Présidentielle 2022 | Les Français entrent en campagne

La quatrième vague de l'Enquête Electorale 2022 réalisée par Ipsos/Sopra Steria pour le Cevipof, la fondation Jean Jaurès et Le Monde, révèle une progression de l'intérêt pour la campagne électorale, tout comme du nombre d'électeurs "certains d'aller voter". Dans un climat morose plombé par l'épidémie Covid-19, le rapport de force électoral mesuré dans les intentions de vote reste plutôt stable et favorable au Président sortant. La spécificité méthodologique de l'enquête - un panel de plus de 10 000 électeurs réinterrogés d'une vague à l'autre - nous permet toutefois de mesurer beaucoup d'incertitude, et une volatilité des choix particulièrement élevée à moins de trois mois du scrutin.

Auteur(s)
  • Brice Teinturier Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
  • Federico Vacas Directeur Adjoint du département Politique et Opinion - Public Affairs
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Ipsos | Présidentielle 2022

Sept Français sur dix (70%) se déclarent aujourd'hui "intéressés par la prochaine élection Présidentielle de 2022", une proportion en hausse de trois points par rapport au mois dernier. Deux Français sur trois (66%) sont à présent "certains d'aller voter", en hausse de cinq points par rapport à la mesure de décembre. Les Français entrent en campagne, mais il s'agit toutefois plus d'un rattrapage qu'un réel engouement. On reste pour l'instant encore en deçà des niveaux mesurés en 2017, quand en janvier on était déjà à 80% d'intérêt pour la campagne (10 points de plus qu'aujourd'hui), et à 69% de certains d'aller voter (+3). Par rapport aux mesures d'octobre et de décembre, les Français se sentent néanmoins davantage concernés.

Le profil des Français certains d'aller voter


L'épidémie Covid-19 s'invite dans la campagne

C'était beaucoup moins le cas à l'automne, mais depuis l'arrivée du variant Omicron, le Covid-19 pèse à nouveau plus lourd dans l'esprit des Français. Derrière le pouvoir d'achat (44% de citations), l'épidémie est devenue le deuxième sujet de préoccupation, avec plus d'un Français sur trois (35%) qui la classe dans les trois enjeux principaux du moment (pour seulement 19% en octobre dernier). En parallèle, la préoccupation plus large quant au "système de santé" progresse elle aussi régulièrement : 20% de citations en octobre, 24% en décembre, et 29% aujourd'hui.

Dans le cadre de la campagne électorale, cette montée des enjeux sanitaires n'est pas anodine, d'autant qu'elle s'articule avec une baisse significative de l'approbation de l'action gouvernementale en la matière. La proportion de personnes "satisfaites de la manière dont le gouvernement a géré le dossier de la Covid-19" a chuté à 42% (-7 points par rapport à décembre), pour 58% qui ne sont "pas satisfaites" (+7). Près d'une personne sur trois juge à présent que les mesures prises par le Président et son gouvernement pour protéger la santé des Français sont "exagérées" (31%), 27% les considèrent au contraire "insuffisantes", pour 40% "ni l'un ni l'autre".

Pour autant, il n'est pas évident que les autres candidats puissent capitaliser sur la défiance qui progresse à l'égard de la politique sanitaire de la majorité. Selon une large majorité des répondants, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Yannick Jadot, ni Anne Hidalgo, ni Christiane Taubira, ni Valérie Pécresse, ni Marine Le Pen, ni Eric Zemmour "ne gèrerait mieux la crise sanitaire s'il était Président de la République". Pour près d'un Français sur deux (entre 42% et 50% des interviewés selon le candidat testé), il ou elle ferait même "moins bien". Seule Valérie Pécresse bénéficie de jugements un peu plus favorables, 14% de l'échantillon estimant qu'elle ferait "mieux", 23% qu'elle ferait "moins bien", et 63% qu'elle ne gèrerait "ni mieux ni moins bien".

L'environnement, avant l'immigration

Juste après le pouvoir d'achat, le Covid et le système de santé, la problématique "environnement" reste bien présente dans la hiérarchie des préoccupations, 28% des interviewés en faisant une priorité. C'est en revanche un peu moins le cas pour la question de "l'immigration", sur le podium des vagues précédentes, qui est aujourd'hui reléguée en cinquième position (25% de citations, -6 points par rapport à décembre). Le sujet "délinquance" est lui aussi en baisse, cité parmi les trois sujets préoccupants du moment par 23% des Français (pour 25% en décembre, 27% en octobre). En fin de liste, la question du "chômage" n'est plus citée dans le top 3 que par 8% de l'échantillon, pour encore 15% en décembre.

Au-delà des résultats d'ensemble, la hiérarchie des préoccupations reste bien sûr très variable selon les électorats. Le sujet "pouvoir d'achat" est la préoccupation n°1 de ceux qui ont l'intention de voter au premier tour de la Présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon (48% de citations), Anne Hidalgo (43%) et Valérie Pécresse (44%), mais il est devancé par "l'environnement" dans l'électorat de Yannick Jadot (73% de citations) et de Christiane Taubira (51%). Les électeurs d'Emmanuel Macron placent en tête de leurs préoccupations "l'épidémie de Covid-19" (42%), tandis que c'est "l'immigration" qui inquiète en premier lieu 53% des électeurs de Marine Le Pen et 69% des électeurs d'Eric Zemmour.

Un rapport de force électoral plutôt stable

La campagne intéresse davantage les Français, la hiérarchie des préoccupations se modifie quelque peu, sans que cela ne bouleverse les rapports de force électoraux. A 25% d'intentions de vote, Emmanuel Macron continue de faire la course en tête. Solide sur son socle, il conserve les deux tiers des électeurs qui ont voté pour lui en 2017, et convainc également une part non négligeable - 29% - de ceux qui avaient alors choisi François Fillon. L'écart avec ses poursuivants est à présent de presque 10 points, Valérie Pécresse et Marine Le Pen étant chacune à 15,5% d'intentions de vote.

Le niveau de Valérie Pécresse se tasse un peu par rapport à la mesure de décembre (17%, mesurés juste après sa victoire à la primaire LR). Pour l'instant, à peine la moitié (48%) des électeurs de François Fillon de 2017 ont l'intention de voter pour elle. Surtout, elle peine à convaincre les jeunes (8% d'intentions de vote chez les 18-24 ans, 9% chez les 25-34 ans) et même au-delà, l'ensemble des moins de 50 ans (10% chez les 35-49 ans).

Au coude à coude avec Valérie Pécresse, Marine Le Pen progresse d'un point par rapport à la mesure de décembre. Son socle électoral se consolide, avec à présent 58% de ses électeurs de 2017 (+ 3 points) qui ont l'intention de revoter pour elle cette année. A 34% d'intentions de vote chez les ouvriers, 22% chez les employés, elle creuse l'écart au sein des classes populaires, notamment par rapport à Eric Zemmour. Ce dernier, qui était à égalité avec Marine Le Pen en décembre (14% d'intentions de vote chacun), perd du terrain (13% d'intentions de vote sur cette vague).

A gauche, l'arrivée de Christiane Taubira dans la campagne ne permet pas d'élargir le socle électoral, en mobilisant par exemple des électeurs qui se seraient éloignés du scrutin. Au contraire, sa candidature semble plutôt ajouter de la division. Sans compter Philippe Poutou (1,5%) et Nathalie Arthaud (0,5%), la gauche totalise 26% d'intentions de vote avec Christiane Taubira, et 25,5% sans elle. Aucun candidat de gauche n'atteint aujourd'hui les 10% d'intentions de vote : Jean-Luc Mélenchon est à 8%, Yannick Jadot à 7%, Christiane Taubira est à 5%, Anne Hidalgo à 3,5% et Fabien Roussel à 2,5%.

De l'incertitude et une volatilité des choix très élevées

Ce rapport de force électoral relativement stable ne doit toutefois pas masquer une forte incertitude et une volatilité des choix qui restent très élevée à trois mois du scrutin.

De l'incertitude déjà quand on observe qu'à peine 55% des électeurs, certains d'aller voter, déclarent que leur choix est définitif, pour 45% qui se réservent la possibilité de changer d'avis. La sûreté du choix est particulièrement faible à gauche, avec près des trois quarts (73%) des électeurs potentiels de Christiane Taubira, 70% de ceux d'Anne Hidalgo, les deux tiers (64%) de ceux de Yannick Jadot ou même près de la moitié (46%) de ceux de Jean-Luc Mélenchon qui nous disent que leur choix peut encore changer. C'est également assez fragile pour Valérie Pécresse, dont 53% des électeurs déclarent pouvoir encore changer d'avis, pour 47% de "choix définitif". Comparativement, les socles électoraux de Marine Le Pen (72% de "choix définitif" pour 28% qui peuvent changer d'avis), d'Emmanuel Macron (68% / 32%) et d'Eric Zemmour (63% / 37%) paraissent plus solides.

La spécificité méthodologique de l'Enquête Electorale 2022, qui consiste à ré-interroger d'une vague à l'autre un même panel de plus de 10 000 électeurs, nous permet également d'identifier les changements d'intentions de vote. Le comparatif dévoile une volatilité électorale encore très élevée. En un mois entre décembre et janvier, plus d'un électeur sur quatre (28%) a changé d'avis, que ce soit sur la participation ou le choix électoral. On constate en particulier des chassés-croisés qui se neutralisent, entre Marine Le Pen et Eric Zemmour, entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, et entre tous les candidats de gauche. A ce stade, on est encore loin d'une cristallisation du vote.

Des intentions de vote au second tour favorables à Emmanuel Macron

L'incertitude quant au rapport de force premier tour concerne aussi le second tour. Lorsqu'on demande aux électeurs ce que serait leur choix par rapport à un duel Emmanuel Macron / Valérie Pécresse, le tiers (32%) des personnes certaines d'aller voter au premier tour préfère ne pas exprimer d'intentions de vote. Dans l'hypothèse d'un second tour Emmanuel Macron / Marine Le Pen, le taux de non-exprimés est un peu moins élevé, mais représente tout de même 20% des électeurs premier tour. Cela peut se comprendre, de nombreux électeurs ont du mal à se projeter sur un second tour où leur champion ne serait pas qualifié. Toujours est-il que ce nombre élevé de personnes qui à ce stade ne souhaitent pas se positionner incite à la prudence quant à l'interprétation des résultats.

Ces réserves posées, Emmanuel Macron semble tout de même bénéficier d'une petite marge dans l'hypothèse où il serait confronté au second tour à Marine Le Pen, avec un rapport de force mesuré à 57% / 43% en sa faveur. La matrice des reports de voix révèle une proportion de près de 60% d'électeurs d'Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Christiane Taubira qui se reporteraient au second tour sur le Président sortant, tout comme 45% des électeurs de Valérie Pécresse et 24% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Pour atteindre 43% d'intentions de vote, la Présidente du RN bénéficie quant à elle du renfort de 80% des électeurs premier tour d'Eric Zemmour, de 30% des électeurs ayant choisi Valérie Pécresse, et 22% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon.

L'écart est plus serré dans l'hypothèse d'une qualification de Valérie Pécresse, à 46% d'intentions de vote pour 54% en faveur d'Emmanuel Macron. Dans cette mesure, l'écart s'explique par les réserves à gauche dont dispose le Président sortant - il bénéficie du report de voix d'environ 45% de l'électorat Jadot / Hidalgo / Taubira, alors qu'avec la moitié de l'électorat d'Eric Zemmour et de Marine Le Pen qui n'exprime pas d'intentions de vote 2nd tour, Valérie Pécresse a moins de réserves à droite qu'escompté.

RAPPORT COMPLET


Fiche technique : enquête Ipsos-Sopra Steria menée pour le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde auprès de 12 542 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogées en ligne du 14 au 17 janvier 2022.
Ipsos-Sopra Steria

 

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