Salariés et chefs d’entreprises attendent de vraies réformes du prochain quinquennat

La deuxième vague de l’Observatoire des Acteurs du Travail, réalisé par Ipsos pour l’Institut Manpower et destiné à mesurer le moral des salariés et des chefs d’entreprise ainsi que leurs attentes pour l’avenir, met en évidence l’amélioration de leur état d’esprit, la stabilité de leurs préoccupations – un plus fort pouvoir d’achat – et une aspiration encore plus forte qu’en novembre dernier au changement et à la mise en place de réformes.

I. Amélioration du moral des salariés, persistance de leur préoccupation à l’égard des salaires

Le moral des salariés s’améliore

Le moral des salariés semble un peu meilleur qu’en novembre dernier, où ils se montraient largement pessimistes. Globalement, lorsqu’on leur demande quels sont les sentiments qui résument le mieux leur état d’esprit, les salariés citent davantage des sentiments positifs (71% ; +5 points) que négatifs (56% ; -6 points).

En novembre dernier, les salariés se montraient partagés entre inquiétude (35%) et motivation (33%). Aujourd’hui ils sont toujours partagés entre ces deux sentiments, mais la motivation (35% ; +2 points) arrive désormais devant l’inquiétude (31% ; -4 points), signe d’un certain regain d’optimisme en ce début d’année, même si l’inquiétude est toujours élevée et talonne de près la motivation. Les sentiments contrastés exprimés par les salariés sont donc toujours d’actualité, mais les sentiments positifs prennent légèrement le pas. Ainsi, les salariés se montrent plus satisfaits que lors de la précédente vague (30% ; +3 points) et moins stressés (23% ; -7 points).

Dans le détail, ce regain d’optimisme s’observe surtout chez les salariés les plus âgés, ceux-là même qui se montraient les plus inquiets en novembre dernier. Ainsi les plus de 35 ans se sentent plus motivés (34% ; +6 points), plus satisfaits (28% ; +7 points), moins inquiets (28% ; -11 points) et moins stressés (23% ; -9 points). Les salariés les plus jeunes, en revanche, semblent moins touchés par cette « sérénité » de début d’année. Si la motivation conserve la première place (37%), elle diminue (-4 points) et se retrouve désormais talonnée par l’inquiétude (35%), en nette progression (+6 points), au point de passer devant la satisfaction (33% ; -2 points). Notons également que le sentiment de colère, absent du « top 5 » des plus âgés, pointe à la cinquième place chez les plus jeunes et enregistre une progression de 5 points. Un jeune sur cinq (21%) se dit en colère, alors même que leur expérience de la vie active est encore minime. Ces derniers se montrent peut-être inquiets face à des projets de réforme qui les touchent directement, et qu’ils redoutent après l’épisode du CPE, en ayant peut-être le sentiment d’y avoir moins à gagner que leurs aînés.

Leur principale préoccupation demeure la hausse des salaires…

La forte progression de la préoccupation à l’égard des salaires enregistrée en novembre dernier (45% ; + 9 points depuis février 2003 et +16 points depuis octobre 1996) est confirmée ce mois-ci. Il s’agit toujours de leur principale préoccupation (46% ; +1 point), loin devant le maintien de leur emploi (29% ; -3 points) et le temps consacré à leur travail (19%, inchangé). L’inquiétude à l’égard du pouvoir d’achat, soulignée par de nombreuses enquêtes d’opinion, trouve son écho auprès des salariés dans leur volonté de pouvoir toucher un salaire plus élevé leur permettant d’augmenter leur niveau de vie. En revanche, le chômage semble être une préoccupation moins importante, peut-être parce qu’ils se montrent sensibles à la baisse des chiffres du chômage.

En définitive, le temps de travail est une préoccupation mineure pour la plupart des salariés. Elle atteint son plus bas niveau depuis 1999 chez les salariés du public (20% ; -4 points). Seuls les cadres supérieurs (32%) continuent de la placer à un niveau supérieur à la moyenne (19%), mais il ne s’agit plus de leur principale préoccupation puisqu’elle arrive désormais auprès de cette catégorie en deuxième position derrière l’augmentation des salaires. 

… alors que parallèlement, les chefs d’entreprise sont de plus en plus pessimistes sur ce sujet
Si les salariés souhaitent essentiellement voir leur salaire augmenter, force est de constater que les chefs d’entreprise se montrent très pessimistes sur la possibilité de répondre à ces attentes. Seul un tiers d’entre eux (35% ; -6 points) se déclare optimiste sur les possibilités d’augmenter les salaires dans les mois à venir. Cette baisse de l’optimisme s’explique sans doute pour partie par le fait que début mars, la plupart des évolutions salariales ont d’ores et déjà été actées, conduisant sans doute certains chefs d’entreprise à indiquer qu’ils ne peuvent pas à nouveau augmenter leurs salariés dans les mois à venir (alors qu’ils pouvaient plus facilement anticiper une hausse des salaires en novembre dernier). Pour autant, même lors de la précédente vague, l’optimisme était minoritaire, et l’érosion observée ce mois-ci n’est pas de bon augure pour des salariés toujours fortement préoccupés par ce sujet.

Si les chefs d’entreprise se montrent plus pessimistes sur le fait de pouvoir augmenter les salaires, ils semblent un peu plus optimistes concernant les possibilités d’embauche (30% ; +4 points), même si le pessimisme reste majoritaire (55%). En revanche, ils sont majoritairement confiants concernant l’évolution de leur secteur d’activité (60% ; +1 point) et surtout concernant la santé économique de leur entreprise (70% ; +1 point), sans évolution depuis la précédente vague.  

II. Des attentes poussées de réforme, aussi bien chez les salariés que chez les chefs d’entreprise

Une volonté de rupture…

Salariés comme chefs d’entreprise expriment une volonté de rupture avec la situation actuelle, et ce de manière encore plus prononcée qu’en novembre dernier où cette aspiration au changement transparaissait déjà. Ainsi, une nette majorité de salariés (56% ; +4 points) et de chefs d’entreprise (63% ; +5 points) attendent du prochain président de la République qu’il crée une rupture avec la situation actuelle en faisant des réformes sociales et économiques majeures. Les salariés (27%) et les entrepreneurs (19%) qui préfèreraient que le prochain président entreprenne certaines réformes importantes mais qui ne provoquent pas de rupture avec la situation actuelle sont de moins en moins nombreux (-3 points), et demeurent largement minoritaires.

Cette volonté de rupture est majoritaire dans toutes les catégories de salariés, y compris les salariés du secteur public (51%) et les sympathisants de gauche (58%), mais est plus marquée chez les cadres (62%) et les personnes les plus diplômées (65%). Quelle que soit l’acception que les salariés et les chefs d’entreprise ont de la rupture, force est de constater que le statut quo est rejeté et que le souhait de changement domine.

… et de réformes, avec l’espoir chez les salariés qu’elles aient des conséquences positives sur leur situation

Les salariés sont relativement confiants sur le fait que des réformes significatives seront mises en place suite à l’élection présidentielle. Ainsi, une majorité d’entre eux (55%) estime qu’il y aura des réformes qui auront des conséquences importantes pour leur situation, contre 43% qui sont de l’avis contraire. Par ailleurs, les salariés expriment également une confiance majoritaire (58%) dans le fait que ces réformes auront des conséquences positives sur leur situation, même si cette confiance est modérée (seuls 4% affirment que ces conséquences seront « très » positives). Ils ne sont que 29% à penser que ces conséquences seront négatives. L’élection présidentielle suscite donc de fortes attentes de la part des salariés, qui anticipent majoritairement une évolution dans le bon sens.

Les chefs d’entreprise se montrent en revanche plus sceptiques, aussi bien sur le fait même que ces réformes soient réalisées que sur les bénéfices éventuels qu’ils pourront en retirer. Ainsi, 41% pensent qu’il y aura des réformes importantes, 49% qu’il n’y en aura pas. Quant aux conséquences sur leur situation, 45% pensent qu’elles seront positives, 27% négatives et 28% ne se prononcent pas. Ces scores témoignent d’une certaine perplexité : certes, ils se montrent plus confiants que méfiants, comme le montre la faible proportion d’entrepreneurs anticipant des conséquences négatives, mais ils ne se prononcent pas massivement, attendant sans doute de voir ce qu’il en est concrètement avant de prendre position.

Afin de comprendre plus précisément quels types de réformes pouvaient attendre les salariés et les chefs d’entreprise, Ipsos a testé pour l’Institut Manpower un certain nombre de propositions émises par trois des candidats à l’élection présidentielle (Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Ségolène Royal). Force est de constater que salariés comme chefs d’entreprise plébiscitent largement des réformes permettant une augmentation potentielle de leur pouvoir d’achat (leur principale préoccupation) ainsi que des mesures visant à introduire davantage de contrôle au sein du monde du travail, vis-à-vis des chômeurs mais aussi des chefs d’entreprise, et se montrent sceptiques ou hostiles à l’égard de mesures plus sociales. S’ils s’accordent sur les réformes qu’ils jugent les plus souhaitables, et celle qu’ils jugent la moins souhaitable, le milieu de hiérarchie fait apparaître certaines différences d’appréciation, concernant notamment l’assouplissement des contrats de travail.

Le quatuor de tête des propositions jugées les plus souhaitables et réalistes par les salariés rejoint celui des chefs d’entreprise : trois des quatre premières propositions de chacun sont communes. En tête chez les salariés (63%) et en deuxième position chez les entrepreneurs (72%), la possibilité d’autoriser ceux qui le souhaitent à pouvoir travailler le dimanche en échange d’une rémunération adéquate suscite une adhésion majoritaire au sein des deux populations interrogées dans cette enquête. Cette proposition trouve probablement un écho favorable auprès des salariés dans la mesure où elle répond en partie à leur préoccupation à l’égard de leur salaire. Il est probable que dans un souci de pouvoir augmenter leur pouvoir d’achat, toute mesure leur permettant d’accroître leurs revenus suscite un accueil bienveillant. Toutefois, cette mesure est aussi une de celles qui recueillent le plus de rejet : 23% des chefs d’entreprise et 29% des salariés ne la jugent pas souhaitable. Cette proposition suscite donc la résistance de certains salariés, mais cette opposition est minoritaire dans toutes les catégories de population, y compris auprès des salariés se déclarant proches de la gauche (33% seulement s’y opposent).

Par ailleurs, on observe chez les salariés une forte approbation des mesures visant à augmenter le contrôle des demandeurs d’emploi, qu’il s’agisse de leur demander d’avoir une activité en contrepartie de leur allocation et d’une rémunération supplémentaire (62% jugent cette proposition souhaitable et réaliste) ou même de supprimer leurs droits après trois refus d’un emploi qui correspond à leurs qualifications (60%). Ces deux mesures sont également plébiscitées par les chefs d’entreprise, la dernière arrivant même en tête (74% la jugent souhaitable et réaliste). Dans un contexte où les salariés ont le sentiment de ne pas bien gagner leur vie, et où la préoccupation à l’égard du maintien de l’emploi s’étiole, les chômeurs leur apparaissent visiblement comme une catégorie qui bénéficie d’aides dont le montant leur semble peut-être trop peu différent de leur salaire. On notera que les sympathisants de gauche se montrent majoritairement favorables à ces mesures, même si c’est de manière un peu moins prononcée que les sympathisants de droite.

La suite de la hiérarchie diverge davantage entre salariés et chefs d’entreprise, notamment en ce qui concerne l’exonération des heures supplémentaires de charges sociales et fiscales, logiquement largement plébiscitée par les entrepreneurs (63%, 6e position) mais suscitant davantage de réserves de la part des salariés (45%, 9ème position). Ces derniers sont 23% à juger cette mesure pas souhaitable, et 28% souhaitable mais pas réaliste, ce qui témoigne sans doute de leur incertitude sur un sujet dont ils ne maîtrisent pas totalement les tenants et aboutissants et dont ils redoutent peut-être de ne pas tirer profit. L’assouplissement des règles de contrat de travail suscitent également des réactions contrastées, non pas tant sur le contrat de travail unique, que 65% des chefs d’entreprise jugent souhaitables (5e position) tout comme 52% des salariés (7e position), mais plutôt concernant la suppression du CNE. En effet, les chefs d’entreprise expriment majoritairement leur hostilité à la suppression de ce contrat (54% ne le jugent pas souhaitable) alors que les salariés se montrent plus partagés : 32% s’y opposent, 12% le souhaitent mais jugent cela peu réalistes, tandis que 48% le souhaitent et jugent cela réaliste. Une majorité se dégage donc pour dire que la suppression de ce contrat est souhaitable, mais sans que cette majorité soit massive.

Concernant d’autres mesures, les priorités ne sont pas les mêmes mais on n’observe guère de hiatus entre dirigeants et salariés. Ainsi, la possibilité de créer deux emplois sans charge pendant cinq ans est davantage mise en avant par les dirigeants (67%, 3e position) que par les salariés (57%, 6e position). Les salariés insistent en revanche davantage sur la proposition de conditionner les aides publiques à un engagement de la part des entreprises de ne pas licencier si elles font des bénéfices, ou de les rembourser si elles délocalisent : 61% des salariés jugent cette proposition souhaitable et réaliste, elle arrive en 3e position alors qu’elle n’est que 7e chez les chefs d’entreprise qui ne manifestent toutefois pas d’hostilité à son égard (61% la jugent souhaitable et réaliste).

Enfin, on notera le faible écho rencontré aussi bien auprès des chefs d’entreprise que des salariés sur certaines mesures plus sociales. Ainsi, la création de 500 000 emplois pour les jeunes subventionnés en partie par l’Etat est accueillie avec scepticisme par les salariés (47% la jugent souhaitable mais pas réaliste), seuls 38% indiquant la trouver souhaitable et réaliste. Les chefs d’entreprise sont partagés entre hostilité (25% ne jugent pas cela souhaitable), scepticisme (34% considèrent que c’est souhaitable mais pas réaliste) mais aussi adhésion (37% considèrent que c’est une proposition qui est souhaitable). Dans les deux cas, la proposition arrive toutefois en queue de hiérarchie. Quant à la dernière place, elle est occupée pour les deux populations par l’augmentation rapide du SMIC à 1500 €, jugée souhaitable et réaliste par seulement 20% des chefs d’entreprise (35% y sont hostiles et 41% sont sceptiques sur son caractère réaliste), mais aussi une faible proportion de salariés (28%), la majorité n’y croyant guère (54% estiment que ce n’est pas réaliste) et 16% ne jugeant pas cela souhaitable. Il est probable que la plupart des salariés ne se sentent pas concernés, ou estiment que cette solution ne leur permettra pas réellement d’améliorer leur pouvoir d’achat.


Fiche technique :

Enquête effectuée pour : L’Institut MANPOWER en partenariat avec LCI et Les Echos

Dates du terrain : du 23 février au 5 mars 2007 (salariés), du 1er au 7 mars 2007 (chefs d’entreprise).

LES SALARIES: 935 salariés du secteur privé et du public issus d’un échantillon représentatif de la population française (méthode des  quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, région, catégorie d’agglomération). Echantillon interrogé par téléphone.

LES CHEFS D’ENTREPRISE: 402 dirigeants d’entreprise. L’échantillon a été raisonné pour disposer non seulement de dirigeants de petites structures (1 à 9 salariés), de structures moyennes (10 à 49 salariés et 50 à 199) ou importantes (200 salariés et plus). Lors du traitement des résultats, chaque catégorie a été remise à son poids  réel afin d’assurer la représentativité des résultats. Echantillon interrogé par téléphone.

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