Noms de marques, quelle est la tendance?

Catherine Veillé, Ipsos Insight Marques nous livre son analyse des tendances en création de noms de marque. « On veut aujourd’hui des noms qui tombent sous le sens de l’évidence, qui soient autoportants. Créer un nom, c’est avoir au moins deux objectifs en vue : savoir intégrer ce nom intuitivement dans l’esprit des gens et lui donner pourtant un caractère singulier et différenciant ».

Auteur(s)
  • Catherine Veillé Directrice Générale, Ipsos Insight Marques
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Selon vous, y'a-t-il une tendance quand on parle de noms de marque ?

Dans les années 80, qu'on pourrait appeler les années « paillettes », on cherchait à charger la marque de bénéfices supplémentaires pour être sûr de sa séduction. Le consommateur n'est plus dupe, il ne joue plus le jeu de la séduction; il attend une promesse recentrée sur le vrai, sur l'essentiel. C'est toute la thématique du consom'acteur, qui veut rester maître et garder le contrôle sur la marque. On peut dire aujourd'hui que les marques jouent moins sur la notion d'enchantement.

Concrètement, comment ceci se traduit-il en termes de nom ?

Mon sentiment aujourd'hui est que nous ne cherchons plus la nouveauté pour la nouveauté. On veut aujourd'hui des noms qui tombent sous le sens de l'évidence. A nous de créer des mots plus simples, plus justes, plus intuitifs, plus naturels. Créer un nom, c'est avoir au moins deux objectifs en vue : savoir intégrer ce nom intuitivement dans l'esprit des gens et lui donner pourtant un caractère singulier et différenciant

Le nom de marque doit-il répondre à tous les objectifs de la communication ?

Les marques doivent re-justifier sans cesse leur compétence en délivrant du tangible et du vérifiable, c'est le rôle du nom de marque. Et la communication se charge d'apporter le supplément d'âme, la part d'émotion nécessaire pour que le nom résonne et vibre en chacun de nous.

Pouvez vous illustrer ce point avec des exemples concrets ?

Je pense à des marques « simples » qui viennent inspirer les univers de la grande consommation ou des services : l'Eau de Perrier est une façon de revenir aux origines, à l'essence même du produit. Par la juxtaposition inédite des termes Banque et Poste, La Banque Postale devient une marque métier forte et identifiable. A l'international, on revient aussi à ce registre explicite, à l'instar de la nouvelle marque du groupe France Telecom pour la cible entreprise, Business Everywhere, pour désigner une offre de mobilité, d'ubiquité.

Pour autant, les marques sont-elles condamnées au registre descriptif et signifiant ?

Absolument pas, la créativité, c'est ré-inventer. On ne cherche plus la créativité débridée ; on cherche à surprendre, d'une autre manière, par l'évidence, en magnifiant des termes qui ne l'étaient plus, en transposant d'un univers à l'autre pour créer un décalage, une surprise, l'inattendu. Finalement, la métaphore existe toujours, mais pour être acceptée, elle ne doit plus être gratuite, elle doit être en résonance avec l'ADN du produit ou de l'offre. La marque Diesel a été précurseur en la matière. Plus récemment, on peut citer Safran, reprenant le nom Sagem et véhiculant la thématique de la navigation ou Palatine ré-interprétant la marque San Paolo , en préservant ses origines latines et sa promesse haut de gamme.

Pourtant, la tendance consistant à exprimer l'origine d'une marque au travers du nom a toujours existé ?

Oui, bien sûr, il y a eu la mode des noms originés comme Quezac, Ushuaïa qui correspondaient à une période où l'on cherchait à proposer un contrat relationnel entre la marque et le consommateur fondé sur le rêve, l'exotisme, l'évasion. On inventait des mythes fondateurs aux marques, dont le nom était le premier mot de l'histoire. Aujourd'hui, on revient certes à l'authentique, non plus en la fabriquant ou en allant chercher dans des langages ancestraux, mais une authenticité qui est du ressort de la simplicité et de l'immédiatement perceptible.

En résumé, la tendance d'aujourd'hui c'est le simple, le vrai, quelles étaient les tendances d'hier ?

Il y a eu la mode des noms en « oo » comme Tatoo, le premier pager téléphonique, comme Wanadoo aussi. Il fallait créer avec le nom une relation d'apprentissage avec le consommateur, dans des univers techniques et complexes. Il fallait lui donner envie de découvrir cet univers tout en levant les inquiétudes liées à ces nouvelles technologies non maîtrisées. Les modes ludiques et enfantins sont efficaces dans ces cas là, elles rassurent et traduisent l'émerveillement de l'enfant face à la découverte de l'objet. Cela ne veut pas dire que ce langage ait disparu dans le paysage des marques. On en rencontre encore l'utilité, dans des marques qui répondent à un besoin d'instantanéité, de spontanéité, pour créer des réflexes d'usage et l'initiation à une catégorie : je pense ici à Prem's, la nouvelle offre tarifaire de la SNCF, qui reprend le langage des cours de récré.

Vous n'avez pas parlé des sigles ? Suivent-ils cette même évolution ?

Tout à fait, regardez la marque LCL. Ce qui est intéressant dans ce cas là, c'est que le sigle lui-même est porteur de sens. La marque LCL , qui n'est rien d'autre que la contraction de la marque « Le Crédit Lyonnais » revient aux fondements de la marque, à ses origines. Elle reconstruit son socle sur un édifice solide, équilibré, harmonieux, en la délestant de son passif. Ce qui fait le succès de LCL, c'est qu'il coule euphoniquement. Il n'y a pas d'émotion dans ce nom mais il contient beaucoup de sensorialité et de chair. Le sigle, dans ce cas précis, est une autre façon de signer l'origine. RBK de Reebok, en est aussi l'illustration. Contrairement à l'ancienne image du sigle froide et désincarnée comme PTT ou GDF.

Ces nouvelles tendances ont-elles des répercussions sur vos méthodes de création ?

Oui, il faut être le premier à utiliser le terme le plus évident et se l'approprier. Les annonceurs nous demandent donc toujours plus de réactivité et de justesse pour inventer leur propre langage.

Cela suppose aussi que l'on soit dans une relation de dialogue et de discours intime avec eux. D'où l'importance de ne plus être des créateurs « one shot » qui travaillons dans notre bulle.

Nous devons travailler en étroite collaboration avec l'entreprise pour en comprendre la grammaire et le juste style.

D'où la méthode que nous avons initiée cette année chez Ipsos Insight Marques : une formule partenariale d'abonnement créatif, pour embrasser l'ensemble des problématiques marques de l'entreprise.
Auteur(s)
  • Catherine Veillé Directrice Générale, Ipsos Insight Marques

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