Municipales 2026 : le maire, une figure de confiance dans une démocratie fragmentée
Le CEVIPOF et l'AMF dévoilent l'Observatoire de la démocratie de proximité, une enquête menée par Ipsos auprès de plus de 6000 électeurs français afin de dresser un état des lieux précis des perceptions et attentes des citoyens à l’approche des élections municipales de 2026. Elle interroge la relation des Français à leur maire, leur cadre de vie, leur environnement institutionnel et leur niveau d’engagement local. L’enquête réaffirme la place du local comme un espace où l’efficacité de l’action publique est attendue et les maires comme les élus préférés des Français, qui se sentent plus engagés dans leur commune qu’ailleurs. Découvrez le décryptage complet de Martial Foucault, professeur à Sciences Po (CEVIPOF).
Une commune perçue comme un espace d’ancrage durable
Plus d’un tiers des Français interrogés (38%) déclarent résider dans leur commune depuis plus de 20 ans, ce chiffre atteignant même 47% dans les communes de + de 100 000 habitants. Cet ancrage explique pour partie l’attachement de deux-tiers des Français à leur commune, un taux supérieur à celui mesuré pour les intercommunalités, départements ou régions. Les communes rurales et de taille moyenne restent les lieux de vie les plus appréciés, en particulier pour des raisons pratiques, familiales ou professionnelles. Le clivage entre métropoles et communes rurales se retrouve dans le désir de changement : les « ruraux » sont seulement 3% à aspirer à une vie dans une métropole contre 15% des « métropolitains » à désirer s’installer à la campagne. Clairement, ces résultats montrent que le choix de localisation est assumé sans pour autant renoncer à une mobilité sur le territoire dès lors que cette dernière est choisie et non subie (travail, immobilier…). En revanche, la perception d’une identité forte et vivante associée à leur commune de résidence progresse à mesure que la taille de la commune est élevée, le bonheur de vivre dans sa commune important et l’attachement à sa commune par rapport à d’autres collectivités affirmé.
Une confiance solidement ancrée dans la figure du maire
Le maire demeure toujours la figure politique bénéficiant du plus haut niveau de confiance (69 %), loin devant les autres représentants institutionnels. Depuis plus de 10 ans, cette confiance atteint un étiage proche des 70%, quelles que soient les crises subies et gérées au cours des deux derniers mandats. Cette confiance repose prioritairement sur deux critères : l’honnêteté (61 %) et la capacité à tenir ses engagements (50 %). La demande de probité, d’exemplarité et d’éthique dans la fonction est non seulement perçue comme la condition sine qua non de la confiance mais elle s’impose pour l’ensemble des maires quelle que soit la taille de la juridiction. Dans un climat de défiance politique à l’endroit des élus nationaux, la confiance vers les représentants du bloc communal joue à contre-courant. Ainsi l’enquête montre que les présidents d’intercommunalité sont également crédités de 55% de confiance. Un résultat surprenant concerne le lien de proximité et d’empathie, souvent mis en avant pour expliquer cette confiance locale mais qui reste en retrait car il n’est mentionné que par 31 % des répondants (39% pour les plus petites communes et 22% pour les métropoles). A cet égard, le contact direct avec les élus reste limité (20 % des répondants ont pris contact au moins une fois avec le maire ou son équipe municipale).
Enfin, la demande de compétences qui associerait le maire à un technicien polyvalent de l’action publique n’est recherchée que pour 34% des personnes interrogées (47% pour les électeurs du centre vs. 26% pour les sympathisants du Rassemblement national). Les citoyens apprécient donc en priorité les maires qui ont fait la démonstration de leur exemplarité, devant celles et ceux qui connaissent parfaitement leurs dossiers.
Une appréciation majoritairement positive du bilan municipal
En miroir de l’enquête publiée en avril 2025 qui concluait à l’intention des maires de se représenter dans 42 % des cas, il ressort de la présente enquête une demande majoritaire (58%) des Français pour que leur maire se représente et soit réélu. Ce chiffre, conforme à celui observé en 2019, quelques mois avant les dernières élections municipales, témoigne d’une forte prime accordée aux sortants en reconnaissance du travail accompli.
Plusieurs indicateurs plaident en ce sens. Tout d’abord, ce sont près de trois Français interrogés sur quatre (73%) qui déclarent être satisfaits de l’action de leur municipalité (75% en 2019). La stabilité de ce chiffre confirme que les citoyens attribuent plus facilement des satisfécits à leurs élus municipaux qu’à leurs représentants nationaux. Dans le même esprit, les maires de très grandes villes sont jugées plus sévèrement car ils recueillent « seulement » 60% de satisfaction de la part de leurs habitants.
Ce jugement, particulièrement favorable dans les communes de moins de 10 000 habitants, s’explique par la vision du maire bâtisseur (71% des personnes déclarent que leur maire a déjà conduit des réalisations importantes pour la commune depuis 2020) ou du maire visionnaire (71% estiment que leur maire a des projets pour l’avenir). Sur le plan budgétaire, les citoyens estiment que la gestion financière de la commune est saine (73% vs. 80% en 2019). Au-delà du bilan et de la projection vers le futur, il apparaît une forte exigence démocratique des citoyens vis-à-vis de leurs maires qui se doivent d’être présents sur le terrain (67%), efficaces dans leur action (64%), facilement accessibles (63%) et irréprochables dans l’utilisation de l’argent public (63%).
À l’heure où la défiance à l’égard des institutions nationales demeure élevée, la commune reste un espace d’ancrage, de confiance et d’attentes concrètes. Si les maires conservent un haut niveau de légitimité, c’est moins en vertu d’un lien affectif que par leur capacité à incarner une action publique perçue comme honnête, accessible et utile.
Martial Foucault
Professeur à Sciences Po (CEVIPOF)
Des attentes hiérarchisées et une exigence démocratique
L’idéal démocratique se prolonge dans les attentes exprimées par leurs électeurs en vue de leur choix de vote en 2026. Deux tendances fortes se dégagent chez les citoyens. La première porte sur une méthode d’action publique et la seconde sur les orientations de politique municipale. L’une n’étant pas nécessairement le complément de l’autre. Les éléments de méthode concernent la manière avec laquelle le maire s’investit dans ses fonctions de représentation démocratique au sens où il doit représenter le plus fidèlement les aspirations des citoyens, au-delà de ses priorités d’intervention. En effet, les personnes interrogées déclarent que le maire doit défendre les intérêts des habitants de la commune auprès des autres acteurs locaux ou de l’Etat (87%), mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu (85%), rendre public et assurer la transparence des débats avant la prise de décision (83%), créer un consensus dans la population avant de prendre une décision (74%) mais aussi être médiateur lors de conflits locaux (69%, soit 7 points de plus qu’en 2019). Derrière ces priorités se dissimulent une attente politique locale face à une scène démocratique nationale jugée trop polarisée et bloquée. Il s’agit donc moins d’un repli sur le local que l’espérance d’un apaisement des tensions politiques dans des communautés locales de vie.
Parallèlement, les mêmes personnes interrogées déclarent que leur choix pour élire leur prochain maire et son équipe municipale sera déterminé par le programme (84%), le bilan de l’équipe sortante (79%), la personnalité du maire (79%), l’étiquette politique lorsque celle-ci est connue (61%) et le renouvellement des élus et élues en place. Parmi ces cinq critères, un seul varie considérablement selon la taille de la commune et dans le temps : l’étiquette politique. En effet, seules 53% des personnes interrogées en 2019 avançaient ce motif (+ 8 points de pourcentage en 6 ans). Les communes de moins de 10 000 habitants restent, sans surprise, moins sensibles à cet argument que celles situées au-dessus de ce seuil (70% pour les communes de 10 à 30 000 habitants et 74% pour les + de 100 000 habitants). On a ici une confirmation du glissement du phénomène de polarisation partisane observée au plan national vers l’échelon local dans des communes où la politisation de l’enjeu municipal domine.
Enfin, pour le mandat à venir, les attentes des Français interrogés se concentrent sur la sécurité (43 % vs. 34 en 2019), la transition écologique (38 % vs. 47% en 2019, en forte baisse donc), le maintien des services de proximité (38 % vs. 42% en 2019), l’attractivité économique (28% vs. 39% en 2019) ou encore l’offre de transport (26% vs. 19% en 2019). La progression des enjeux de sécurité publique (+ 9 pts) concerne avant tout les communes de + 10 000 habitants qui placent en tête cet impératif alors que pour les communes de petite taille, la préservation de l’environnement (et dans une moindre mesure le maintien des services de proximité) s’impose comme le premier enjeu attendu du prochain maire.
Un engagement citoyen limité mais disponible
L’enquête interroge sur les formes d’engagement que les citoyens seraient prêts à consentir dans la vie de leur commune ou de leur quartier. Près de 14 % des personnes interrogées déclarent participer à la vie locale (-2 pts par rapport à 2019), 23 % se disent prêtes à s’engager (-3 pts), 35% aimeraient s’engager sans trouver le temps (-3 pts) et 28% ne sont pas intéressées (+8 pts). Au total, ce sont près de trois Français sur quatre qui affichent des dispositions à l’engagement local mais qui ne parviennent pas toujours à se concrétiser. Les communes de petite taille restent celles où l’engagement citoyen est préservé. Les formes privilégiées d’engagement suivent une hiérarchie décroissante allant des associations culturelles (32%), associations de solidarité (31%), collectifs pour défendre une cause (29%), associations sportives (24%) au conseil municipal de la commune (24%). Avec 31% de personnes se déclarant prêtes à s’investir dans le conseil municipal (vs. 18% et 16% respectivement dans les communes de 30 à 100 000 hab. et + de 100 000 hab.), c’est la confirmation que la vitalité démocratique municipale résiste malgré une montée de l’individualisme observé dans plusieurs champs d’action civique de la société française.
Un optimisme tempéré sur l’avenir local
La note moyenne d’optimisme sur l’avenir de sa commune est de 5,7/10, stable depuis 2019. Derrière ce chiffre, les Français se déclarant optimistes (28%) par rapport à cette perspective sont deux fois plus nombreux que ceux adoptant une vision pessimiste (13%). Les habitants des grandes villes apparaissent plus réservés (note de 5,1/10). L’une des explications pour comprendre ce résultat se cache derrière l’appréciation perçue du territoire dans lequel les citoyens vivent. En effet, si en moyenne 39 % d’entre eux ont le sentiment de vivre dans un territoire en difficulté, ce chiffre grimpe à 65% pour les plus pessimistes quant à l’avenir de leur commune et chute à 28% pour les plus optimistes.
Cet optimisme n’empêche cependant pas une forte majorité (87%) de personnes interrogées de s’inquiéter de la montée de la violence dans la société française, quelle que soit la taille de commune de résidence. En revanche, cette même perception est partagée par seulement 47% lorsque l’on précise dans la question si la violence a augmenté « là où vous habitez ». Et cette fois-ci, plus la commune est de grande taille, plus cette perception augmente (7% dans les communes de – de 1000 hab. vs. 33% pour les + de 100 000 hab.).
En bref : des maires plébiscités, mais des attentes fortes en termes de transparence et d'action
La nouvelle enquête AMF-CEVIPOF menée par Ipsos confirme une réalité que bien des responsables locaux pressentent depuis longtemps : à l’heure où la défiance à l’égard des institutions nationales demeure élevée, la commune reste un espace d’ancrage, de confiance et d’attentes concrètes. Si les maires conservent un haut niveau de légitimité, c’est moins en vertu d’un lien affectif que par leur capacité à incarner une action publique perçue comme honnête, accessible et utile.
Mais cette reconnaissance ne s’accompagne pas d’un blanc-seing : les citoyens formulent des exigences croissantes en matière de transparence, de méthode démocratique et de réponse aux enjeux locaux – sécurité, transition écologique, accès aux services. Et s’ils se montrent souvent hésitants à s’impliquer, leur potentiel d’engagement reste intact.
À l’approche des municipales de 2026, le message est clair : la démocratie locale n’est pas en crise, mais elle demande à être nourrie, respectée, écoutée. Les maires qui sauront conjuguer proximité et exemplarité, pragmatisme et vision, pourraient bien en être les grands bénéficiaires.
Rapport complet
À propos de l'AMF (Association des Maires de France)

Créée en 1907, reconnue d’utilité publique dès 1933, l’AMF oeuvre depuis pour toujours mieux préserver les intérêts des communes et de leur intercommunalité. La libre administration des communes et la décentralisation sont au coeur de la vocation de l’Association.
Appuyée sur un réseau territorial de 102 associations départementales, en métropole et en outre-mer, l’Association est d’abord forte de sa proximité avec les maires. L’adhésion quasi-totale des maires et des présidents d’intercommunalité fonde sa représentativité et la légitimité de son action auprès des pouvoirs publics. Représentant toutes les sensibilités politiques et sans lien avec aucun intérêt privé, l’AMF agit en toute indépendance.
L’Association met à la disposition de ses plus de 34 000 adhérents son expertise juridique, des outils d’aide à la décision et délivre des conseils personnalisés. Elle assure une veille législative et propose de nombreux supports d’information sur l’actualité des collectivités locales.
A propos de cette enquête
Enquête Ipsos pour le CEVIPOF et l'AMF menée du 16 au 23 juin 2025 auprès de 6 034 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthodologie complète disponible dans le rapport complet.
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