L’opinion ne ment jamais

Mais où sont donc passés les démocrates américains ? Une popularité confirmée de Georges Bush anesthésierait toute forme d’opposition politique crédible à la Présidence américaine mais autoriserait surtout Bush à ré-enclencher l’un des plus vieux rêves des Etats-Unis : le "Manifest Destiny" : une tribune de Jean-Marc Lech, président d'Ipsos.

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
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Mais où sont donc passés les démocrates américains ? Une popularité confirmée de Georges Bush anesthésierait toute forme d’opposition politique crédible à la résidence américaine mais autoriserait surtout Bush à ré-enclencher l’un des plus vieux rêves des Etats-Unis : le « Manifest Destiny ».
Nous sommes en 1845 et, à l’occasion du rattachement du Texas aux USA, la théorie s’installe : Dieu a confié à l’Amérique la mission de développer les valeurs de liberté, de justice et de progrès et de les étendre géographiquement le plus loin possible. Il importera de savoir défendre les valeurs de toute attaque tyrannique.

C’est bien le retour à ce passé national éternel qui endort encore aujourd’hui les opposants démocrates. Avant les attaques du 11 septembre, le Président Bush est plutôt mal élu ; après les attentats, il ne gagne pas haut la main les élections du mid-term (2002) alors même que les sondages concernant la traque de Ben Laden sont très favorables.

C’est de ces sondages que les équipes du Président vont se servir pour indiquer aux Américains que les frontières de la sécurité nationale peuvent se trouver n’importe où puisque les menaces se définissent de l’intérieur des sociétés, davantage que par les frontières et les territoires.

Alors s’installerait un « soft power », un empire américain ayant la charge de protéger les valeurs qu’il considère comme universelles, voire de les imposer.

La République Impériale, pour reprendre le titre d’un livre de Raymond Aron a néanmoins besoin d’ennemis. Parce que les Etats-Unis sont une démocratie qui ne change que par crise, qui ne se refonde qu’avec la guerre, et sous l’égide de sa Présidence.

Depuis 1945, des guerres nouvelles viennent : froide, des étoiles, terrorisme … Le justicier américain s’en occupe, n’hésitant pas à contrer les opposants : c’est ainsi que dans la guerre d’Irak, les Français deviennent les « singes capitulards mangeurs de fromage ».*

Il y a pourtant plus que les Français ; l’opinion publique dite mondiale, favorable à la chasse Ben Laden s’oppose à la guerre sans ONU.Ycompris les Britanniques. Depuis, l’enlisement américain en Irak réinstalle le doute sur Bush et pas simplement à propos de la présence d’armes de destruction massive.

Les sondages américains deviennent alors médiocres pour un Président en pré-campagne de réélection. La raison du nouveau désaveu restera que l’opinion publique n’est jamais un ennemi en démocratie.

Face au « post-maccarthysme » qu’installent les médias américains entraînés par Fox News, l’Administration de W. Bush n’a qu’un seul opposant : sa propre opinion publique. Alors, les démocrates et Al Gore ont probablement tort de souhaiter la création d’un groupe de communication de gauche. Alors aussi, les Républicains doivent trouver une nouvelle approche du destin américain. On l’aura compris, l’élection présidentielle de 2004 est plus ouverte que la violence des évènements des quatre années l’avait laissé présager. Et sans attendre Hillary Clinton 2008.

* Cheese-eating surrender monkeys

Ces analyses ont été publiées dans la dernière édition d'Ipsos Ideas, la newsletter internationale du groupe Ipsos

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)

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