Vaccination antigrippale en pharmacie, le retour d'expérience
Plébiscitée par les usagers dans cette étude, la vaccination en pharmacie est considérée par les médecins et les pharmaciens comme un moyen d’améliorer la couverture vaccinale. Si certains points sont à optimiser comme les démarches administratives, la coordination entre professionnels de santé ou encore le suivi vaccinal des usagers, les professionnels de santé sont ouverts à la réflexion pour étendre la vaccination contre la grippe en pharmacie, pour d’autres populations (4) et voire, d’autres types de vaccination.
Un accueil globalement positif et des bénéfices reconnus
Si les usagers (n=70) et les pharmaciens (n=100) interrogés ont été satisfaits de l’expérimentation et ont attribué respectivement des notes moyennes de 9,6/10 [ET 0,7] et 8,1/10 [ET 1,3], les médecins généralistes (n=100) ont quant à eux été plus réservés avec une note de 4,8/10 [2,9]. Parmi les bénéfices de la vaccination antigrippale en officine, l’accès facilité à la vaccination est cité comme point fort par 81 % des usagers et 88 % des pharmaciens. Par ailleurs 60 % des médecins interrogés pensent que la vaccination en pharmacie permettra d’augmenter de façon significative la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière.
85% des pharmaciens et 60% des médecins généralistes interrogés estiment que la répartition des rôles entre les professionnels de santé s’est faite en bonne intelligence dans le cadre de l’expérimentation. La vaccination contre la grippe doit faire partie des missions du pharmacien à l’avenir pour 45 % des médecins généralistes.
Des pistes d’améliorations et des recommandations concrètes
Si les participants ont globalement été satisfaits de l’expérimentation, cette initiative a permis de mettre en évidence certains axes d’optimisation et de formuler des recommandations.
Les médecins généralistes interrogés ont ainsi identifié le suivi des patients une fois vaccinés comme principal point à améliorer.
« Le seul moyen véritablement efficace pour le suivi du patient est la mise en place du Carnet de Vaccination Electronique - déployé dans les 2 régions déjà « vaccinantes » - qui serait partagé entre l’usager et les professionnels de santé. » explique Olivier Rozaire, pharmacien, président de l’URPS Auvergne Rhône-Alpes.
Les pharmaciens interrogés citent les restrictions concernant les profils de personne à vacciner comme inconvénient principal de l’expérimentation (74%), et en second le poids des démarches à réaliser lors de l’acte vaccinal.
« Pour les pharmaciens, la procédure d’intégration au dispositif et le protocole expérimental sont relativement lourds et fastidieux. La simplification des démarches permettra de développer la vaccination en officine à plus grande échelle » ajoute Olivier Rozaire.
L’enquête a notamment mis en exergue la confusion des rôles des professionnels de santé, aussi bien du côté des usagers que des professionnels de santé eux-mêmes. Ce constat amène à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour une meilleure définition des rôles et coordination entre les professionnels de santé.
« Le choix d’étendre les missions des pharmacies d’officine est un choix de santé publique face à la baisse des taux de vaccination mais il est nécessaire de conserver la complémentarité et la coordination entre les professionnels de santé, par exemple en ciblant des populations différentes.» estime Marie-José Augé Caumon, pharmacienne, Conseillère du président de l’USPO et membre associée du Conseil Economique, Social et Environnemental.
Une nouvelle habilitation à vacciner potentiellement extensible
Suite à l’expérimentation, les médecins généralistes et les pharmaciens sont ouverts à une réflexion pour étendre la vaccination en pharmacie à d’autres régions, populations et types de vaccinations.
Concernant la généralisation de l’expérimentation au niveau national, les usagers sont largement favorables (97%) ainsi que la majorité des médecins (57%).
À propos de l’extension à d’autres populations, les usagers comme les professionnels de santé sont en faveur d’une réflexion pour étendre la vaccination grippe en pharmacie aux adultes en général y compris les personnes n’ayant jamais été vaccinées contre la grippe saisonnière mais aussi aux jeunes adultes entre 19 et 25 ans.
À l’avenir, ils considèrent également que d’autres vaccinations pourraient être envisagées en pharmacie : 36 % des médecins et 83 % des pharmaciens souhaitent l’extension chez les adultes, en particulier pour les rappels DTP.
Par ailleurs, seuls 19% des médecins généralistes se disent favorables à l’ouverture de la vaccination en pharmacie pour les patients atteints de maladies chroniques, versus 76% des pharmaciens. Les professionnels de santé citent notamment comme vaccins possibles les rappels DTP ou encore les infections à pneumocoques
Pour les patients de plus de 65 ans, l’écart est sensiblement le même avec 22% de médecins généralistes favorables à l’ouverture de la vaccination en officine pour cette population, versus 74% des pharmaciens.
Et enfin, 33% des médecins et 81% des pharmaciens sont favorables à une vaccination en pharmacie pour les jeunes adultes, citant à la fois les rappels DTP et les vaccins contre les infections à méningocoque.
« Concernant les autres vaccinations, les rappels de vaccins pourraient par exemple être réalisés en pharmacie à condition de bien définir les protocoles entre professionnels de santé, chacun dans sa patientèle. » explique Marie-José Augé Caumon.
« Trop de personnes âgées ou en déficiences immunitaires ne se font pas vacciner et la vaccination des personnes adultes ne se résume pas au simple vaccin contre la grippe. L’ensemble des rappels et des suivis (carnet vaccinal) devrait être aussi accessible aux pharmaciens en coordination avec les médecins traitants. » explique Gérard Raymond, Président de la Fédération Française des diabétiques.
Le Ministère de la Santé et des Solidarités a prévu d’étendre l’expérimentation au niveau national dès 2019 (2). Dans la même dynamique, la Haute Autorité de Santé Publique (HAS) recommande depuis juillet 2018 que les pharmaciens participant à l’expérimentation puissent vacciner contre la grippe saisonnière, sans prescription médicale d’un médecin, tous les individus de plus de 18 ans dès lors qu'ils sont éligibles aux recommandations vaccinales, et que l’acte de vaccination grippe soit élargi à d’autres compétences (infirmiers, sage-femmes). Des travaux sont en cours pour formuler une recommandation sur l’extension à d’autres vaccinations.