Luxe et Publicité
« Recréer la différence en publicité entre marques mass-premium et marques de luxe en cultivant l’émotionnel et le sensoriel ».Benoît Tranzer, Ipsos ASI.
« Le Total Art dans l'exécution publicitaire est aussi une clé de différenciation »
Laurence Nougaro-Soubrane, Ipsos ASI
Les frontières du luxe dans la publicité s'estompent
La publicité du Luxe, tout comme l'ensemble du secteur, n'en finit pas de voir ses frontières s'estomper, s'effacer. Quelque soit l'approche, par produit ou service, par cible, par média ou par circuit de distribution, il est devenu aujourd'hui impossible de définir précisément le Luxe.
La publicité accompagne largement ce mouvement avec les grandes Maisons de Luxe qui investissent plus fortement les médias de masse pour pouvoir élargir leur cible, comme peut en témoigner très récemment la campagne de lancement du nouveau Rouge à lèvres de Guerlain « KissKiss ».
La création s'est échappée des medias traditionnels (PLV & presse magazine) pour descendre dans la rue, sur les panneaux Decaux sans se galvauder. Auparavant, YSL et Dior ont tour à tour communiqué en affichage pour d'autres lancements de produits maquillage (mascara, rouge à lèvres). L'affichage n'est désormais plus le media de mass réservé aux seuls parfums des Maisons de Luxe. L'affichage présente maintenant des campagnes pour de nombreux articles des Maisons de Luxe : lunettes (Dior, D&G, Chanel), accessoires personnels (Armani, Mont Blanc, Weston), bijoux et diamants…
Les objectifs de recrutement s'accomplissent également par l'élargissement des choix medias. Notamment, dans la presse féminine, le choix des titres est parfois plus grand public, moins élitiste.
Par ailleurs, l'effacement de cette frontière du luxe est le fait d'acteurs traditionnellement hors luxe, qui empruntent les codes du Luxe pour se repositionner.
Le travail fait par le Club Méditerranée en 2005 en est l'illustration la plus flagrante. Les créations L'Oréal pour ses produits de maquillage soulignent aussi cette évolution.
Ces mouvements obligent les marques de luxe à renforcer leurs éléments de différenciation dans la communication
Deux grands axes
1/ Cultiver l'émotionnel et le sensoriel en publicité afin de se différencier des marques du mass-premium.
La publicité du Luxe reste encore très différente du reste de la publicité tant dans la nature des messages que dans la manière dont ils sont délivrés.
Pour les messages publicitaires , la première chose à rappeler concerne les bénéfices exprimés . Ceux-ci doivent être de nature émotionnelle ou sensorielle et jamais rationnelle. Ainsi, Fauchon vend de la gourmandise, Hermes de la liberté, Dior Kiss de la sensualité… mais toujours renforcés par des dimensions statuaires et élitistes.
L'autre point de différenciation fort du Luxe est sa capacité à inventer des univers intimement liés à la marque (plus qu'aux produits) et qui ensuite constituent des codes de marque très forts. Citons par exemple l'univers tribal de Dolce & Gabana, le bain d'or de Dior J'adore ou l'univers sportif de Tag Hauer. Toutes les grandes campagnes sont celles qui racontent des histoires simples, poétiques, provoquant l'envie de s'immerger dans l'univers de la marque (Hermès par exemple avec sa campagne « Au fil du fleuve »).
2/ Le Total Art dans l'exécution publicitaire est aussi une clé de différenciation.
Concernant la manière dont sont délivrés les messages publicitaires, la publicité du Luxe se distingue des autres secteurs publicisés par une différentiation dans l'exécution . Un soin, une attention toute particulière donne cette dimension artistique unique. Les photos sont des œuvres d'art.
Evidemment, la contribution de certains artistes, des photographes en particulier mais aussi l'empreinte des directeurs artistiques des grandes Maisons de Luxe favorisent cet aspect. Lorsque Jean-Baptiste Mondino présente l'Air du Temps de Nina Ricci, quand Jean-Paul Gaultier lance ses parfums Classique, le Mâle et Fragile, lorsque Heidi Slimane mène la direction artistique de la campagne du nouveau parfum masculin de Dior, on sait qu'on est dans le Luxe et pas tout simplement dans la mode.
La présence de nombreuses stars est aussi un phénomène qui accentue cette note artistique : les marques internationales cherchent des porte-paroles de notoriété mondiale et à la hauteur de leur talent
Inauguré par la saga des campagnes Chanel N°5, le mariage publicitaire des stars et des Maisons de Luxe semblent s'accentuer. Aujourd'hui, l'image de Chanel Couture passe par celle de Vanessa Paradis, de J'Adore par Charlize Théron, de Louis Vuitton par Uma Thurman, de Tag Heuer par Steve Mac Queen et Tiger Woods, de Omega par Pierce Brosnan et Nicole Kidman, de Lancôme par Inès Sastre, de Givenchy par Liv Tyler, de Versace par Demi Moore.
Mais là aussi le besoin de différenciation s'impose car les marques du mass-premium utilisent de plus en plus le langage des stars et participent au brouillage des codes
(Sarah Jessica Parker pour Gap par exemple ou Karl Lagerfeld pour H&M)
Par conséquent, les marques de luxe ont des critères de sélection de leurs égéries extrêmement précis.
Elles doivent non seulement être rassurantes avec des visages connus mais être distinctives dans le fond : elles doivent être des réincarnations vivantes des marques. Plus qu'une illustration de la marque, les stars des marques de luxe sont l'esprit de la marque et de son créateur. Demi Moore incarne le caractère sulfureux, clinquant et libre de Versace. Nicole Kidman, modèle de perfection, de passion et d'indépendance est tout l'esprit Chanel comme l'étaient auparavant Inès de la Fressange ou Carole Bouquet.
Le public, les clients ne s'y trompent pas car ils repèrent très bien l'ensemble de ces codes de communication.