Quand poésie rime avec Ipsos...
L’art de créer des marques ‘qui chantent les transports de l'esprit et des sens’ (Baudelaire, Les Fleurs du Mal Correspondances)... C'est ce qu'Ipsos propose à ses clients via son département Ipsos Insight Marques. Catherine Veillé, la Directrice Générale, nous explique comment fonctionnent cette activité "naming" et l’orientation quali-créative “made in Ipsos”.
“Il faut savoir inventer un story telling fort et s’assurer de la résonance du nom créé avec son public cible”
Un groupe d’études qui propose une expertise en création de nom de marque, c’est plutôt inattendu.
Catherine Veillé : Détrompez-vous ! Le naming est historiquement et légitimement lié aux études. J’ai démarré cette activité en 1982 chez Insight, institut d’études qualitatives. Puis, je l’ai poursuivi chez Ipsos à partir de 1993, suite au rachat d’Insight. J’ai toujours adossé la création de noms de marque aux études qualitatives. Pour concevoir un nom corporate porteur du projet d’avenir de l’entreprise, élaborer le nom d’un produit que les consommateurs adoptent aussitôt… Il faut savoir inventer un story telling fort et s’assurer de la résonance du nom créé avec son public cible.
Cette orientation quali-créative fait la patte de l’activité naming « made in Ipsos » et son existence n’est pas surréaliste !
Vos missions concernent-elles tous types de marques ?
CV : Du fait de notre appartenance à un grand groupe d’études, notre légitimité est reconnue dans l’univers corporate et BtoB. Nous avons de belles références de création, comme Fortuneo, BPCE, Audika, Houra, Citadium, Loxam, So Ouest… Ce qui ne nous empêche pas d’accompagner avec agilité nos clients en quête de marques produit ou service : Eurostar, B’twin, Cœur de Lion, Isio 4, Big Tasty…
Quelle est votre définition du naming ?
CV : Le naming, c’est concevoir un nom de marque qui raconte une histoire singulière et que la cible s’approprie facilement. Ce nom définit l’identité de la future marque, affirme son positionnement, porte ses valeurs. Mais il ne faut pas vouloir tout lui faire dire. Il ne décrit pas l’activité de l’entreprise ou le produit. Il doit apporter une valeur ajoutée en nourrissant un imaginaire, et présenter l’offre sous un angle nouveau, inattendu. Nous sommes à la croisée de plusieurs disciplines : sémantique, sémiologie, marketing, communication, droit, et surtout, poésie.
Quelles sont les grandes étapes de la création d’un nom de marque ?
CV : Nous définissons d’abord avec le client la plateforme de marque, c’est-à-dire les axes de création exprimant les valeurs, la vision, l’identité de ce qui doit être désigné, et surtout le look & feel émotionnel du futur nom pour en ébaucher les contours. Bien entendu, nous prenons en compte les enjeux de positionnement dans l’univers concurrentiel. Lors de la phase de création, mes équipes de concepteurs internationaux et moi-même élaborons un rapport de création de 50 à 80 noms préfiltrés juridiquement à l’identique. Cela se fait en groupes de créativité, par recherches linguistiques individuelles, avec des logiciels d’aide à la création. Une fois le rapport créé, il est présenté ensuite de façon dynamique et interactive au comité de pilotage client. Avec lui, nous animons les noms, les faisons vivre, les ajustons puis nous établissons une short list d’une dizaine de propositions.
En quoi consistent les étapes suivantes, la validation linguistique puis la validation juridique ?
CV : Nous nous assurons que les noms de la short list n’expriment pas de choses négatives dans les langues des pays où la marque est, ou pourrait être, présente. La force de Ipsos Insight Marques est de pouvoir s’appuyer sur le réseau Ipsos implanté dans 87 pays. Quand nous testons ces noms ou bien le mix de la marque par des études qualitatives, le savoir-faire “études internationales” d'Ipsos est crucial. Enfin, intervient la validation juridique de similitude pour vérifier que les noms proposés soient libres, puis l’ultime phase de test marketing auprès des cibles.
“C’est vraiment une démarche de co-création avec le client. Elle repose sur l’écoute, la confiance et l’émulation”
Chaque année en France, environ 90 000 noms de marque sont enregistrés à l’Institut national de la propriété intellectuelle…
CV : En effet, aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de noms totalement libres de droits. C’est là qu’il faut évaluer le risque juridique et pratique. Nous travaillons de façon créative avec nos juristes partenaires, afin de trouver des stratégies libératoires ou de contournement. Il suffit parfois de remodeler le mot en rajoutant ou en inversant une lettre, une syllabe, d’associer un graphisme particulier… Ainsi est écarté le risque de confusion avec un nom déposé. Nous libérons les marques !
Vous avez adopté une démarche d’accompagnement originale et performante auprès de vos clients. Pouvez-vous la décrire ?
CV : C’est vraiment une démarche de co-création avec le client. Elle repose sur l’écoute, la confiance et l’émulation. Nous constituons un comité de pilotage avec le président de l’entreprise, son comité de direction, ses équipes marketing et communication et d’autres profils, R & D, commerciaux, c’est selon. Nous insistons pour composer un comité pluridisciplinaire aux sensibilités variées. J’anime alors des ateliers, des team solving® créatifs, pour amener nos interlocuteurs à parler de l’univers de leur entreprise ou de leur produit avec leurs émotions, en transportant leur esprit et leur sens, au-delà du discours rationnel marketing et financier, et au-delà de toutes barrières hiérarchiques. Cette maïeutique permet d’entrapercevoir le champ des possibles du futur nom, à travers des types de mots, des ambiances colorielles, des univers narratifs… Bref, je joue le rôle de facilitateur et d’émulateur, pour dessiner les contours imaginaires du nom et faire émerger un storytelling riche et appropriable par les équipes qui en deviendront les relais.
“Nous nous attachons autant à l’aspect sémantique du mot qu’à sa musicalité”
Votre approche créative et poétique s’inspire de la synesthésie, figure de style associant plusieurs perceptions des sens. Un nom de marque, c’est donc un mot, un lettrage, un son, une signification et des évocations qui jouent sur les perceptions sensorielles ?
CV : Tout à fait, comme dans le sonnet “Correspondances” de Baudelaire, “Les parfums, les couleurs et les sons se répondent” dans la création et la narration d’un nom. Nous nous attachons autant à l’aspect sémantique du mot – le sens de ses racines, du préfixe, du suffixe – qu’à sa musicalité : les syllabes, leur rythme, leur harmonie. L’esthétique du lettrage compte pareillement. Tels des architectes, nous construisons des mots avec des lettres porteuses d’une certaine aspérité visuelle, notamment celles peu présentes dans notre alphabet comme le “k”, le “x”, le “y “le “z”. En résumé, il faut donner à la marque ou rechercher en elle des sens qui font ou pourraient faire sens.
Pouvez-vous illustrer votre propos ?
CV : Prenons le cas de Kadjar, le nouveau crossover de Renault, budget sur lequel Ipsos Insight Marques n’a pas travaillé, je le précise. C’est un nom bi-syllabique avec les consonnes “k”, “d” et “j” qui ne sont pas si répandues en français. L’attaque en “k” évoque la robustesse. Le son “kad” masculin rappelle aussi le quad et appuie la dimension tout terrain de ce 4x4. La seconde syllabe dynamique “djar” jaillit comme le rugissement d’un félin mi-jaguar, mi-cougar. Ce nom a une portée héroïque et exotique. Il invite à l’aventure et à la découverte. Et en même temps, il incarne une personnalité puissante. La phonétique avec l’unique voyelle “a”, lettre souveraine répétée deux fois, lui confère, par l’effet de psalmodie, une dimension majestueuse de vénération. Voilà un nom dont les correspondances donnent vie à un univers narratif et émotionnel très porteur pour ce véhicule Renault, en plus de l’esprit de famille qu’il cultive avec Koleos et Captur, les autres crossovers de la marque.
Dans le naming, les noms de marque empruntés au dictionnaire sont voués à se délexicaliser. C’est-à-dire ?
CV : Ils ont vocation à s’émanciper des sens pré-existants, pour se charger de la signification que le logo, la communication, le storytelling et l’expérience client lui donneront. Si je vous parle de la marque Printemps, vous pensez à la chaîne de grands magasins de mode et plus du tout à la saison. Selon ce même principe, nous avons pu créer le nom du parfum Déclaration de Cartier, en dépit des craintes premières d’assimilation au sens trivial de “déclaration d’impôt” pour une marque de luxe. Et L’Atelier Renault, lieu d’exposition du constructeur automobile sur les Champs-Élysées, a bien failli ne jamais être rebaptisé ainsi, tant le spectre du petit garage crasseux hantait les décideurs de la marque…
Quelle délexicalisation est vraiment spectaculaire, selon vous ?
CV : Orange. Magnifique ! Le phénomène de délexicalisation a joué à plein. On a relexicalisé un mot qui désigne au départ une couleur et un fruit, au profit d’un imaginaire, celui d’un groupe de télécommunications avec ses missions et ses valeurs, groupe devenu aujourd’hui une méta marque lifestyle, à l’instar de Apple. Orange fonctionne avec une symbolique polysémique très riche, et ô combien simple et poétique : l’énergie de la couleur, la vitalité du fruit, associées à une dimension surréaliste, qui suscite le choc des émotions. Le logo est carré et non pas rond. On n’est pas loin de “La terre est bleue comme une orange” de Paul Éluard.
FOCUS SUR 3 RÉALISATIONS
En 2015, Bouygues Construction a dénommé sa démarche commerciale de quartiers durables, Linkcity. Un nom adopté également en 2016 par les filiales de développement immobilier du groupe. Cette création de Ipsos Insight Marques souligne la capacité de Bouygues Construction à fédérer des métiers, des expertises, des équipes et des populations. Elle exprime le lien que l’entreprise souhaite sans cesse renforcer avec ses clients et le lien étroit des projets proposés avec leur environnement. L’effet typographique reliant le “k” et le “y” suggère le lien et l’ouverture. Le vert dans le logo évoque l’éco-construction, la couleur orange rappelle le logo de Bouygues Construction. Linkcity se prononce comme un sourire.
L’avis de Mathieu Carré, directeur adjoint RP et communication corporate de Bouygues Construction
“Créer un nom de marque, c’est comme donner un prénom à un enfant. Tout le monde a un avis, mais au final on n’en retient qu’un… et il s’impose comme une évidence. La force de Ipsos Insight Marques est de nous avoir guidés avec souplesse et fermeté, tout au long du processus de sélection en entonnoir. Lors des ateliers de travail, Catherine Veillé a démontré sa capacité à faire “accoucher” de leur ressenti sur la marque, les décideurs de Bouygues Construction aux profils différents. À partir des perceptions intimes de chacun, elle a tiré des éléments communs. Linkcity a été bien accueilli par l’ensemble de nos équipes, mieux que les noms envisagés dans un premier temps et trouvés… en interne !”
Ipsos Insight Marques a accompagné Aérolis, dans la nouvelle stratégie de marque concernant ses lignes de navettes de bus reliant la capitale aux aéroports de Paris-CDG et de Paris-Orly. Depuis mai 2016, Le Bus Direct est le nouveau nom des Cars Air France. Simple à comprendre et facile à s’approprier, tant en France qu’à l’international. Il ouvre à toutes les compagnies aériennes, là où Les Cars Air France semblaient exclusifs. L’article défini “le” magnifie le véhicule, en lui conférant un statut unique so Frenchy. C’est le pendant cocorico de “das auto”, l’ancienne signature de Volkswagen. L’article “le” est le trait d’union avec Paris Aéroport, marque voyageurs nouvellement créée et fière aussi d’afficher sa francité avec son accent aigu sans perdre le public étranger.
L’avis de Christine Pasquiou, directrice Marketing et Commercial de Aérolis
“Dès le début de notre collaboration, Catherine Veillé nous a conseillé d’enrichir notre offre de services destinés aux voyageurs, en parallèle de l’opération de rebranding. Sinon, le changement de nom aurait été une coquille vide. Nous l’avons écoutée : nouvelle boutique en ligne d’achat de billet, wifi gratuit dans les bus, trois nouveaux arrêts dans Paris… Le Bus Direct marque donc un nouveau développement de l’entreprise. Catherine et ses équipes ont mené des tests quali-créatifs in situ dans les bus auprès de voyageurs finement sélectionnés, lors d’entretiens individuels mais aussi collectifs. Les résultats ont été riches d’enseignements. Ainsi, nous avons pu mesurer l’importance de garder une marque caution. Le Bus Direct est donc associé à Paris Aéroport.”
En 2015, Premdor, fabricant bordelais de portes, blocs-portes et huisseries bois et métal, a changé d’actionnaire. Ce groupe est devenu 100 % français. En 2016, il a adopté la nouvelle identité créée par Ipsos Insight Marques : Keyor. Le nom reflète la promesse de fabrication et de conception de portes clés en main. “Key”, clé en anglais, c’est la figure de style, la métonymie de la porte avec une lettre d’attaque forte et impactante, le “k”. Le suffixe “or” lui confère un positionnement premium et donne un écho “historique” à “l’or” de Premdor. Il y a filiation. Dans le logo, le “k” doublé exprime l’ouverture-fermeture. Le “y” ancre la marque dans une dimension esthétique et féminine, qui tempère le côté technologique et brut de l’univers de la fabrication.
L’avis de Marie-Hélène Gondre-Vidalinc, directrice associée de l’agence Nous-Conseil
“Notre structure, conseil en stratégie de marque, a été sollicitée par Premdor pour redéfinir sa plateforme de marque. Nous avons choisi Ipsos Insight Marques, afin de travailler sur la recherche d’un nouveau nom pour le groupe. Catherine Veillé et ses collaborateurs ont su adapter leur méthodologie aux contraintes du client, notamment des délais très serrés. Ils ont d’emblée saisi les ambitions du client et l’exigence d’un nom fédérateur pour mobiliser ses équipes autour d’un nouveau projet d’entreprise et de ses valeurs fondatrices : expertise, fiabilité, innovation et service. Keyor est un nom très graphique. Le storytelling élaboré par Ipsos Insight Marques a permis à nos créatifs de concevoir un logotype percutant aux couleurs bleue et marron évoquant le métal et le bois des portes.”
L’avis de Philippe Heripret, président du directoire de Keyor
“L’animation en co-création est surprenante au début pour des personnes peu habituées à ces techniques mais la méthode s’est révélée très efficace. Le process de création est rapide et le choix final dépendant de nous et de notre réactivité !”
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