité à la télévision, presse, affichage, radio voire prospectus) ce n’est pas pour autant que ces médias doivent agir seuls auprès des jeunes. Les médias agissent de façon complémentaire : les medias traditionnels, de grande diffusion apportent de la puissance et de la popularité aux marques et elles en ont besoin, alors que les médias interactifs comme internet, le téléphone mobile, sont créateurs d’une relation de confiance ente eux et la marque, justement parce qu’ils agissent dans la proximité, en s’invitant chez eux, dans leur quotidien, dans leur vie, voire leur intimité et dans leur relation avec leurs proches.

T.T :
Par exemple, si la publicité à la télévision reste le moyen le plus répandu pour les jeunes pour obtenir des informations sur des produits et des marques, seulement 15% d’entre eux ont confiance en elle et 19% se disent influencés par elle. Le constat établi sur la télévision est identique pour l’affichage : 51% sont informés par lui, 13% disent avoir confiance, et 11% se disent influencés. En revanche, le bouche à oreille informe seulement 48% des jeunes mais 45% ont confiance en lui et 42% se disent influencés.

La confiance aujourd’hui se construit de façon horizontale ou circulaire entre pairs issus des mêmes sphères d’influence et non plus de façon verticale, d’une marque qui impose à des individus qui reçoivent, et dont la seule sanction est l’achat. Nous sommes bien entrés avec les jeunes dans l’ère du marketing participatif. Plus le média, quel qu’il soit (télévision, affiche, street, buzz…) créera un terrain d’expression pour la cible, mieux il sera reçu et plus il jouera de son rôle d’influence. Qu’en pensez vous ?

B.T :
L’importance accordée au bouche à oreille traduit l’attachement des jeunes à la proximité. Dans un contexte où l’excès d’information a tendance à désorienter, les jeunes ont besoin en complément des sources traditionnelles de s’en remettre à des sources qu’ils considèrent plus proches.

T.T: Ainsi, avant d’acheter des produits ou services, 61% préfèrent écouter les conseils de leurs proches. Au-delà du domaine de consommation, l’étude confirme que la demande de proximité ne cesse de progresser parmi les jeunes. Ainsi, à la question de savoir quel est le type de personnalités qui les inspirent le plus pour leur look, leurs vêtements ou leurs habitudes de consommation, 49% citent « les gens que je croise dans la rue ». Un chiffre en progression de 4 points entre 2004 et 2005. Les chanteurs-chanteuses ou musiciens viennent en seconde position avec seulement 20% de citations (en baisse de 3 points par rapport à 2004) devant les acteurs-actrices (19%, en progression de 3 points). L’anonyme séduit car il nous ressemble.

Le succès des blogs est une bonne illustration de cette tendance. 19% des jeunes français ont aujourd’hui leur blog, un chiffre qui atteint 33% chez les 15-18 ans. Le blog est conçu avant tout comme un outil de communication de proximité : on consulte avant tout les blogs des amis. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ceux qui n’ont pas de blog considèrent celui-ci comme un « journal intime, une trace des événements de sa vie » contre 33% seulement pour ceux qui ont un blog. 60% des bloggeurs considèrent qu’il s’agit d’un « moyen d’échanger avec des amis, des proches » contre 36% pour ceux qui n’ont pas de blog.

Internet par sa capacité à favoriser l’interaction entre la marque et le consommateur, n’est-il pas en train d’inverser la relation à la marque ?

T.T:
Auprès de la jeune génération, la communication passe et passera de plus en plus par Internet, sous toutes ses formes. Internet est devenu une seconde nature chez les jeunes, par sa capacité à favoriser l’interaction. 42% reconnaissent être « presque toujours connectés ». Le développement de la téléphonie 3G et du wifi ne vont faire qu’amplifier le phénomène. Au débat sur le fait de savoir si Internet rapproche ou, au contraire, éloigne les gens, la réponse des 15-30 est sans ambiguïté : Internet rapproche les gens.

L’atout d’Internet par rapport aux medias traditionnels est la possibilité d’interagir. 41% pensent ainsi que, grâce à Internet, ils ont le « pouvoir d’influencer une marque (en donnant leur avis sur des produits, en suggérant des innovations sur un site…etc) ».

Une masse gigantesque d’informations circule sur Internet. Le rire et l’image sont les deux piliers de l’échange sur la toile : photos et blagues sont les éléments envoyés par le plus grand nombre de personnes. Une diffusion se mesure en dizaines de millions de contacts mensuels : ainsi, l’étude évalue à plus de 188 millions de contacts générés par mois l’envoi de blagues par Internet.

B.T: Au final, dans un contexte où de nouveaux équilibres se construisent entre médias traditionnels et médias électroniques, les 15-30 ans se trouvent séduits par des techniques de marketing viral liées à Internet. Compte tenu de l’importance du bouche à oreille, le marketing viral s’affirme en effet comme un moyen adapté à cette cible pour promouvoir une marque, un produit ou un service auprès des jeunes. En outre, le marketing viral s’inscrit parfaitement dans les valeurs de la jeune génération, adepte de la proximité et de plus en plus attachée aux sources d’information
« alternatives ».


Fiche technique :

Etude exclusive Ipsos Insight Jeunes Attitudes 2005 réalisée pour Lycos.

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