Qui sont les jeunes aidants aujourd’hui en France ?
A l'occasion de la journée nationale des aidants, Ipsos et Novartis ont réalisé une enquête auprès des jeunes aidants afin de mieux comprendre les conséquences de leur rôle sur leur vie sociale et scolaire, mais aussi les effets physiques et psychologiques de cette situation. Concilier une double vie d'enfant ou adolescent et d'aidant, lumière sur la face cachée de l'aide.
Qui sont les jeunes aidants ?
Un jeune aidant est un enfant, adolescent, ou jeune adulte de moins de 25 ans qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à un membre de son entourage proche qui est malade, en situation de handicap ou de dépendance. Cette aide régulière peut être prodiguée de manière permanente ou non et prendre plusieurs formes notamment : soins, accompagnement dans les trajets, démarches administratives, communication, activités domestiques, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique. « Cette enquête, l’une des premières en France à étudier spécifiquement la population des jeunes aidants, est avant tout une opportunité de rendre compte du vécu de ces adolescents et des conséquences de cette double vie sur leur quotidien. Pour cela nous avons identifié et interrogé 501 jeunes aidants, âgés de 13 à 30 ans qui ont témoigné de leur quotidien. », Luc Barthélémy, Directeur de clientèle Santé, Ipsos.
- 40% des jeunes aidants interrogés sont âgés de 20 ans ou moins,
- L’âge moyen des jeunes aidants interrogés lorsqu’ils ont commencé à apporter de l’aide est de 16,9 ans.
La personne accompagnée est dans :
- 52% des situations, la mère,
- 15% les frères ou sœurs,
- 14% la grand-mère.
Les jeunes aidants actuels consacrent pour la majorité d’entre eux une durée significative de leur journée en semaine ou le weekend à l’aide apportée :
- 73% d’entre eux y consacrent au moins 1 heure par jour en semaine,
- 36% y consacrent plus de 2h,
- 78% y consacrent au moins 1h et 42% plus de 2h le week-end.
33% des jeunes interrogés aident seuls. 41% déclarent ne pas avoir eu le choix et 35% qu’ils sont les seuls à accepter de le faire.

Les aidants parfois jeunes
Les 13 à 16 ans représentent 13% des jeunes aidants interrogés. Pour autant ils n’ont pas nécessairement commencé à accompagner la personne aidée à cet âge. La durée moyenne de l’aide étant d’environ 2 ans dans l’enquête, la relation d’aide à commencer pour certains avant 13 ans.
Un âge qui n’est pas sans conséquence sur le quotidien de ces adolescents qui, pour 65%, consacrent au moins une heure par jour à s’occuper de la personne aidée alors qu’ils sont scolarisés au collège (52%), au lycée (31%) ou ont déjà un pied dans la vie professionnelle (14%)
Ils aident le plus souvent un des deux parents (72%) pour une maladie grave, avant tout pour un soutien moral (52%) mais parfois aussi pour des tâches beaucoup plus impliquantes, comme la gestion des aspects médicaux (30%) ou des tâches relatives à l’intimité (16%). Face à cette situation, si 45% d’entre eux sont fiers d’eux-mêmes, ce sentiment de fierté ne doit pas occulter un retentissement à la fois psychique et physique :
- 31% se sentent dépassés et 31% expriment un sentiment de stress et de surcharge importante par rapport à leur quotidien,
- 59% des 13-16 ans se sentent fatigués,
- 44% ont mal au dos, aux bras,
- 42% ont du mal à dormir et se réveillent la nuit,
- 44% déclarent avoir du mal à se concentrer la journée,
- 38% ont le sentiment de ne pas pouvoir profiter de leur jeunesse.
« Cette enquête lève le voile sur le sujet des jeunes aidants. Derrière ce terme se cache des situations multiples, des vécus divers », explique Florence Leduc, Présidente de l’Association Française des Aidants. « L’étude nous invite à approfondir notre connaissance pour prendre en compte l’ensemble de ces jeunes : enfants aidants, jeunes aidants en situation d’étude ou en activité professionnelle etc… »
Une aide multidimensionnelle et concrète au quotidien
L’importance de l’aide apportée au quotidien s’évalue à travers le temps passé et également au travers de la concomitance des tâches effectuées par les jeunes aidants au quotidien :
- 61% apportent un soutien moral (écoute, remonter le moral…),
- 51% gèrent certains aspects de la maison (courses, ménage…),
- 43% aident la personne dans ses déplacements,
- 43% s’occupent des aspects médicaux, (aller à la pharmacie, assurer le suivi médical, préparer le pilulier…),
- 33% se chargent de l’administratif,
- 20% s’occupent de l’intimité de la personne aidée (toilette, habillement, douche…).
Pourtant, malgré cet investissement, une grande majorité des jeunes aidants interrogés considère ne pas en faire plus que les autres jeunes de leur âge. Cela peut notamment s’expliquer par leur volonté de ne surtout pas être exclu du « groupe » ciment de la construction d’un adolescent. En effet, en estimant en faire autant que les autres, les jeunes aidants préservent ainsi leur appartenance à leur catégorie d’âge alors que l’analyse de leur quotidien montre qu’ils font déjà face à des responsabilités d’adultes. « Disposer enfin de données est très important car c’est une population dont on connaissait l’existence mais qui était jusque-là ignorée des statistiques. On voit pourtant grâce à cette étude que l’aide qu’ils apportent est loin d’être négligeable et savoir par exemple qu’1/3 d’entre eux aident seuls un parent, y compris parfois pour des aspects médicaux ou intimes, interroge forcément » déclare Bénédicte Kail, Conseillère nationale éducation famille à l’Association des Paralysés de France (APF).
Des répercussions multiples
Si 94% des jeunes aidants reconnaissent les apports personnels de cette situation d’aide dans la construction de leur identité au travers de sentiments tels que la maturité (82%) ou le sentiment de mieux comprendre les adultes (84%), cette situation a néanmoins des retentissements multiples dans leur vie quotidienne d’adolescent et jeune adulte :
- Études/emploi : Une situation d’aide qui peut entrainer du retard ou des absences : 33% ont été en retard au moins 1 fois au cours des 3 derniers mois et 34% ont été absents au moins une fois sur la même période.
- Vie sociale : 54% ont le sentiment de ne pas pouvoir profiter de leur jeunesse, 46% évitent que leurs copains viennent chez eux, et 47% se disent gênés par le regard des autres.
- Santé : 75% des jeunes aidants actuels se sentent fatigués, 61% ont du mal à dormir et se réveillent la nuit, 60% ont mal au dos ou aux bras
Au final, 21% des jeunes aidants actuels ressentent a minima un fardeau modéré voire sévère (selon les critères du fardeau de Zarit).
Partager le quotidien dans un climat de confiance
Dans l’univers scolaire ou professionnel les jeunes aidants parlent peu de leur situation : 41% d’entre eux n’ont mis personne au courant. S’ils invoquent comme principale raison à ce silence le fait que ça ne regarde pas les autres (71%), 17% des jeunes aidants actuels précisent aussi qu’ils ne veulent pas qu’on s’apitoie sur leur sort. 34% déclarent cependant être allés vers la personne à qui ils en ont parlé car ils estimaient trop difficile de concilier les cours/le travail et l’aide.
- Presque un jeune aidant sur deux (46%) serait favorable à ce qu’on lui propose de l’aide pour s’occuper de la personne aidée.
- 3 champs d’aide sont évoqués prioritairement : des échanges avec d’autres jeunes aidants, l’appui d’une aide familiale et l’accompagnement de l’école/université.
« C’est l’un des constats de cette enquête qui corrobore le plus ce qui a présidé à la création du dispositif JeunesAiDantsEnsemble, JADE » explique Françoise Ellien, du Réseau de Santé pluri-thématiques SPES et co-fondatrice de l'Association nationale JADE. « Ce besoin de faire communauté avec d’autres jeunes vivant la même situation puisqu’en parler à l’école ou aux amis reste difficile pour eux. La peur de la discrimination est souvent présente «Je n’ai pas envie de le dire car on va se moquer de moi, de ma mère malade… ».
Fiche technique :
Enquête réalisée du 2 au 10 juin 2017 auprès d’un échantillon de 501 jeunes aidants âgés de 13 à 30 ans interrogés par internet. Parmi ces jeunes aidants, 216 étaient au moment de l’enquête en situation d’apporter de l’aide et 285 se sont exprimés en rétrospectif sur l’aide qu’ils ont pu apporter par le passé à une personne de leur entourage.