Les bas salaires, exception notoire du regain d’optimisme des salariés
Huit mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir, l’état d’esprit des salariés français continue de s’améliorer. Mais ce sont surtout les plus privilégiés qui montrent des signes tangibles d’optimisme économique pour les mois qui viennent.
Pour la première fois depuis la création du baromètre de l’Observatoire du Monde du travail, la note moyenne attribuée à la situation professionnelle par les salariés des entreprises du secteur privé est supérieure à celle donnée par leurs homologues du secteur public. Si la motivation devance désormais l’inquiétude, on le doit surtout aux revenus moyens ou supérieurs. Les bas salaires ne participent que très partiellement à ce mouvement d’optimisme. Leurs inquiétudes progressent ; ils expriment plus fréquemment des craintes pour leur emploi qu’il y a trois mois ; et plus rares sont les employés et les ouvriers qui anticipent une évolution positive de leur pouvoir d’achat dans les mois qui viennent. La concurrence " salaire-temps-emploi " continue à être au cœur de leurs interrogations. La sensibilité des salariés au thème du temps consacré au travail s’installe dans des catégories où elle était pratiquement absente il y a un an. Mais, parallèlement, face au débat sur les 35 heures, une majorité des salariés du secteur privé considère désormais " qu’il y a plus à perdre qu’à gagner ".
53% des salariés français se déclarent aujourd’hui satisfaits de leur niveau de rémunération. Parmi ceux qui expriment leur mécontentement, les plus bas salaires, sont, logiquement, majoritaires. Cette insatisfaction croît nettement dès lors que l’on interroge des catégories dont le niveau mensuel de rémunération est inférieur à 9000 Frs. Mais elle est également très fréquente dans la tranche immédiatement supérieure des 9000-15000 Frs et plus nettement encore, dans près de deux cas sur trois, parmi les employés et les ouvriers.
Au-delà de ce premier constat, l’enquête apporte de nouvelles illustrations de la diversité des attitudes et des mentalités des salariés. Interrogés sur les pratiques salariales de leur entreprise, ils décrivent un univers très fragmenté. La pratique de l’augmentation individuelle n’est plus l’exception, elle touche le secteur privé dans un cas sur trois. L’ajustement individuel des rémunérations est décrit par 70% des personnes interrogées dans le secteur privé et représente un imposante minorité dans le secteur public.
La négociation sur les augmentations est le fruit d’un rapport de forces qui continue à privilégier les hommes plus que les femmes, les salariés des petites ou moyennes structures, et surtout ceux qui sont les mieux rémunérés. Ce phénomène est probablement aussi à l’origine des évolutions contrastées de l’optimisme des salariés, observées dans le cadre du baromètre. Ce sont également les catégories supérieures qui déclarent être les mieux informés sur les mécanismes d’ajustement des salaires et sur la politique de rémunération de leur entreprise. La diversité et la fréquence du recours à des systèmes de rémunération complémentaires du salaire mensuel en sont le corollaire. Nombreux sont les salariés qui souhaitent l’intégration d’une part variable dans leur salaire mensuel, notamment les plus jeunes. Ce souhait n’est pas l’apanage des cadres. Il touche une part équivalente d’employés et d’ouvriers. Pour les deux tiers des salariés du secteur privé, la part variable est une bonne chose car " cela permet de mieux faire valoir ses mérites individuels ". Si cette attitude concerne également la moitié des salariés du public, c’est bien parce qu’il paraît de plus en plus difficile d’accepter, pour les bas ou moyens salaires, le statu quo en matière de rémunérations. De ce point de vue, les salariés français croient plus en leur propre capacité à obtenir une augmentation de leurs revenus, preuve de leurs mérites personnels, qu’à la traduction directe des résultats de leur entreprise sur leur situation financière.
SYNTHESE GRAPHIQUE
Fiche technique :
Enquête IPSOS réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la popu- lation salariée. 1286salariés du secteur privé et du secteur public ont été interrogés par téléphone à leur domicile du 6 au 21 février 1998. L’échantillon a été construit selon la méthode des quotas : sexe, âge, profession, statut d’activité, catégorie d’agglomération et région.