Les Européens toujours plus inquiets face aux risques

En 2013, le monde est devenu encore plus anxiogène pour les Européens qu’il ne l’était en 2012. La crise économique, les plans de rigueur, les menaces qui pèsent sur l’Etat Providence dans bon nombre de pays, les craintes sur le pouvoir d’achat, la précarisation des ménages ont eu en un an un nouvel impact important sur les inquiétudes ressenties. Seulement un an après la 1ère vague de l’Observatoire Ipsos/Crédit Agricole Assurances, la deuxième édition montre que le mouvement a gagné en puissance. Cette évolution spectaculaire sur une période aussi courte révèle à quel point la crise économique continue d’avoir des conséquences aussi violentes que ravageuses dans bon nombre de foyers européens. Près d’un Européen sur deux a désormais le sentiment d’être en situation de régression sociale par rapport à la génération de ses parents au même âge.

Auteur(s)
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs
Get in touch

Après 5 ans de crise économique, les inquiétudes des Européens continuent de se renforcer

Malgré (et sans doute en raison de) l’inscription dans la durée de la crise économique en Europe, les inquiétudes des Européens ne faiblissent pas. Au contraire, elles continuent d’augmenter et de se diffuser à des domaines toujours plus faiblement connectés à la situation économique objective.

Sur un total de 17 risques pouvant affecter les biens, la situation personnelle d’un individu ou de ses proches (santé, perte d’autonomie, perte d’emploi…), 16 suscitent ainsi une inquiétude majoritaire et croissante chez les Européens déjà sondés en 2012 (Français, Allemands, Espagnols, Britanniques, Italiens et Polonais). Le seul risque qui ne suscite pas une inquiétude croissante chez les Européens est la possibilité d’un divorce ou d’une séparation (42% tout de même ; stable par rapport à 2012). Aucun autre aspect de la vie n’est épargné alors même que le risque objectif de survenue de ces événements n’a le plus souvent pas augmenté depuis l’année passée: le risque de décès d’un membre du foyer par exemple suscite une inquiétude importante et croissante chez 80% des Européens sondés (+5 points par rapport à 2012). La possible survenue d’une maladie grave génère également des inquiétudes fortes et grandissantes, qu’elle touche une personne du foyer (82% ; +4) ou soi-même (81% ; +4). Ce qui augmente, ce n’est pas le risque mais bien le sentiment d’une fragilité toujours plus forte face à ces situations si elles venaient à se produire, notamment parce que les mécanismes de protection dont on pouvait bénéficier jusqu’à maintenant sont perçus comme moins efficients.

Si les inquiétudes les plus fortes demeurent liées à la vie et à la santé (maladie, accident, perte d’autonomie, invalidité…), celles qui progressent le plus par rapport à l’année passée sont les plus directement liées à la conjoncture : il s’agit de la possible perte de son emploi (62% avouent que cette perspective les préoccupe actuellement de manière importante, soit +7 points par rapport à 2012). Après plus de 5 ans de crise, le niveau de cette crainte (sachant notamment que tous ne sont pas concernés, retraités et étudiants notamment) et le fait qu’elle continue de se diffuser est un signe fort de la gravité de la crise économique (et de la crise de confiance) qui continue de sévir aujourd’hui en Europe.

D’ailleurs, si les risques médicaux restent dans le trio de tête des risques les plus anxiogènes, ils ont plutôt tendance à reculer (39% des ressortissants des pays déjà sondés en 2012 les citent parmi les trois risques qui les inquiètent le plus, soit -2 points par rapport à 2012). Les risques financiers (44%) et les risques de chômage (40%) inquiètent davantage, le caractère anxiogène de cette dernière famille de risques s’étant par ailleurs renforcé (+2 points depuis 2012). Les inquiétudes des Européens restent donc toujours plus dominées par la situation économique et l’emploi.

 

Un sentiment de vulnérabilité exacerbé

Conséquence notamment de l’enlisement de la crise et de l’augmentation des inquiétudes : les Européens se sentent de plus en plus vulnérables.

Face à chacun des 17 risques testés pouvant affecter sa situation personnelle, ses biens ou sa famille, la part d’Européens estimant n’avoir « aucune protection » progresse (pour l’ensemble des risques testés sans aucune exception). L’événement face auquel on s’estime le moins protégé (et sans doute à juste titre) demeure un divorce ou une séparation (76% ; +2 points par rapport à 2012).

Mais la majorité des Européens estime également n’avoir aucune protection sur 11 autres risques, en tête desquels la perte d’emploi, qu’il s’agisse de celui de son conjoint / concubin (66% ; +3) ou de son propre emploi (60% ; +4), alors même qu’il existe un système d’assurance chômage dans les pays sondés (certes conditionné à une durée d’affiliation minimum variable selon les pays). La plupart des sondés sont donc bien couverts face à ce risque, mais le haut niveau de personnes se déclarant « sans protection » et sa progression sont très révélateurs du sentiment de vulnérabilité accrue des Européens : face à un risque tel que le chômage, les mécanismes de protection existant ne suffisent plus à leurs yeux, notamment dans des pays comme l’Espagne où le chômage de longue durée frôle désormais la barre des 10%.

D’ailleurs, les ressortissants des pays déjà sondés en 2012 sont majoritairement convaincus qu’ils ont aujourd’hui plus de risques qu’il y a 5 ans de connaître des difficultés financières (66% ; -1 point par rapport à 2012), de risques de basculer dans la précarité (63% ; +4) ou encore de perdre leur emploi (56% ; +5). Cette impression de vulnérabilité accrue est indissociable du sentiment d’une majorité d’Européens de connaître une véritable régression sociale par rapport à leurs parents à leur âge (50%) et qui ne saurait se limiter aux effets d’une crise conjoncturelle. A travers l’Europe, c’est bien le sentiment d’une usure, d’un déclassement qui domine, à quelques exceptions (salutaires) près. Dans ce contexte où les Européens semblent davantage tenter de perdre le moins possible que de gagner, la prise de risques n’est logiquement pas en odeur de sainteté. Sous certaines conditions, elle est pourtant un moteur irremplaçable de la croissance.

 

Une aversion encore plus marquée qu’en 2012 pour le risque

Dans le contexte actuel, le risque apparaît toujours plus comme un danger aux yeux des Européens déjà sondés en 2012 : Français, Allemands, Espagnols, Britanniques, Italiens et Polonais sont désormais 62% à le considérer plutôt comme « un danger à éviter » (+6 points) que comme un stimulant (38% ; -6 points). Seule une minorité d’entre eux considère d’ailleurs aujourd’hui que le risque est valorisé dans leur pays (40% ; stable) ou dans l’Union Européenne (48% ;-1), contrairement à ce qu’ils imaginent des Etats-Unis (77% pensent que le risque y est valorisé ; -1) ou dans une moindre mesure de l’Asie (51% ; -1).

D’ailleurs, les Européens des pays déjà sondés en 2012 ont le sentiment de prendre aujourd’hui moins de risques qu’il y a un an : 68% d’entre eux déclaraient l’année dernière qu’ils avaient le sentiment de manière générale d’être quelqu’un qui prend des risques. Ils ne sont plus que 64% (-4 points). Ils restent néanmoins une majorité à déclarer prendre des risques, signe encourageant d’une certaine manière dans la mesure où la prise de risque est indispensable, mais sans doute dans le même temps révélatrice du sentiment de vulnérabilité d’une part croissante d’Européens : bien qu’estimant la prise de risque dangereuse, beaucoup ont sans doute le sentiment de prendre des risques malgré eux.

La relation au risque des Européens demeure ambivalente : si une majorité considère que pour réussir, il faut « plutôt faire attention à ne pas prendre trop de risques » (55% ; -1) plutôt que « prendre beaucoup de risques » (45% ; +1), ils jugent dans le même temps majoritairement qu’aujourd’hui, il vaut mieux enseigner à un jeune « que dans la vie, il faut savoir prendre des risques quitte à en payer le prix si on échoue » (58%). Ce sentiment est d’ailleurs de plus en plus partagé (+4 points par rapport à 2012). Désormais seuls 42% des répondants considèrent « que dans la vie, il vaut mieux faire très attention et ne pas prendre de risques s’il y a un prix à payer en cas d’échec » (-4 points).  Pour une majorité d’Européens, si la prise de risques doit être mesurée, elle est néanmoins une nécessité pour avancer. Derrière ce constat se superposent des perceptions nationales néanmoins extrêmement variées dont les évolutions fournissent des clés de lecture intéressantes de la situation économique actuelle et à venir.

Retrouvez l’ensemble des résultats, analyses et réactions d’experts sur le site dédié observatoire.ca-assurances.com

Auteur(s)
  • Amandine Lama Directrice de Clientèle, Département Politique et Opinion, Public Affairs

Société