LUXE : La Corée comparée à ses voisins asiatiques

L'Association des Professionnels du Luxe donnait ce matin une conférence sur la place du Luxe dans les marchés asiatiques clés et apportait une vision comparée de la Corée avec ses voisins. Un décryptage basé sur les chiffres de l'étude annuelle, World Luxury Tracking, menée par Ipsos.

Auteur(s)
  • Valérie-Anne Paglia Senior Client Officer auprès des comptes Luxe
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Géographiquement entre la Chine et le Japon, la Corée du Sud semble sous certains aspects culturels, plus proche du Japon que de la Chine. En revanche, avec des taux de croissance moyens entre 3 et 4% au cours des dernières années, elle est plus proche du dynamisme chinois que son voisin japonais qui peine à sortir de 20 ans de crise économique… Comment expliquer ce dynamisme Coréen ? Qu’en est-il de la relation des Coréens au luxe ? Peut-elle se comparer à l’un ou l’autre de ses grands voisins ?
 

LA VISION DU LUXE EN ASIE DU NORD

1 – Un luxe statutaire

Malgré la maturité de marchés comme la Corée et le Japon, ils conservent une caractéristique en général propre aux marchés émergents, à savoir que le luxe est surtout statutaire et donc associé à des objets que l’on porte (Accessoires, bijoux, montres,…) ou que l’on montre (automobile), plutôt qu’à un style de vie rêvé (yachts, jet privés,…). Hong-Kong est l’exception dans cette région et se rapproche un peu plus de la vision du luxe des consommateurs Européens ou Américains.

2 – Le luxe c’est l’Europe

Une originalité en Corée du Sud réside dans une petite prime à l’italianité qu’on ne trouve pas ailleurs. Est-elle explicable par des raisons culturelles, ou par ce qui semble bien comme étant un certain surinvestissement des marques italiennes sur ce marché par rapport aux marques françaises ?

3 – Tradition v/s Innovation 

La Corée a fondé une grande partie de son succès économique sur l’innovation, notamment en matière digitale, il est donc intéressant de mesurer cette dimension dans le rapport des Coréens au luxe.

En effet, les chiffres démontrent que les Coréens font partie des peuples les plus connectés au monde ; avec une pénétration d’internet à 91% et 67% de la population équipée de smartphones, elle est devant les autres nations d’Asie du Nord. Par ailleurs, Cyworld le premier réseau social en Corée a été lancé 6 ans avant Facebook et la Corée a été pionnière sur les messageries instantanée (Kakao Talk, Line). Pour autant, les réseaux sociaux n’influencent pas massivement les Coréens pour ce qui concerne le luxe (entre 40 et 50% d’entre eux le sont selon les tranches d’âge), alors qu’autour de 70% des Chinois se déclarent influencés par les réseaux sociaux. De la même façon les Chinois sont plus nombreux à acheter sur internet, mais à cet égard, la géographie joue forcément en faveur de l’e-commerce en Chine.

Cette plus grande ouverture des Chinois aux nouvelles technologies est confirmée par les valeurs qu’ils attachent au luxe. Ils ont en effet une vision du luxe équilibrée en innovation et tradition avec, comme toujours, un enthousiasme plus marqué pour la Chine continentale que Hong-Kong. Les Coréens et les Japonais sont nettement plus du côté de la tradition à une différence près : les Coréens sont très sensibles à la mode.

 

LE RÔLE SOCIAL DU LUXE

1 – Luxe = Succès Social

Dans ces pays, influencés par le confucianisme, le groupe est plus important que l’individu, la hiérarchie sociale est forte, et la valeur d’un individu se juge par rapport à la relation que l’on entretient avec lui. Ainsi, les valeurs de groupe et de hiérarchie sont structurantes dans ces sociétés. Ce qui explique que les quatre pays s’accordent à dire que luxe est un signe de succès social (82% en Chine, 72% en Corée du Sud, 70% à Hong-Kong et 62% au Japon qui demeure un peu en retrait).

2 – Luxe = une façon de s’affirmer par rapport au groupe

Il ne faut pas cependant imaginer que la perception et le rôle du groupe sont les mêmes dans ces pays. Pour les Chinois (Chine continentale et Hong-Kong), c’est le « mianzi », ou « la face », qui compte pour déterminer la place de l’individu au sein du groupe. Dans cette logique, acheter des produits de luxe est une façon d’acquérir du « mianzi », et donc de l’importance. En Corée du Sud, c’est le statut social qui va déterminer la place de l’individu dans la hiérarchie : sa fonction, ses biens, son revenu… Ici aussi acheter des produits de luxe permet de revendiquer son statut social, et donc d’acquérir de l’importance dans un groupe. Au Japon au contraire, la hiérarchie est déterminée en fonction de l’âge ou de l’ancienneté. Les produits de luxe n’ont donc rien à faire dans la façon de se positionner au sein du groupe. Ainsi, la majorité des Chinois continentaux et de Hong-Kong ainsi que les Coréens considèrent que le luxe est une façon de montrer son pouvoir (respectivement 81%, 69% et 69%), alors que seuls 43% des Japonais le pensent.

3 – Luxe = appartenance au groupe

La notion même de groupe social revêt des réalités différentes en Chine, en Corée, et au Japon. Pour les Chinois, le « guanxi » (groupe large et inclusif) influence l’achat des produits de luxe qui leur permet de signer leur appartenance au groupe, (80% pour les Chinois de Chine continentale et 61% pour les Hongkongais). Pour les Japonais et les Coréens, le groupe auquel on appartient est issu du processus de socialisation : son lieu d’habitation, son parcours scolaire, son emploi. Dans ces pays, l’apparence et la réussite sociale sont davantage liés à l’individu qu’au groupe et pour 26% des Japonais et 43% des Coréens seulement le luxe est une façon d’appartenir à une communauté ou un groupe.

 

LA QUÊTE DE POPULARITÉ DES CORÉENS

Si tous les pays d’Asie du Nord attachent de l’importance à la réussite sociale, il existe une véritable pression sur les Coréens, qui, comme pour les Japonais, commence à l’école et, dans cette course à la réussite, l’apparence joue un rôle important : il faut être beau pour réussir. Les canons de la beauté étant déterminés par la Hallyu (production TV, Cinéma, K-Pop, les Coréens ont de nombreuses stars nationales qui les influencent fortement).

Ainsi, pour les hommes en Corée, le luxe est « une façon de me montrer sous mon meilleur jour », cette valeur se classe 5ème sur plus de 30 proposées pour définir le luxe, alors que les Chinois et Hongkongais la classent 14ème, et les Japonais 15ème. Il n’est donc pas étonnant que les hommes Coréens soient les plus connaisseurs, en termes de marques de mode par exemple : plus de la moitié des hommes coréens connaissent au moins 21 marques de mode de luxe, contre 17 pour les Japonais, 8 pour les Hongkongais et 5 pour les Chinois.

De même, lorsque l’on s’intéresse aux produits de luxe les plus achetés pour eux-mêmes, le classement des hommes Coréens est surprenant : arrive en premier la joaillerie de luxe, en sixième le maquillage, et en dixième le parfum. La joaillerie n’arrive qu’à la 10ème place pour les Chinois, 14ème pour les Japonais, et 17ème pour Hongkongais. Pour ce qui est du maquillage, il arrive respectivement à la 19ème place, 22ème place, et 25ème place.

Mais, c’est surtout dans le domaine des cosmétiques que les hommes coréens se distinguent. Leur connaissance de ce secteur est beaucoup plus élevée que dans les trois autres pays. Ainsi, plus de la moitié des hommes Coréens connaissent au moins 11 marques de cosmétiques, contre 7 pour les Japonais, 5 pour les Chinois, et seulement 2 pour les Hongkongais.

D’une façon générale, le marché de la cosmétique pour homme se développe plus rapidement en Asie qu’en Occident. Cette région pèse pour 65% du marché de la cosmétique pour homme, évalué environ 3.3 milliards de dollars en 2013 (selon Euromonitor). Cette même année, le marché de la cosmétique masculine en Chine et à Hong Kong représentait 974.8 millions de dollars, contre 635 millions pour la Corée du Sud. Le marché coréen représente donc environ 65% du marché chinois, alors que la population sud-coréenne représente moins de 4% de celle de la Chine. 
 

En savoir plus sur le World Luxury Tracking

A propos de l'Association des Professionnels du Luxe
Association à but non lucratif créée en 2001, l’Association des Professionnels du Luxe regroupe des CEOs, Directeurs Généraux, Directeurs Marketing, Directeurs de Communication, etc. des sociétés du luxe. Elle leur offre une instance de réflexion et de discussion autour de leurs sujets communs de préoccupation. L’Association des Professionnels du Luxe est reconnue pour la qualité des programmes et projets qu'elle propose. Le « World Luxury Tracking » est l'un d'entre eux. www.luxurybusiness-asso.com 

Auteur(s)
  • Valérie-Anne Paglia Senior Client Officer auprès des comptes Luxe

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