Présidentielle 2012 : 4 questions sur N. Sarkozy

Peut-on estimer que l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy suscite une véritable "dynamique" ? Y a-t-il aujourd'hui des indicateurs positifs en faveur de Nicolas Sarkozy ? Vers quels électeurs Nicolas Sarkozy doit-il se tourner en priorité dans les jours à venir pour continuer à gagner des points au premier et au second tour ? Quelles seraient les principaux impacts d'un croisement des courbes de Nicolas Sarkozy et de François Hollande au premier tour, si un tel croisement venait à avoir lieu dans les jours à venir ? Les réponses de Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos.

Peut-on estimer que l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy suscite une véritable "dynamique" ?

L’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy a d’abord un premier effet : donner à un Président en exercice une incarnation légèrement différente ; lui permettre d’exister un peu au-delà et différemment de ce que la seule fonction permet. Et, en conséquence, autoriser un regard sur lui qui ne soit pas uniquement une notation, un jugement, que ce soit sur sa personne ou son bilan, mais aussi une comparaison. De ce point de vue, l’exercice est réussi : le socle des sympathisants UMP et des anciens électeurs de Nicolas Sarkozy du 1er tour de l’élection de 2007 se reconstruit et se remobilise : les 17 et 18 février, nous n’avions que 64% des électeurs de Nicolas Sarkozy du 1er tour de 2007 qui déclaraient vouloir revoter pour lui en 2012. Après 8 jours de campagne, de désignation claire d’un adversaire et de dénonciation de ses propositions ou de sa personne, ils sont 82%. L’électorat de Nicolas Sarkozy est également plus sûr de son choix qu’auparavant. Cela aboutit à un gain de 2 points environ d’intentions de vote, de 25% à 27%. Quels que soient les instituts et selon le niveau de départ qui peut être légèrement différent, ce niveau de progression est observé. En revanche, c’est encore une dynamique relativement faible, un frémissement plutôt qu’un élargissement fort. Dans ces 2 points de gain, il y aussi, probablement, des effets d’offre puisque dans la même période, le retrait de la compétition de C. Boutin, H. Morin et F. Nihous est intervenu. Ils pesaient peu mais cela joue à la marge. La véritable question, c’est donc celle de savoir non pas si Nicolas Sarkozy peut aller jusqu’à 28% ou 29% - cela est naturellement possible – mais au-delà. Car c’est au-delà que les choses bougeraient véritablement.

Y a-t-il aujourd'hui des indicateurs positifs en faveur de Nicolas Sarkozy ? 

Les images sont très construites et très radicalisées. La coupure avec les ouvriers, par exemple, est encore gigantesque. Mais le Président s’est consolidé et a un peu gagné là où il est fort : les artisans commerçants, les agriculteurs, les plus âgés. En dehors de ce que j’ai indiqué sur la remobilisation de son socle, et qui n’est pas mince, il y a aussi une très légère détente de l’antisarkozysme. Mais c’est encore ténu. Le vote d’adhésion est également faible. Cela est d’ailleurs vrai aussi bien pour François Hollande que pour Nicolas Sarkozy. Les choses bougent donc un peu, mais lentement et un peu seulement.

Vers quels électeurs Nicolas Sarkozy doit-il se tourner en priorité dans les jours à venir pour continuer à gagner des points au premier et au second tour ?

Vers l’électorat de Marine Le Pen et de François Bayrou. Ce dernier est, semble-t-il, un peu plus friable. Mais pour remonter substantiellement et combler son retard, il faudrait que Nicolas Sarkozy gagne 4 points, par exemple 2 au centre droit et 2 à l’extrême droite. Pas simple mais pas totalement impossible ! Cela suppose d’améliorer son niveau et sa crédibilité dans les milieux populaires et chez les classes moyennes.

Quelles seraient les principaux impacts d'un croisement des courbes de Nicolas Sarkozy et de François Hollande au premier tour, si un tel croisement venait à avoir lieu dans les jours à venir ?

Il y aurait un impact psychologique et médiatique indéniable. C’est pourquoi les équipes de Nicolas Sarkozy font tout pour le favoriser. Le climat de la campagne changerait. L’impression d’une issue positive très improbable reculerait. Mais il faut bien comprendre que la question majeure n’est pas uniquement le croisement des courbes mais le niveau des uns et des autres : si Nicolas Sarkozy est demain à 29% et François Hollande à 28%, ce que personne n’a aujourd’hui, cela ne suffit toujours pas. La dynamique est importante mais l’arithmétique tout autant. En 1995, Lionel Jospin est en  tête du 1er tour mais battu au second. C’est également le cas de VGE en 1981 et de François Mitterrand en 1974. Inversement, en 1988, François Mitterrand est en tête au 1er tour et l’emporte au second. Pour Nicolas Sarkozy, le croisement des courbes est donc une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faut qu’il y ajoute une progression substantielle en niveau.

Propos recueillis par Hugues Bastien, pour francetvinfo

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)

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