Shaping 2025 et Strategy3 : se positionner dans les mondes qui viennent
Dévoilé en juillet 2021, Shaping2025 dessine autour d’un scénario principal, trois alternatives pour comprendre les forces qui structureront les modes de vies, les choix de consommation et de marque dans les années à venir. Ce travail de projection a été réalisé par notre département Trends & Prospectives et Strategy3, l'entité de conseil en stratégie marketing et innovation d'Ipsos.
La crise de la covid-19 n’a pas déclenché de nouvelles tendances mais les a amplifiées et radicalisées.
Bien avant février-mars 2020, la fragmentation des sociétés, l’idée que demain n’est plus obligatoirement synonyme de progrès et la prise de conscience de la réalité des changements climatiques[1] étaient à l’ordre du jour. Autrement dit, beaucoup estimaient déjà impossible de continuer comme avant, exprimant leur souhait a minima de stopper la fin du monde, et idéalement de réinventer un mode de vie mondial durable et sécure. Pour autant, si l’objectif semblait commun, au moins trois idéologies s’affrontaient et s’affrontent encore sur la manière de faire :
- Les Techno-Solutionnistes, pour qui il faut accélérer inventions et innovations scientifiques. Comme le transhumanisme, ce mouvement né dans la Silicon-Valley voit dans les technologies la condition pour « réparer la planète », résoudre les grands problèmes du monde (pollution, faim, raréfaction des ressources…) et des hommes (maladies, pandémies…). Développer des algorithmes prédictifs au Brésil pour réduire la criminalité, développer le tourisme spatial, extraire de l’oxygène sur Mars, créer un village spatial autosuffisant et bio-régénératif sur la Lune, ces quelques exemples montrent que les Techno-Solutionnistes ne se donnent aucune limite.
- Les Essentialistes, pour qui il faut revenir à ce qui est vraiment important et qui placent l’être humain au cœur de leur philosophie. Contre un progrès qui dénature la vie et une société de consommation qui nous coupe de nous-même, déconsommation, développement personnel, recherche d’alternatives, vont nous rapprocher des vraies valeurs et de ce qui donne du sens à la vie humaine, bien loin des seules technologies.
- Les Identitaires, pour qui seule compte leur communauté d’appartenance. On y trouve aussi bien Donald Trump, la Cancel Culture et les Woke, qu’un mouvement comme BLM, du moment qu’il est centré sur la protection de « mes valeurs », « ma justice », « les miens » et se définit d’abord par « ce que je suis » contre les autres.
Rapportons la situation actuelle au Titanic. Les Techno-Solutionnistes vont inventer une solution pour passer au-dessus de l’iceberg (ou le faire disparaître), les Essentialistes vont quitter le navire et fonder une société sur une île déserte, et les Identitaires se répartiront les canots de sauvetages par communautés !
La crise de la covid-19 a renforcé chacun dans ses convictions.
Les premières applications à l’échelle mondiale du Techno-Solutionnisme ont été la conception fin janvier 2020 par Uğur Şahin[2] d’un vaccin ARN messager contre la covid-19 et la vaccination d’un tiers de la population de la planète aujourd’hui[3]. Entretemps, l’implémentation des technologies digitales et de l’Intelligence Artificielle a été largement accélérée dans la plupart des domaines de la vie, notamment avec le télétravail, le e-commerce ou les QR-Code.
Le fait que la pandémie soit mondiale, que toutes les interdépendances entre les pays et les disparités sociales soient mises sur la table a donné raison aussi bien aux Essentialistes qu’aux Identitaires. Les premiers y ont vu la confirmation des risques liés à une société de consommation globalisée et la nécessité de la décroissance, quand les seconds y ont trouvé des arguments pour un repli souverainiste et autres affirmations populistes.
Si le tableau final nous échappe encore, nous connaissons donc les trois couleurs primaires qui vont composer le monde d’après et qui seront à l’origine de tous ses tableaux.

Le retour au « monde d’avant » est une parenthèse d’inertie tendue.
Maintenant, après dix-huit mois de crise et 75% de la population vaccinée en France, nous avons besoin de nous restabiliser : tout est fait pour que nous retrouvions « le monde d’avant » en consommant et en dépensant notre épargne pour relancer l’économie et diminuer le nombre de chômeurs. Mais ce retour au monde d’avant, ce scénario où nous croyons possible de tout concilier en même temps, est une illusion pour trois raisons : 1. Le monde d’avant est celui des gilets jaunes, des inégalités et des crises sociales, des réformes compliquées, 2. Nous sommes bombardés d’injonctions et d’informations paradoxales, 3. Nous ne sortons pas de la séquence de la covid-19 comme nous y sommes entrés.
Des dynamiques contraires se superposent, mêlant avancée et reculades (vaccins et variants du virus, entre autres), paradoxes (relance de la consommation et dégradation climatique, conquête de l’espace et hausse du travail des enfants, Biden idéal candidat anti-Trump et « poignardant la France dans le dos » dans l’affaire des sous-marins vendus au gouvernement australien, etc.). Ces paradoxes rendent illisibles aussi bien le monde contemporain que le monde d’après.
Quant au point 3, en France comme dans les autres pays, nous ne sommes plus les mêmes. Nous avons découvert – brutalement – d’autres choses, d’autres façons de vivre, de travailler, de nous divertir, de passer le temps. Nous avons expérimenté l’anxiété à divers degrés, redécouvert le sentiment de vulnérabilité, mais aussi le manque de lien, parfois de sens. Un an et demi après le début de la pandémie, nous avons accueilli d’autres désirs et d’autres peurs, qui feront éclore lentement d’autres priorités. Pour le moment, ces bouleversements souterrains et souvent inconscients ne se sont traduits en changements visibles que pour une fraction de la population, mais nous pensons que dans les années à venir, des « craquages » progressifs se multiplieront à mesure que les individus exprimeront leur inconfort du monde d’avant et leur désir d’un autre monde d’après.
Le home office est un bon exemple des transformations conscientes ou inconscientes. Revenir quotidiennement au bureau après des mois chez soi, c’est retrouver le stress et la fatigue des transports publics aux heures de pointe ou des embouteillages, c’est se poser des questions sur le poids du budget dédié au logement dans les grandes villes et c’est parfois remettre en question sa vie et ses priorités. Même si 15% des salariés des (grandes) entreprises sont concernés, ils ont vu qu’il y a avait d’autres manières de faire ; on peut imaginer que des formes de résistance passive vont se développer si des aménagements ne sont pas trouvés, si de nouvelles libertés ne sont pas données, si de nouvelles idées pour engager et motiver ne sont pas inventées.
Les mondes qui viennent.
Pour aller plus loin dans la compréhension des dynamiques qui vont faire le monde de demain, Ipsos a réalisé un travail d’anticipation : Shaping 2025[4].
Il développe un scénario central, le « Retour au connu » dont la méthode est la conciliation, autrement dit faire « tenir » les structures en place, tenter d’apaiser les dynamiques contraires et de répondre aux urgences contradictoires … A moyen terme, cette « conciliation » sera de moins en moins possible, d’où trois alternatives qui mettent en jeu des forces différentes, comme la prise de conscience volontariste à l’égard des phénomènes qui nous attendent, l’attachement identitaire ou local, ou les évolutions des rapports de forces dans le monde. Chacune influencera et structurera nos priorités, nos modes de vie, nos choix de consommation, et vos positionnements de marques.

Du scénario sociétal à l’activation opérationnelle.
Comment utiliser cette logique de projection pour faire le lien avec l’entreprise et tirer des fils vers des directions plus poussées ?
C’est à partir de ces « histoires des futurs possibles » que nous vous proposons d’accompagner votre réflexion stratégique pour imaginer un présent ou un futur différent. Une fois posées les hypothèses de comportements généraux, il faut les connecter à la réalité de chaque secteur pour en identifier la portée sur les shoppers comme les retailers : les tendances dominantes (désir de sécurité, préférence pour le local, déconsommation, etc.) ne se traduisent pas de la même façon pour une banque, une compagnie d’assurance, une entreprise qui fabrique des jouets, des cosmétiques, ou des produits alimentaires.
Appliquer le levier au secteur est une source d’opportunités et de challenges pour l’activation, l’innovation, la stratégie de portefeuilles ou d’acquisition de marques, en fonction du prisme de l’entreprise et de ce qu’elle cherche à faire. Par exemple, Ipsos S3 a travaillé sur le futur du bio en lien avec les tendances pour identifier l’impact de chacune : dans l’hypothèse « prime au local », que faut-il mettre en avant ? (le drapeau français ou le drapeau de telle ou telle région ? La proximité et la très faible empreinte carbone Vs. un produit qui a parcouru dix-mille kilomètres ? La saisonnalité ?...).
Ce travail de connexion du scénario sociétal aux leviers d’action passe par une analyse en chambre réalisée par les experts de S3, des workshops collaboratifs avec vous, la production d’angles pour une activation réussie.
Strategy3 est l'entité de conseil en stratégie marketing : ni une agence, ni un cabinet de conseil, ni un lab d'innovation, ce sont les trois en même temps. Leurs travaux de recherche s'appuient sur toutes les expertises et données d'Ipsos pour développer des stratégies activables, inspirées par la compréhension consommateur et les données.
[1] En particulier depuis une dizaine d’années avec les rapports du GIEC.
[2] Le cofondateur de BioNTech
[3] Au 17 Septembre 2021
[4] https://www.ipsos.com/fr-fr/shaping-2025-que-restera-t-il-des-consequences-de-la-pandemie-dans-4-ans