Terrains de sport
Fait de société universel, hyper phénomène relevant à la fois du spectacle, de la pratique ou du loisir (y compris virtuel), le sport et ses champions nous tiennent en haleine. Sont-ils pour autant du pain béni pour les marques ? Réponse d'Ipsos UU (Ipsos Marketing).
Une étude récente de l’INA indique que le sport arrive en tête des sujets traités dans les JT de 20h depuis 2000 avec 24 304 sujets diffusés sur ce thème (7,7%). Qu’en pensez-vous ?
Ipsos UU : Le sport est devenu un fait social universel, un phénomène incontournable. Rien, excepté peut-être une catastrophe n’est capable de réunir des milliards d’êtres humains au même moment derrière leur poste comme peut le faire une Coupe du monde de football. En France, celle-ci a d’ailleurs presque éclipsé la réforme des retraites ou les crues du Var !
Pourquoi, quand onze gars remportent un match, des millions d’autres pensent avoir gagné quelque chose ?
Ipsos UU :Comme la tragédie classique, un match de foot s’inscrit dans une unité de temps, de lieu et d’action : en plus des joueurs, du terrain et du ballon, vous avez les arbitres, les spectateurs… Tout cela constitue un formidable espace de dramaturgie, avec ses aléas, ses coups de théâtre incroyables et éventuellement ses mythes. Le football a cette capacité de transcender le quotidien et de s’inscrire dans l’inconscient collectif, via sa dimension spectaculaire et dramatique. Quand vous voyez le marathon de tennis insensé qui vient de se jouer à Wimbledon entre le français Nicolas Mahut et l’américain John Isner, vous vous dites qu’il n’y a que dans le sport qu’on peut voir ça.
Question dramaturgie, la saga de l’équipe de France de football n’est pas mal non plus. N’est-ce pas un risque pour les annonceurs qui ont misé sur la marque « Les Bleus » ?
Ipsos UU :Que ces professionnels n’en soient pas sortis grandis, c’est indéniable. Que cela n’arrange pas les sponsors, à court terme, sans aucun doute. Mais il faut voir que la perception du sport et des sportifs a beaucoup évolué. Les footballeurs de haut niveau, comme c’est aussi vrai des stars du cyclisme, du golf ou de l’athlétisme, ne sont plus considérés comme les ambassadeurs d’une éthique sportive. « Ce que je sais de la morale, c'est au football que je le dois », disait Camus. On en est loin. Les modèles auraient plutôt tendance à devenir des tops models. Regardez Ronaldo ou Chabal. Le sport se « pipolise ». C’est un laboratoire de téléréalité. L’équipe de France de foot nous a donné l’impression d’assister à la suite de La Ferme Célébrités en Afrique du Sud ! On a basculé d’un système qui privilégiait l’exemplarité (le sportif incarne une morale) à un système qui valorise la simple notoriété (le sportif est un people).
Pouvez-vous repréciser le périmètre du sport ?
Ipsos UU :Le sport est pour le grand public présent à 3 niveaux : c’est à la fois un spectacle, une pratique et un objet de discours. Autant de dimensions qui nous intéressent. Nous étudions de près également une nouvelle façon d’appréhender le sport, un nouveau territoire de pertinence, qui est en train d’émerger à travers la révolution numérique et le jeu vidéo. On se situe là quelque part entre la pratique et le spectacle. Derrière tout cela, l’enjeu pour les marques est de trouver leur place et de profiter de l’extraordinaire visibilité du sport, de son immense pouvoir de rassemblement. Nous travaillons avec nos clients aujourd’hui sur la façon d’imaginer, de concevoir et de tester l’efficacité d’autres modes de présence. Le placement produit à travers les jeux en est un, mais beaucoup d’autres options et solutions sont possibles.
Que représentent les millions de pratiquants, surtout à l’ère d’Internet ?
Ipsos UU :Le sport est un domaine où la dimension technique joue un rôle croissant. Qu’il s’agisse du choix du matériel et des fournisseurs, de la préparation ou de l’alimentation, il existe aujourd’hui un niveau de technicité énorme dans le sport. Or chacun, dès lors qu’il maîtrise un tant soit peu une pratique, est un prescripteur en puissance. L’enjeu pour les marques est de gagner en légitimité et en crédibilité, sachant que les règles du jeu pour être reconnu passent par la prescription horizontale, à savoir celle des autres pratiquants. Voilà pourquoi nous travaillons aujourd’hui de plus en plus sur le networking et sur la mise en place de dispositifs qui permettent d’intégrer cette dynamique de prescription affinitaire ou communautaire.
Quels sont les outils Quali à votre disposition ?
Ipsos UU :Il peut s’agir de duos d’échange ou de groupes de confrontation. Nous allons leur demander de réfléchir à la meilleure façon de recommander et de vendre un produit ou un service, avant de confronter le travail et les arguments de chacun pour identifier ceux qui sont les plus porteurs. C’est aussi tout le travail que nous faisons autour des réseaux et des médias sociaux, à travers le marketing viral, où nous voyons comment des consommateurs peuvent s’influencer mutuellement. Voilà, par exemple, comment nous essayons de rendre ce discours prescriptif le plus efficace possible, car, comme je vous disais, dans le domaine du sport aujourd’hui, la prescription est devenue pour une marque l’un des principaux leviers pour se légitimer, s’installer et se valoriser.