Les Français sont très attachés à leurs agriculteurs
L'enquête Ipsos / Ministère de l'Agriculture montre les Français prêtent de multiples fonctions aux agriculteurs. Ils considèrent qu'au delà de la production de biens alimentaires, ces derniers participent à l'aménagement du territoire, au maintien ou au développement de l'emploi et à la préservation de l'environnement.
Les Français manifestent un fort attachement à l'agriculture et aux agriculteurs dont ils souhaitent pouvoir se rapprocher. Ils expriment une forte attente d'informations sur le monde agricole et ses réalités.
En très grande majorité les Français ont le sentiment "qu'une trop grande coupure s'est instaurée entre les habitants des zones urbaines et les agriculteurs " : 71% des interviewés sont tout à fait d'accord (23%) ou assez d'accord (48%) avec cette opinion, et ceci de manière homogène quel que soit le sexe, l'âge ou la catégorie socioprofessionnelle. Elle est plus particulièrement élevée chez les habitants de l'agglomération parisienne (78%).
Les Français, loin d'être indifférents à cet éloignement, sont en attente d'actions : 83% estiment en effet qu'il est urgent (35%) ou important (48%) de trouver des solutions pour réduire cette coupure entre citadins et agriculteurs. Cette opinion, à la fois dans son ensemble et dans l'intensité de l'attente qu'elle sous-tend, croît avec l'âge (74.5% des 18-24 ans contre 86% des plus de 45 ans). Elle est largement partagée par les agriculteurs eux-mêmes et leur famille (87.5%).
De fait, les Français souhaitent davantage d'informations concrètes : ainsi une large majorité de l'opinion (58%), s'accorde à dire que les médias (télévision, radio, presse) ne lui donnent pas assez d'informations sur l'agriculture et les agriculteurs. Ce sentiment est particulièrement partagé chez les jeunes (64% des 18-24 ans contre 45% des plus de 60 ans) et croît avec la taille des communes d'habitat (communes de moins de 2.000 habitants : 53% - Agglomération parisienne : 63%).
Dans la logique de l'attachement qu'ils leur manifestent, les Français expriment un niveau élevé d'attentes à l'égard des agriculteurs, qu'ils investissent d'un rôle important pour de multiples fonctions.
Les résultats du sondage montrent clairement qu'une immense majorité de l'opinion considère les agriculteurs comme des acteurs majeurs dans plusieurs fonctions conjointes, toutes situées en résonance avec des attentes de la société.La fonction productive des agriculteurs reste bien entendu l'étalon maître des représentations qu'ont les Français de l'agriculture. Même si ces dernières ne sont pas toujours concrètes et relèvent souvent de stéréotypes, il n'en demeure pas moins que la représentation immédiate de l'agriculteur par le citadin réside dans ce qu'il "a dans son assiette ".
Ainsi, pour obtenir des produits alimentaires de qualité (ce qui sous-tend la sécurité alimentaire), la quasi-totalité des sondés compte sur les agriculteurs : 95% estiment que leur rôle est important pour atteindre cet objectif, 74% le qualifiant de surcroît, de "très important ".
De même, 93% jugent majeur le rôle des agriculteurs en ce qui concerne le maintien de la production des produits traditionnels du terroir ("rôle très important" pour 67%, "rôle assez important"pour 23%), les plaçant ainsi en quelle que sorte comme les garants du goût et des traditions culinaires.
Mais la perception du rôle des agriculteurs par les Français va au-delà de leur fonction première de producteurs de matières premières alimentaires et s'étend également à des domaines sociaux et environnementaux.
Ainsi, la proportion de Français estimant important le rôle des agriculteurs est respectivement de :
- 90% pour la préservation de l'environnement, tant sur le plan de l'eau, de l'air, des sols, des espèces animales et végétales (dont 68 % "rôle très important "),
- 85% pour le maintien d'une vie rurale active (dont 51 % "rôle très important ")
- 84% pour l'entretien du paysage et l'aménager les campagnes, comme par exemple l'entretien des haies, des champs, des sentiers ou bords de rivière (dont 53% "rôle très important ").
Notons que l'importance du rôle attribué aux agriculteurs s'amplifie en intensité avec l'âge des interviewés : les 18-24 ans affichent un peu plus de recul. Ils qualifient cette importance dans la même proportion que leurs aînés, mais de manière un peu plus nuancée. Ce constat est à mettre en parallèle avec leur demande élevée pour plus d'informations.
Quant aux plus de 60 ans ils sont, en proportion, les plus nombreux à fortement valoriser ("très important") le rôle des agriculteurs pour tous les objectifs cités.
Ces nombreuses missions attribuées aux agriculteurs sont donc largement reconnues par le grand public et ceci est révélateur de fortes attentes. Il est clair que dans l'esprit de l'opinion ces missions fonctionnent qualitativement toutes ensemble. Préserver l'environnement, aménager et entretenir les ressources naturelles, maintenir l'activité du monde rural sont autant de traits qui vont de pair avec le fait de bien nourrir. Elles définissent ainsi une agriculture française idéale, génératrice d'aliments de qualité et de culture alimentaire préservée.
Pour les agriculteurs eux-mêmes, il est clair que leur statut, leur métier et leur légitimité sociale s'incarnent avant tout dans la production de biens alimentaires. Mais, tout comme la moyenne des Français, ils estiment être également investis d'un rôle important dans d'autres domaines.
Ainsi la proportion d'agriculteurs et/ou de personnes appartenant à une famille d'agriculteurs estimant important le rôle des exploitants agricoles, est-elle respectivement de :
- 92% pour la préservation de l'environnement
- 92% pour l'entretien et l'aménagement des campagnes
- 85% pour le maintien d'une vie rurale active
Mais quel regard les Français ont-ils sur la manière dont les agriculteurs assurent ces différentes missions ?
Précisons tout d'abord que toutes les questions relatives à ce thème ont été posées aux personnes interrogées relativement aux agriculteurs de leur région et non par rapport à l'agriculture française dans sa globalité.
En grande majorité les Français estiment que les agriculteurs de leur région remplissent plutôt bien l'ensemble de ces fonctions. Mais ils considèrent implicitement qu'il reste une marge de progrès et que les agriculteurs peuvent encore mieux faire.
L'opinion publique dans son ensemble reste majoritairement positive à l'égard de la manière dont les agriculteurs assurent les missions qu'elle leur attribue. Mais elle est plus modérée que précédemment dans l'expression de son avis : la proportion de réponses " fonction assez bien remplie "étant deux à trois fois plus élevée comparativement aux réponses " fonction très bien remplie ".
Ceci est particulièrement vrai pour la fourniture de produits alimentaires de qualité et le maintien des produits traditionnels du terroir, missions jugées plutôt bien assurées par 85% des interviewés au total mais avec respectivement 22% & 25% d'avis nettement positifs (" très bien remplie ") et 63% & 60% d'avis plus nuancés (" assez bien remplies ").
Notons que pour ces deux fonctions 12% des Français sont critiques, les hommes ayant tendance à être plus insatisfaits que les femmes quant à la qualité des produits alimentaires fournis par les agriculteurs. Et ce sont les jeunes de 18-24 ans (et les agriculteurs eux-mêmes) qui ont la meilleure image de l'agriculture régionale sur le plan qualitatif.
Pour les autres fonctions attribuées aux agriculteurs l'opinion publique reste toujours en majorité positive tout en laissant apparaître des fragilités, clairement révélatrices d'attentes.
Ainsi, en matière de préservation de l'environnement un Français sur trois (33%) considère que les agriculteurs remplissent mal ou très mal leur rôle. Ils sont 28% à avoir cette opinion en ce qui concerne l'entretien des paysages et l'aménagement des campagnes.
Certaines catégories sont plus critiques que d'autres : ainsi, en matière de préservation de l'environnement, 41% des hommes jugent assez mal ou très mal le rôle des exploitants agricoles contre 27% des femmes. Les personnes appartenant à des catégories socioprofessionnelles aisées et intermédiaires sont également plus critiques sur ce thème (44% et 41% respectivement).
D'une manière générale, ce sont les femmes et les plus de 60 ans qui expriment le plus d'opinions positives vis à vis des agriculteurs.
L'opinion publique, lorsqu'elle est critique, ne met pas directement en cause la volonté des agriculteurs mais implique les contraintes économiques.
Le manque de moyens financiers des agriculteurs est la principale explication avancée par les Français qui les critiquent. Ce fait est mis en avant par 42% des personnes estimant mal ou très mal remplis les objectifs assignés aux agriculteurs, qu'ils portent sur la qualité alimentaire le maintien des produits du terroir ou celui de la préservation de l'environnement.
Le manque de temps et de main d'œuvre sont également mis en avant, en particulier en ce qui concerne l'entretien du paysage et l'aménagement des campagnes (30%).
Quant au maintien d'une vie rurale active, notons que 41 % des Français critiques sur ce thème, ne savant pas apporter d'explication concrète.
Si les Français investissent les agriculteurs de multiples rôles, ils reconnaissent volontiers qu'en retour la société a des devoirs vis à vis de ces derniers.
Et l'opinion publique n'est pas avare sur ce sujet puisqu'en moyenne, pour deux personnes sur trois, il convient à la fois :
- D'aider les agriculteurs à maintenir les produits traditionnels du terroir (opinion exprimée par 70% des interviewés)
- De leur permettre de vivre correctement de leur métier : (opinion exprimée par 67% des Français et partagée par 84% des agriculteurs et membres de leurs familles)
- De valoriser la qualité de leurs produits (63%)
- De mieux les considérer et reconnaître leur travail: (62%)
Notons que ce sont les femmes (65% contre 59% des hommes), les 18-24 ans (68%), les agriculteurs eux-mêmes et leurs familles (76%) qui insistent le plus sur la nécessité de mieux considérer et reconnaître le travail des agriculteurs.
Par ailleurs les Français sont 47% à considérer que la société se doit d'aider les agriculteurs à mieux s'organiser et se regrouper face au contexte économique (avis partagé par 50% des ouvriers et retraités contre 31% des agriculteurs).
Les Français adhèrent franchement au principe d'une rémunération des "nouvelles " fonctions des agriculteurs. mais à condition d'en être tenus concrètement informés.
Dès lors qu'existe un objectif d'amélioration de la qualité de la production 83% des français trouvent qu'il est tout à fait (47%) ou assez justifié (36%) de rémunérer les agriculteurs qui engagent ou ont déjà engagé des efforts dans ce sens. Cette opinion est partagée par toutes les catégories à deux exceptions près : elle est plus élevée chez les 18-24 ans (90%) et un plus réservée chez les agriculteurs (78%).
Cette adhésion du grand public est encore plus franche lorsqu'il s'agit de rémunérer les efforts menés par les agriculteurs qui s'engagent, par des actions précises :
- A produire davantage de produits de qualité quitte à réduire leur rendement : 89% trouvent cette rémunération justifiée (dont 66% "tout à fait justifiée").
- A améliorer la qualité de l'environnement sur leur exploitation : 89% ont également cette opinion (dont 61 % "rémunération tout à fait justifiée").
- A entretenir le paysage et aménager les campagnes : 87% (dont 56% "tout à fait justifiée")
- A favoriser le maintien de l'emploi en zone rurale : 88% (dont 61% "tout à fait justifiée ")
Cet avis est également partagé par toutes les catégories de sexe, d'âge ou de profession mais est plus marqué chez les citadins des agglomérations de plus de 100.000 habitants . Seuls, les ouvriers, sont un peu plus réservés à ce principe de rémunération.
Les Français adhèrent au principe d'un contrat d'échange entre agriculteurs et société...
A l'énoncé de ses grandes caractéristiques, 90% des Français se déclarent favorables à un contrat d'échange établi entre agriculteurs et société, ceci du moins dans son principe : 33% y sont "très favorables " et 57% "plutôt favorables ".
Cet avis atteint presque l'unanimité chez les plus jeunes(96% des 18-24 ans).
Même lorsqu'ils se positionnent en tant que contribuables, les Français restent très majoritairement (77%) favorables à ce que ce contrat (du moins dans le principe qui leur a été énoncé) soit soutenu par des fonds publics : 25% se déclarent "Très favorable " et 52% "assez favorable ". Et ce sont les habitants de l'agglomération parisienne qui le sont le plus (82%).
19% ne partagent pas cette opinion, cette proportion étant de 22% chez les hommes et les retraités.
... mais sous condition d'être tenus informés
Cette acceptation dans son principe sous-entend qu'une information plus précise devra être fournie au grand public sur le contenu concret de ce contrat : 94% des Français trouvent cela important (dont 68% "très important " et 26% "assez important ".
De même, 95% estiment également important d' être tenus au courant de l'évolution de l'avancement de ces contrats, région par région. (dont 65% "très important " et 30% "assez important ").
Ces opinions se retrouvent dans toutes les catégories de la population.
Enfin, il convient d'amener aux Français des illustrations concrètes.
En amont de ce sondage, les tables rondes menées par IPSOS avec des citadins sur plusieurs villes françaises*, ont montré l'importance de présenter au grand public des exemples précis de CTE. Leur contenu permet en effet à l'opinion de se représenter concrètement les bénéfices économiques et environnementaux apportés par les actions des agriculteurs. Or l'attente d'informations concrètes exprimée au sujet de ces bénéfices, est d'autant plus grande que l'opinion publique a du mal parfois à se les imaginer avec précision. Cela ne fait qu'accentuer l'impression de coupure entre citadins et agriculteurs, coupure -répétons le - que les Français souhaitent désormais voir se réduire.
* 5 réunions de groupe menées à Paris, Limoges, Nancy, Rennes et Toulouse en mai 2000.
Au fil de la toile ...