Seuls 60% des fonctionnaires envisagent de continuer le métier qu’ils exercent dans la fonction publique
A l’occasion de son congrès bisannuel, la FSU dévoile une enquête réalisée par Ipsos auprès des fonctionnaires, permettant de prendre le pouls de la fonction publique dans un contexte social mouvementé : fonctionnement du service public pendant la crise sanitaire, motivations, fierté mais aussi difficultés et attentes sont autant de thèmes abordés dans cette grande enquête.
C’est dans ce cadre qu’Ipsos a interrogé du 4 au 17 janvier 2022, par internet, un échantillon de 1568 fonctionnaires constituant un échantillon représentatif d’agents de la fonction publique. La représentativité de l’échantillon a été assurée par l’utilisation de la méthode des quotas.
Les agents de la fonction publique sont fiers de leur métier et se disent avant tout guidés par le sens du service
- Les trois quarts des fonctionnaires considèrent que le service public a été globalement performant pendant la crise sanitaire, vraisemblablement fiers de leur engagement pendant cette période difficile. C’est particulièrement le cas des fonctionnaires territoriaux (85%), un peu moins des agents hospitaliers (69%) et des enseignants (56%) mis à rude épreuve pendant cette crise, et plus critiques de la capacité du service public à s’adapter.
- Les fonctionnaires ont avant tout choisi un métier spécifique quand ils ont rejoint la fonction publique (36% citent cette raison parmi les deux les plus importantes, et même 76% des enseignants). C’est ce qui a primé à leurs yeux avant même la sécurité de l’emploi (33% la citent) ou une opportunité (32% ; 46% pour la fonction publique territoriale). La volonté de travailler au service de l’intérêt général est également une motivation importante (26%) bien avant les avantages en termes d’organisation du travail (9%), le salaire (5%) ou le fait que ses propres parents étaient eux-mêmes fonctionnaires (3%).
- Au quotidien, les agents de la fonction publique se disent guidés avant tout par le service à l’usager (44% le citent parmi les deux principaux objectifs qui les guident). C’est particulièrement le cas des personnels hospitaliers (53%), des fonctionnaires territoriaux (51%) et des personnels non enseignants de l’Education nationale (44%). La recherche de la qualité vient ensuite (36%), devant l’efficacité (29%), l’intérêt général (26% ; 34% pour la fonction publique d’Etat), l’égalité (17% ; 30% des enseignants), la neutralité (10%), la laïcité (6% ; 15% des enseignants) et enfin la rentabilité (3%).
- Or les fonctionnaires ont le sentiment que leur hiérarchie insiste au quotidien avant tout sur l’efficacité (37% ; 48% dans la Fonction publique d’Etat hors Education nationale), avant le service à l’usager (33%), et la qualité (29%). La rentabilité qu’ils placent en dernière position parmi leurs propres priorités apparaît en 4ème position quand ils évaluent les priorités de leur hiérarchie (24% la citent ; 43% pour la fonction publique hospitalière), devant l’intérêt général (17%), la neutralité (8%), l’égalité (7%) et la laïcité (6%).
Les fonctionnaires considèrent que la fonction publique doit évoluer pour mieux prendre en compte les inégalités et des enjeux nouveaux
- Si les agents jugent que la fonction publique a globalement tenu bon pendant la crise sanitaire, ils se montrent inquiets de son évolution, et notamment des effets du développement des outils numériques et de la dématérialisation des administrations pour une partie de la population : 58% considèrent ainsi que ce développement a détérioré l’accueil des populations les plus fragiles socialement (73% des enseignants confrontés au défi de l’école à la maison) et 46% qu’il a détérioré le service rendu aux usagers (contre 46% qui pensent le contraire). Nombreux sont les fonctionnaires qui déplorent une détérioration de leurs conditions de travail (48% ; 62% des enseignants) et de la motivation des agents (59% ; 73% des enseignants) compte tenu de cette digitalisation.
- Pourtant les fonctionnaires considèrent qu’il est important que le service public fasse évoluer ses métiers pour mieux prendre en compte les opportunités offertes par le numérique (23% jugent que c’est prioritaire et 55% important mais pas prioritaire). Mais pas à n’importe quel prix.
- Une majorité considère qu’il est avant tout prioritaire de mieux prendre en compte les inégalités sociales (55% pensent que c’est prioritaire et 35% important mais pas prioritaire) et les inégalités territoriales (51% prioritaire et 40% important mais pas prioritaire). Prendre en compte le changement climatique est également jugé prioritaire par 38% des fonctionnaires et 40% important. Enfin, mieux prendre en compte les besoins des entreprises privées n’est pas un objectif étranger à la fonction publique : 12% des fonctionnaires pensent que c’est prioritaire et 46% important mais pas prioritaire.
- C’est également pour combattre les inégalités femmes-hommes que la fonction publique se doit d’évoluer. En effet, 3 femmes fonctionnaires sur 10 ont déjà eu le sentiment de ne pas avoir personnellement les mêmes chances que certains de leurs collègues, compte tenu de leur sexe. Pour progresser sur ce sujet, les fonctionnaires considèrent qu’il faut prioritairement lutter contre les violences sexistes et sexuelles (64% jugent que c’est prioritaire ; 68% des femmes et 57% des hommes), mais aussi aider les parents dans leur rôle au quotidien -crèches, horaires de travail…- (prioritaire selon 46% des fonctionnaires : 53% des femmes contre 36% des hommes) ou encore instaurer des quotas de femmes dans les différentes fonctions (prioritaire selon 22% des agents, 27% des femmes, une majorité relative considérant plutôt que c’est important mais non prioritaire).
Salaire et reconnaissance, revendications majeures des fonctionnaires
- En dépit des deux dernières années difficiles qu’ils viennent de vivre comme l’ensemble des Français, seule une minorité de fonctionnaires constate une détérioration au cours des 5 dernières années de l’intérêt de leur travail (40%), de leurs relations avec leur hiérarchie (32%) et de la reconnaissance de leurs efforts par celle-ci (43%), des formations dont ils ont pu bénéficier (35%) ou encore de leurs relations avec les usagers (28%).
Les enseignants (40%) comme les agents de la fonction publique territoriale sont néanmoins (34%) plus nombreux à déplorer une dégradation de la relation avec les usagers. Les fonctionnaires sont d’ailleurs nombreux à déclarer avoir déjà subi de la part d’usagers des violences verbales (49% ; et même 68% des agents de la fonction publique hospitalière). Les femmes (52%) tout comme les jeunes agents (56% des moins de 35 ans) y sont particulièrement exposés.
Près d’un fonctionnaire sur deux a également été confronté à des propos ou comportements intimidants (46% ; 47% des enseignants, 60% dans la fonction publique hospitalière), et 17% à des violences physiques (25% des moins de 35 ans, 38% dans la fonction publique hospitalière). Les difficultés avec les usagers sont attribuées avant tout aux discours négatifs que l’on peut parfois entendre à l’égard des fonctionnaires (53% ; 77% des enseignants sont de ce point de vue), mais aussi à la fatigue et au découragement des agents (43% ; 60% dans la fonction publique hospitalière), à la perte d’efficacité du service public (28%), à l’effet de la crise sur les usagers (24%) ou encore à l’insuffisante prise en compte des usagers par le service public (22% ; 29% des agents de la fonction publique hospitalière). - Mais si l’intérêt du métier se maintient, une majorité des fonctionnaires déplore une dégradation de leur pouvoir d’achat (56% ; 79% des enseignants), de la reconnaissance sociale dont ils bénéficient (50% ; 72% des enseignants) et de leur charge de travail (65% ; 80% des enseignants et 70% des agents hospitaliers).
- A tel point qu’aujourd’hui, seuls 60% des fonctionnaires envisagent de continuer le métier qu’ils exercent dans la fonction publique (67% des enseignants). Ils sont 19% à souhaiter rester dans la fonction publique mais pour exercer un autre métier, et 21% à vouloir la quitter, soit pour rejoindre le privé (9% ; 14% pour la fonction publique hospitalière), soit pour prendre prochainement sa retraite (9%), soit pour s’arrêter de travailler (4% ; 7% dans la fonction publique hospitalière).
- Si les fonctionnaires sont prêts à envisager de passer dans le privé, c’est aussi parce qu’ils ne s’estiment pas mieux lotis. Ils sont certes 84% à reconnaître être avantagés par rapport aux salariés du privé en matière de sécurité de l’emploi, mais pas/plus vraiment en matière de temps de travail (45% pensent être avantagés), de retraite (34%), de stress ou pression (33%). Et ils s’estiment en revanche clairement désavantagés par rapport au privé en ce qui concerne la reconnaissance de leur travail par la hiérarchie (58% ; 71% des enseignants) et par la société (66% ; 83% des enseignants).
- L’augmentation des salaires constitue de loin la principale attente des fonctionnaires. 74% d’entre eux considèrent qu’elle doit faire partie des deux principales revendications des syndicats (et même 84% des enseignants), loin devant le fait de recruter davantage d’agents (35% ; 59% tout de même dans la fonction publique hospitalière), accélérer la carrière des agents particulièrement performants (32%), les avantages en nature (24%), la formation professionnelle (16%), l’assouplissement des règles du statut (15%) ou encore la diminution du temps de travail (5%).
- D’ailleurs, près de trois fonctionnaires sur quatre se dit prêt à participer à des mouvements de protestation si les salaires n’augmentent pas (74% dont 35% « tout à fait »), particulièrement les enseignants (80%) et la fonction publique hospitalière (78%). C’est le mot d’ordre qui mobiliserait le plus, devant le souhait d’obtenir des règles plus équitables et transparentes dans la gestion du personnel (64%), une mobilisation éventuelle si le licenciement des fonctionnaires était autorisé (62%) ou si le nombre de contrats précaires dans la fonction publique augmentait (60%).
La FSU, très connue des enseignants, mais aussi dans le reste de la fonction publique
- 53% des fonctionnaires connaissent la FSU (et 35% des moins de 35 ans). Parmi eux, 12% connaissent assez précisément les positions qu’elle défend contre 41% qui la connaissent mais sans savoir précisément quelles sont ses positions.
- Les personnels de l’Education nationale sont beaucoup plus nombreux à la connaître : 76% des personnels non enseignants et surtout 92% des enseignants, dont 37% connaissent assez bien ses positions. En revanche, seuls 46% des agents de la fonction publique territoriale la connaissent (dont 7% ses positions) et seulement 30% dans la fonction publique hospitalière (dont 3% ses positions), ce qui s’explique par le fait que la FSU n’est pas implantée dans la Fonction Publique Hospitalière, plusieurs ministères (dont la Défense) et ne l’est que depuis peu dans la fonction publique territoriale.
- Assez logiquement, la FSU est donc perçue avant tout comme « un syndicat de profs » (68% des fonctionnaires qui la connaissent citent ce trait d’image). Mais elle est également considérée par une majorité comme modérée (61%) et utile au quotidien (60%) et ce quelle que soit la fonction publique à laquelle les agents appartiennent. Elle est également, mais dans une moindre mesure, jugée force de propositions construites avec les personnels (53%) et efficace (51%). Enfin, environ un fonctionnaire sur deux qui la connait la considère plutôt dogmatique (51%), trop politisée (50%) et appelant trop à la grève et ne négociant pas assez (41% ; 39% des enseignants qui la connaissent mais 48% des personnels non enseignants ou 47% des fonctionnaires territoriaux).
- Les fonctionnaires attendent avant tout des syndicats qu’ils informent les agents de leurs droits (50% d’entre eux citent cette mission parmi les deux plus importantes) et soutiennent les agents en difficulté (49%). Plus de trois fonctionnaires sur quatre considèrent d’ailleurs qu’il est problématique que les représentants élus du personnel n’aient plus autant d’informations sur l’évolution de leur carrière avec les réformes en cours (77%).
- Du côté des sympathisants de la FSU, soutenir les agents en difficulté est la première des missions assignée au syndicat (46%), devant l’action au quotidien (44%), le fait d’être force de propositions (43% ; bien plus souligné que par l’ensemble des fonctionnaires ou les sympathisants d’autres syndicats -35% en moyenne-). Les sympathisants de la FSU ont également davantage tendance à considérer que le rôle d’un syndicat est d’organiser les luttes des agents (22% contre 9% pour l’ensemble des fonctionnaires et davantage que pour tous les autres syndicats cités -12% en moyenne-, 18% pour la CGT).