Fin de vie : quelles sont les attentes des Français ?
Depuis la précédente vague d’enquête menée en 2022, le contexte autour de la question de la fin de vie en France a suivi des évolutions : une concertation nationale (convention citoyenne) a notamment été menée pour réfléchir à l’évolution de cadre législatif – en particulier autour de la question de l’aide active à mourir. Cette convention citoyenne a abouti à un rapport final contenant de multiples propositions, inspirant un projet de loi présenté en avril 2024 dont le vote a été reporté avec la dissolution. Un nouveau de projet de loi, scindé en deux textes par rapport au projet initial, a été présenté en mars 2025 et fait l’objet de nombreux débats. Son examen a débuté le 11 avril 2025 en commission, le 12 mai en séance publique.
Des représentations plurielles de la fin de vie
Spontanément, avant toute définition, le terme de « fin de vie » recouvre des réalités différentes selon les Français. Le moment où commence la fin de vie tend davantage à être associé à l’aggravation d’une maladie grave et incurable (30%), mais il correspond également à la perte de leur autonomie pour un quart des Français (26%) et au diagnostic d’une maladie grave et incurable pour un Français sur cinq (20%).
La période sur laquelle s’étend la fin de vie ne fait pas non plus consensus : un quart des Français estiment que la fin de vie correspond aux derniers mois de vie (26%), contre les dernières heures de vie pour un Français sur cinq (22%). Ces deux périodes, entre moyen et très court-terme, apparaissent davantage citées qu’en 2022 – quand, à l’inverse, la période de long-terme (les dernières années de vie) semble moins présente à l’esprit (15% contre 30% en 2022).
Après définition du terme de « fin de vie », les Français appelés à s’exprimer sur les soins palliatifs sont une majorité à les considérer comme une approche globale soulageant les douleurs physiques et psychologiques de la personne malade et de ses proches (59%). Cette représentation est majoritairement partagée, mais plus d’un quart des Français réduisent les soins palliatifs à la fin de vie (28%), occultant la dimension de soulagement de la douleur et de soutien de l’entourage – les soins palliatifs pouvant en effet être initiés précocement, à l’annonce d’un diagnostic de maladie grave et incurable.
Une appropriation du sujet toujours difficile
Par rapport à la précédente enquête de 2022, le sujet de la fin de vie semble toujours être difficile d’appropriation, par manque de projection (notamment chez les jeunes). Une part limitée de Français ont réfléchi à leurs préférences pour leur fin de vie (40%), les ont exprimées à un proche (43%) ou à un professionnel de santé (13%) voire un autre professionnel (4%) – ces proportions ne progressent pas par rapport à 2022. En revanche, les Français n’ayant pas encore exprimé leurs préférences se montrent plus prompts à envisager d’en parler un jour, notamment à un proche (67%; +5pts) mais aussi à un professionnel de santé (53%; +8pts).
Cette difficulté à se projeter ne favorise pas les échanges précoces avec un médecin. Une majorité relative de Français préfèreraient discuter de leur fin de vie s’ils sont atteints d’une maladie grave et difficile à soigner (39%) – dans une tendance accrue par rapport à 2022 (+7pts) – et plus d’un Français sur cinq attendrait que cette maladie soit à un stade avancé (22%). Seuls 13% souhaiteraient avoir cette discussion avant d’être réellement confrontés à la fin de vie (-5pts par rapport à 2022) et près d’un Français sur quatre ne souhaiterait pas du tout en parler avec un professionnel de santé (23%). Les personnes âgées de 65 ans et plus ainsi que les hommes sont surreprésentés dans la posture d’évitement (29% contre 23% en moyenne).
Des attentes portées sur le soulagement des souffrances et sur un cadre familier
Les priorités des Français pour leur fin de vie se dégagent assez nettement : globalement, le soulagement de la souffrance physique (57%) et le fait d’être entouré par ses proches (55%) ressortent comme les dimensions qui comptent le plus pour une majorité (elles sont d’ailleurs citées « en premier » par respectivement 28% et 21% des Français).
Le fait d’être assuré du respect de leurs volontés et de leurs droits compte aussi fortement pour 41% des Français, suivi de la prise en compte des besoins de leurs proches (32%) et de la possibilité de choisir le moment de leur décès (29%). Le maintien en vie le plus longtemps possible est en revanche très faiblement cité (8% au global).
Si le lieu du décès ne figure pas parmi les priorités exprimées par les Français, les trois quarts d’entre eux indiquent tout de même préférer mourir à domicile (75%) – sans forcément qu’un accompagnement spécifique y soit disponible (56%). Néanmoins le souhait de finir ses jours à domicile se tasse par rapport à 2022 (-7pts), tandis que l’hôpital est davantage mentionné cette année (15%, +7pts).
Outre le cadre familier pour leur décès, les Français tendent aussi à privilégier leur domicile pour déposer leurs préférences concernant leur fin de vie (40%), sinon auprès d’une personne à laquelle ils accordent leur confiance – proche (33%) ou notaire (32%). Assez peu d’entre eux se tourneraient vers le médecin ou l’hôpital (18%) ou vers un espace numérique (14%).
Sur la question du moyen de transmettre leurs préférences concernant leur fin de vie, les Français se montrent assez partagés, 46% d’entre eux souhaitant le faire par écrit (+4pts depuis 2022) et 43% oralement (-5pts). Le témoignage audio / vidéo reste globalement un souhait minoritaire (9%), bien qu’il suscite plus d’attrait chez les jeunes (13%).
Des connaissances encore lacunaires des dispositifs législatifs encadrant la fin de vie
Alors que le sujet de la fin de vie revient régulièrement sur le devant de l’actualité, le niveau d’information des Français reste partiel. Ainsi, sans progression par rapport à 2022, à peine un Français sur deux se dit bien informé sur les droits et dispositifs liés à la fin de vie en France (51%). Ce sentiment d’information est plus élevé parmi les Français âgés de 65 ans et plus (67%), à l’inverse des 25-34 ans (35%).
Ce score global – qui traduit une demande d’information pour près de la moitié des Français – n’est pas si éloigné du niveau de leur connaissance réelle : 53% sont au moins « assez bien informés » (42%), sinon « très bien informés » (11%) au regard des questions de connaissance objective sur les dispositifs (directives anticipées, sédation profonde et continue…). Bien que les Français estiment parfois connaître les termes dédiés, les questions de connaissance révèlent des inexactitudes ; c’est par exemple le cas des directives anticipées, dont le terme est connu de 41% des Français, mais dont l’objectif n’est connu que de 22% des Français. Le niveau de connaissance objective apparaît corrélé au niveau d’études, mais aussi au genre – les femmes étant ainsi surreprésentées parmi les personnes les mieux informées.
Ces résultats indiquent un manque de maitrise des dispositifs existants par les Français, dans un contexte où le cadre législatif est en cours d’évolution.
Des Français partagés vis-à-vis des lois actuelles
Comme en 2022, les Français se montrent globalement partagés vis-à-vis des lois actuelles concernant la fin de vie : 41% estiment qu’elles garantissent le respect de leurs volontés et préférences pour leur fin de vie (-5pts depuis 2022) quand 44% estiment qu’elles ne le garantissent pas (-4pts), tandis qu’une part conséquente de Français ne parviennent pas à se prononcer sur le sujet (15%, +9pts).
Si l’insatisfaction ou le désaccord vis-à-vis des lois actuelles varie peu selon le niveau de connaissance objective pour la majorité des personnes interrogées, ce désaccord est néanmoins plus marqué parmi le groupe des « très bien informés », c’est-à-dire les personnes ayant le plus haut score de bonnes réponses aux questions de connaissance objective sur les dispositifs (55% d’entre eux se disent en désaccord avec les lois actuelles, contre 41% en moyenne).
Une insatisfaction corrélée à la fois au niveau de connaissance sur le sujet de la fin de vie, mais aussi à son expérience récente : les personnes ayant été confrontées au cours des 12 derniers mois à la fin de vie d’un proche sont ainsi plus nombreuses que la moyenne à se montrer critiques envers les lois actuelles (52%), a fortiori lorsqu’elles jugent que l’accompagnement pour leur proche en fin de vie a été mauvais (69%).
Interrogés sur les raisons de leur désaccord avec les lois actuelles sur la fin de vie, les répondants concernés expriment avant tout leur sentiment d’une inadéquation du cadre légal actuel (63%), à travers l’absence d’autorisation de l’aide à mourir en France (28% des citations), ainsi que leur souhait de pouvoir choisir le moment ou la manière de mourir (16%), le développement actuel des textes de loi (13%). D’autre part, certains répondants mentionnent le manque de respect des volontés du malade (15%) ainsi que le fait de prolonger inutilement les souffrances (11%).
Au-delà de leur adhésion ou non aux lois actuelles, les personnes ayant été confrontées à la fin de vie d’un proche sont 30% à en retirer un regard critique, considérant que la prise en charge et l’accompagnement ont été mauvais. Cet avis est davantage exprimé par les ruraux (41%) et par les femmes (35%) ayant été confrontés à cet événement.
Des sources d’information encore peu mobilisées ou mal connues
La notoriété du site internet du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie « Parlons fin de vie » est encore limitée (8%) – bien qu’elle soit plus élevée auprès des répondants ayant un très bon niveau de connaissance objective des dispositifs sur la fin de vie (16%).
Seuls 62% des Français interrogés cite au moins un support d’information utilisé pour se renseigner sur les sujets liés à la fin de vie (notamment les plus âgés, 71%). Un tiers des Français déclare ne pas se renseigner (33%), tandis que 5% affirment ne pas savoir où se renseigner.
En tête des sources mobilisées, les médias ou les réseaux sociaux sont cités par 26% des répondants, devant le professionnel de santé (16%) ou les proches (16%). Les sites internet « Santé.fr » (6%) et « Parlonsfindevie.fr » (2%) sont quant à eux très peu mentionnés.
Découvrez le dossier complet sur parlons-fin-de-vie.fr
Rapport complet
À propos du Centre national Fin de Vie Soins Palliatifs
Créé le 5 janvier 2016 auprès du ministre chargé de la santé, le Centre participe à identifier, analyser la multiplicité des situations de fin de vie et à réfléchir à la manière de faire évoluer les pratiques d’accompagnement de la fin de vie.
Le décret n° 2022-87 du 28 janvier 2022, publié au journal officiel du 30 janvier 2022 proroge le Centre National Fin de Vie Soins Palliatifs pour une durée de 5 ans et élargit ainsi ses missions.
Le Centre National Fin de Vie Soins Palliatifs a donc pour missions de contribuer :
- A une meilleure connaissance des soins palliatifs et des conditions de la fin de vie. A cette fin :
- En qualité de centre de ressources, il recueille, exploite et rend publiques des ressources statistiques, épidémiologiques et documentaires ;
- En qualité d’observatoire, il produit des expertises indépendantes, et étayées par les données scientifiques ;
- A la diffusion des dispositifs relatifs aux directives anticipées et à la désignation des personnes de confiance, de la démarche palliative et des pratiques d’accompagnement. A cette fin :
- En qualité de centre de référence, il informe et communique sur ces dispositifs, démarches et pratiques en direction du grand public, des professionnels des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie et des représentants de la société civile
- b) En qualité de centre de dialogue et d’espace de débat, il contribue à l’animation du débat sociétal et éthique et à la réflexion sur l’intégration des soins palliatifs dans les parcours de santé et l’intégration de la fin de vie dans les parcours de vie.
- Le renouvellement du Centre National Fin de Vie Soins Palliatifs s’inscrit dans le cadre du 5e Plan national de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie 2021-2024, dont la feuille de route a été présentée ce jeudi 27 janvier 2022 par le ministère des Solidarités et de la Santé
À propos de cette enquête
Enquête Ipsos bva pour le Centre national Fin de Vie Soins Palliatifs, menée du 24 mars au 16 avril 2025 auprès de 1 000 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Cette enquête a été réalisée avant l'examen du projet de loi par l'ensemble des députés. Méthodologie complète disponible dans le rapport d'étude.